Nul ne peut éviter cette question à Auschwitz, vaste usine de
mort dans laquelle les Nazis torturèrent, affamèrent, tuèrent
et gazèrent pas moins d’un million et demi de créatures
innocentes, la plupart d’entre elles juives. « Dans un lieu comme
celui-là, on ne trouve pas ses mots, » a affirmé le pape, « au
fond, seul un silence rempli de stupeur peut régner, un silence qui
est un cri intérieur vers Dieu : pourquoi es-tu resté silencieux,
Seigneur ? »
Les comptes rendus parus
dans la presse ont particulièrement insisté sur
cette question. Tous ont noté que l’homme qui l’a formulée,
fut, ainsi qu’il l’a reconnu, « un enfant du peuple allemand. »
Nul n’a pu ignorer l’intense portée historique que constituait
le pèlerinage d’un pape allemand en Pologne, suppliant D.ieu de
donner des réponses, dans cet abattoir où, il y a tout juste
60 ans, et ce en battant tous les records précédents, les Allemands
répandirent le sang des Juifs à profusion.
Cependant, certains commentateurs
ont accusé Benoît XVI d’avoir éluder
le problème de l’antisémitisme. Le directeur national de
la Anti-Defamation League (la Ligue contre la diffamation) a déclaré que
le pape « n’avait prononcé aucun mot au sujet de l’antisémitisme,
ni reconnu explicitement que des vies de Juifs avaient été annihilées
simplement parce qu’ils étaient juifs. » Dans son journal,
l’association américano-canadienne National Catholic Register
rapporte qu’« il n’a fait aucune référence à l’antisémitisme
moderne. »
Ce qui anime les antisémites, c’est une hostilité non pas juste à l’égard des Juifs mais aussi envers le message de morale divine que ceux-ci furent les premiers à apporter au monde.
En vérité, le pape n’a pas seulement reconnu la réalité de
la haine contre les Juifs, mais il a expliqué la pathologie qui la sous-tend.
D’après lui, ce qui anime les antisémites, c’est
une hostilité non pas juste à l’égard des Juifs
mais aussi envers le message de morale divine que ceux-ci furent les premiers à apporter
au monde.
« En leur for intérieur, ces criminels pervers » – C’est
Hitler et ses partisans que le pape désigne – « voulaient,
en anéantissant ce peuple, tuer le D.ieu qui s’était adressé à Abraham,
qui avait parlé sur le Sinaï et établi les principes devant
servir de guide aux hommes, principes qui demeurent éternellement valables.
Si, par son existence même, ce peuple demeurait le témoin du D.ieu
qui avait parlé à l’humanité et qui l'avait pris
en charge, alors ce D.ieu devait finalement mourir et Sa suprématie
n’appartenir qu’à l’homme– à ceux qui
considéraient que, par la force, ils avaient réussi à devenir
les maîtres du monde. »
Le but ultime des Nazis,
selon Benoît XVI, c’était d’extirper
la moralité chrétienne en en arrachant les racines juives et
en la remplaçant par « une foi de leur propre invention : foi
dans le gouvernement de l’homme, le gouvernement de la force. » Hitler
savait que sa volonté de pouvoir n’avait de possibilité de
réussir que s’il détruisait tout d’abord les valeurs
judéo-chrétiennes. Dans le Reich de mille ans, D.ieu et Son code
de morale seraient liquidés. L’homme, délivré de
la conscience, régnerait à Sa place. C’est là une
des tentations les plus anciennes et Auschwitz fut un moyen d’y accéder.
« Où était D.ieu en ces jours-là ? » a demandé le
pape. Comment un Créateur juste et affectueux a-t-Il pu permettre qu’une
suite sans fin de cargaisons humaines soit transportée à Auschwitz
pour y être massacrées ? Mais pourquoi ne poser cette question
qu’au sujet d’Auschwitz ? Après tout, où était
D.ieu dans le Goulag ? Où était D.ieu lorsque les Khmers rouges
exterminèrent un million sept cent mille Cambodgiens ? Où était
D.ieu durant le génocide arménien ? Où était D.ieu
au Rwanda ? Où est D.ieu dans le Darfour ?
D’ailleurs, où est D.ieu lorsque même une seule victime
innocente est assassinée, violée ou torturée ?
La liberté n’existerait pas dans un monde où D.ieu interviendrait constamment pour empêcher la cruauté et la violence.
Bien que le pape ne l’ait pas dit aussi clairement, la réponse
est que la liberté n’existerait pas dans un monde où D.ieu
interviendrait constamment pour empêcher la cruauté et la violence
- et la vie sans liberté n’aurait pas de sens. D.ieu accorde aux être
humains le pouvoir de distinguer le bien du mal. Certains choisissent d’aider
leurs prochains ; d’autres préfèrent leur faire du mal.
Dans l’Europe nazie, il y eut ceux qui conduisirent les Juifs dans les
chambres à gaz et ceux qui risquèrent leur vie en les dissimulant à la
Gestapo.
Le D.ieu « qui parla sur le mont Sinaï » ne s’adressait
pas à des anges ou à des robots qui ne pouvaient rien faire de
mauvais même s’ils le voulaient. Il parla à des personnes
réelles qui avaient la possibilité de faire des choix réels
avec des conséquences réelles provenant de ces choix. Auschwitz,
ce n’est pas de la faute de D.ieu. Ce n’est pas Lui qui l’a
construit. Et ce n’est qu’en transformant en marionnettes ceux
qui le bâtirent et qui avaient donc toute liberté d’action,
qu’Il aurait pu les empêcher de perpétrer leurs crimes
horribles.
Ce n’est pas D.ieu qui a échoué pendant la Shoah ou dans
le Goulag ou le 11 septembre ou en Bosnie. Ce n’est pas D.ieu qui échoue
quand des êtres humains se comportent de manière barbare envers
leurs semblables. Auschwitz n’arrive pas parce que le D.ieu qui a dit
: « Ne tue pas » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est
silencieux. Auschwitz survient lorsque les hommes et les femmes refusent d’entendre.
Traduction et adaptation
de Claude Krasetzki