Ils sont très jeunes, entre
8 et 16 ans.
Ils passent plusieurs fois par jour devant le petit immeuble où j'habite
au premier étage : c'est dire si je les voient et je les entends !
Les garçons ont les cheveux
luisants, fixés par une sorte de "gel ", certains ont des anneaux
métalliques aux oreilles. Ils portent des jeans savamment décolorés
et déchirés par endroits. Leurs T-shirts les moulent étroitement.
Ils ne manquent pas de " shooter " vigoureusement dans la moindre
boîte de conserve à leur portée.
Ce qui frappe chez les filles c'est
leur manque de frilosité ; en effet, elles ont le nombril à l'air
quelle que soit la température extérieure. C'est la mode, paraît-il,
de porter des pantalons dits " taille basse " et des T shirts trop
courts. Le bas de leurs pantalons " patte d'éléphant "
recouvre des énormes chaussures à semelles démesurément
épaisses, ce qui les oblige à se déplacer en se dandinant.
Ils ne savent pas parler ou plutôt
parler normalement ! Même marchant côte à côte, ils
s'adressent l'un à l'autre en criant à tue-tête. Certains
d'entre eux marchent un peu à l'écart, le téléphone
portable collé contre la joue, absorbés dans des conversations
probablement d'une haute importance.
Qui sont ces enfants ?
Ce sont tout simplement les élèves d'un lycée voisin sur
le chemin de l'école.
Ils sont mal élevés, ils m'agacent. J'ai envie de leur faire la
leçon.
Depuis quelques jours, il y a quelque
chose de changé.
Je remarque qu'ils portent tous, en plus du baluchon informe dans lequel ils
enferment leurs livres et cahiers, un espèce de cube marron de la taille
d'un gros poste de radio.
Je réalise qu'il s'agit de
la boîte contenant le masque à gaz et la seringue d'atropine que
les consignes de défense passive font obligation d'emmener avec soi en
toutes circonstances. Certaines de ces boîtes portent des dessins aux
couleurs vives. Cela me rappelle que rien n'a jamais empêché les
enfants de dessiner et de peindre même dans les circonstances les plus
tragiques.
Brusquement, ils font partie de moi,
ils sont devenus mes enfants, ma chair.
Ils peuvent bien crier, s'habiller n'importe comment, j'ai envie de les prendre
dans mes bras et leur dire que je les aime.
Jérusalem, Avril 2003