On est tenu de boire à
Pourim jusqu'à ce qu'on ne sache plus différencier entre "Béni
soit Mardochée et maudit soit Haman". (Talmud Méguila 7b)
Avouons que c'est un peu fort !
Tout le long de l'année
l'éthique juive prêche modération et sobriété
et soudainement, ici à Pourim on dérape.
A vrai dire on nous fait
déraper et ce sont les rabbins eux-mêmes qui nous incitent à
nous enivrer.
Buvez, caressez la bouteille
! Buvez autant que vous désirez et même plus que cela...
Pour être exact :
"ad de lo ya'da"-jusqu'à ce qu'on ne sache plus ! C'est-à-dire
qu'on ne s'y retrouve plus entre le maudit de Haman et le béni de Mardochée.
Peut-être que nous
pouvons trouver une allusion à la réponse dans le vocabulaire
même que nos sages ont utilisé. Regardons, ils n'ont pas dit tout
simplement : "Enivrez vous". Le terme qu'ils ont employé ici
est Libesoumé. On est tenu libesoumé. La traduction exacte de
ce terme est "adoucir" ou encore "parfumer" (comme besamim
dans la bénédiction de havda'la). Comme si tout en buvant nous
nous parfumions...
On cherche à travers
l'histoire de Pourim à nous faire savoir que les vertus et les vérités
de la Torah doivent être si profondément ancrés dans l'âme
de l'homme que même tout en étant saoul, ce ne sont rien que ces
vertus et ces vérités qui sortent de sa bouche.
Ainsi l'intention de nos
sages n'était à aucun moment d'enseigner à dire les choses
de travers à Pourim. Ils ont par contre dit de boire jusqu'à ce
que la raison et la conscience ne sachent plus faire la part des choses.
Si dans cet état
d'ébriété c'est quand même le "béni Mardochée"
qui sort de la bouche, alors nous savons que cette personne est vraiment parfumée
et que les valeurs de la Torah remplissent toutes les chambres de son coeur.
Pourim est aussi une certaine
métaphore ; ce monde, notre monde matérialiste, il saoule. Les
mass-médias, les articles de luxe et la vie de douceur nous enivrent
littéralement. Leur puissance est telle qu'ils nous privent en grande
partie de notre lucidité et de notre faculté de jugement.
Pareillement, du temps de
Assuérus, les juifs furent enivrés par l'étincellement
des splendeurs royales et ils furent saoulés par les banquets et les
festins somptueux que le monarque offrit. Dans cette ivresse générale,
il ne restait que Mardochée pour reconnaître la vérité.
"Morde'hai Hayehoudi"
. Ainsi il est appelé dans la Meguila. Mardochée le juif. Celui
qui était le juif à part entière. Nous parlons souvent
de l'obligation d'être consciemment juif, or Mardoché était
celui qui a laissé les paroles de la Torah pénétrer au
plus profond de son être, celui qui était juif même inconsciemment.
Le Talmud ('Houlin 139 b)
relève qu'il se trouve une allusion au nom de Mardochée dans la
Torah. A savoir que dans l'huile d'onction, destinée à l'inauguration
des ustensiles du Tabernacle, Maré da'hia (comme
Morde'hai), le myrte était un des "besamim", une des épices
odoriférantes indispensables pour cette huile d'onction.
Avec tout ceci, l'histoire
juive, Morde'hai et Pourim, nous avons une étincelle ; ce parfum qui
émane de notre étude quotidienne de la Torah et qui continue à
nous guider même là où le matérialisme (et l'alcool)
semblent prendre possession de notre monde contemporain.