De même qu’un
père ou une mère qui aime son enfant semblera cruel en le
punissant sévèrement afin de lui inculquer de bonnes valeurs,
de même les sefirot “tactiques” que sont netsa’h
et hod sont souvent autre chose que ce qu’elles ont l’air d’être.
Nous avons vu jusqu’à présent les deux premiers groupes
de séfirot:
1. Les séfirot conceptuelles ou “rationnelles” composées
de ‘ho’hma - sagesse, de bina - compréhension
et de daat - connaissance.
2. Les séfirot actives constituées de ‘hessed - bienveillance,
de guévoura - force et de tiféret - beauté.
Nous allons maintenant
décrire le troisième groupe de séfirot
que l’on peut qualifier de “tactiques”; il s’agit de
netsa’h - victoire, et de hod - crainte révérentielle.
Le fait de les définir comme des séfirot “tactiques”,
veut dire que leur objectif n’est pas inhérent à elles-mêmes
mais qu’elles sont un moyen pour parvenir à quelque chose d’autre.
Par exemple, si l’on souhaite que son enfant que l’on aime de
tout son cœur, fasse quelque chose par lui-même, on peut être
forcé de se montrer strict et sévère à son égard
afin de lui enseigner la discipline ou s’assurer qu’il s’implique
personnellement dans ses études. Cette attitude est tactique, c’est-à-dire
que c’est le moyen pour doter son enfant des avantages que l’on
veut qu’il acquière. Mais l’intention intrinsèque
qui nous fait agir est la bienveillance, celle de lui donner une éducation
et de lui transmettre des valeurs.
L’exemple contraire serait le suivant. On peut utiliser la tactique
de la bonté bien qu’on ait des intentions antagonistes. Ainsi,
afin d’attirer un ennemi dans un piège, on pourra lui faire un
beau sourire et se comporter aimablement. A l’extérieur de la
façade, tout paraît plaisant mais par derrière, il s’agit
de punir.
Une nouvelle perspective
Comprendre en quoi consistent
les attributs de netsa’h et de hod, nous
fournit une nouvelle optique permettant d’appréhender ce qui se
passe dans le monde. Il n’est plus question de juger exclusivement un
acte sur son apparence et essayer de le comprendre en tant que tel mais il
faut le regarder également comme un moyen de “parvenir à une
fin”.
La Kabbale nous enseigne
que la question de Job (“Pourquoi le juste
souffre-t-il?”) et celle du Roi David (“Pourquoi les méchants
prospèrent-ils) trouvent une réponse dans les attributs de netsa’h
et de hod.
Par exemple, la souffrance
des justes peut être un test afin d’augmenter
leur récompense ou bien un moyen de les nettoyer des quelques péchés
qu’ils ont commis de telle sorte qu’ils soient purifiés
et parfaits dans le monde futur. Quant aux méchants, leur réussite
leur donnera un sentiment de suffisance qui les empêchera ainsi de se
repentir ou bien ils seront pleinement récompensés sur terre
afin que leur destruction ultérieure soit complète.
D’autres cas sont également possibles; le fait essentiel est
que les actions divines vont bien au-delà de ce qu’il apparaît
superficiellement.
Netsa’h correspond aux actes divins qui sont par essence du ‘hessed,
de la “bienveillance”, mais dont les préliminaires se présentent
sous forme de la rigueur. Les cas où “les méchants prospèrent” font
partie expressément du domaine de hod. Il s’agit d’un châtiment - relevant
donc fondamentalement de l’attribut de guévoura, force/retenue - mais
introduit de façon plaisante.
Ces séfirot marquent un tournant essentiel dans le processus en question.
Alors que les deux premiers groupes de séfirot ont trait à la
volonté intrinsèque de D.ieu et à ce qu’Il désire
accorder à l’homme, ces séfirot se concentrent sur l’homme
lui-même. Quelle est la manière la plus appropriée pour
celui-ci de recevoir le message divin? Comment exécuter Sa volonté le
plus efficacement possible?
Pied droit, pied gauche
Toutes les séfirot sont comparées à différentes
parties du corps humain. Netsa’h et hod le sont au pied droit et au pied
gauche.
Pourquoi justement les pieds?
En général, ils ne sont qu’un moyen pour vaquer à ses
occupations. Le mains sont les principaux instruments de l’action et
les pieds sont simplement le véhicule permettant aux personnes d’arriver à l’endroit
où elles souhaitent accomplir leurs tâches.
D’autre part, la distinction entre le pied droit et le pied gauche n’est
pas du tout aussi prononcée qu’elle ne l’est pour les mains.
De manière similaire, alors que la différenciation entre ‘hessed
et guévoura est bien marquée, celle entre netsa’h et hod
est beaucoup moins accusée. L’un comme l’autre sont un mélange
de ‘hessed et guévoura et par conséquent il n’est
pas commode de les discriminer.
C’est la raison pour laquelle c’est une rude tâche que de
comprendre le motif des actions divines. Par exemple, D.ieu a envoyé une
moisson abondante. Si on ne regarde les choses que sous l’angle de ‘hessed-guévoura,
on peut dire que c’est une récompense pour de bonnes actions.
Mais si on prend en compte l’attribut de hod, on peut alors se poser
la question: Est-ce réellement une récompense? Ou plutôt
un remboursement pour quelque chose de bien alors que la punition finale est
en suspens?
Un but plus profond
L’objectif plus profond sous-tendu par ces deux séfirot est d’amplifier
la vérité divine. Quand on comprend ce que sont les attributs
de netsa’h et qu’ensuite on voit des justes jouir du bien, on réalise
combien celui-ci est mérité.
Les êtres humains ont tendance à faire preuve de sensiblerie.
On pardonne les petites erreurs commises par une personne qui est généralement
bonne. Ce qui signifie qu’elle recevra des avantages qu’elle n’a
pas complètement mérités. Mais en raison du netsa’h
divin - c’est-à-dire en sanctionnant de manière absolue
les fautes commises par les justes - le fait de mériter chaque
parcelle du bien qu’on obtient prend un sens incroyablement plus vif.
De même en ce qui concerne le hod. Le châtiment infligé aux
méchants, placé dans la perspective du bien qui leur est octroyé,
peut être perçu non pas pas comme un acte mesquin de vengeance
mais plutôt comme une punition justement méritée.
Aussi, grâce à cette explication, pouvons-nous comprendre le
sens littéral de netsa’h et hod.
L’acte de netsa’h, accompli par D.ieu, semble consister à vaincre.
C’est un acte déclaré de conquête. Il semble être
le produit final de guévoura, la force, c’est-à-dire le
potentiel de gagner alors que netsa’h est la victoire réelle,
obtenue au moyen de la force.
Mais hod est beaucoup plus profond.
La peur est un sentiment éprouvé face à une
menace évidente, telle qu’un homme pointant un pistolet sur notre
tête. Mais la crainte révérentielle, quant à elle,
est ressentie envers une personne ou un objet qui semble avoir une force ou
une puissance cachées. On est frappé de terreur quand on se trouve
en présence d’un puissant dirigeant. Non pas en raison de sa force
physique ou parce qu’il brandit un revolver mais à cause de la
puissance qui se dégage de sa personne. On est saisi de respect mêlé d’effroi
devant un grand homme en raison de la puissance spirituelle immense inhérente à l’humilité et à la
modestie que l’on distingue en lui.
De même en ce qui concerne D.ieu, quand, rétrospectivement, on
voit que, dans la liberté d’action accordée aux impies,
se camoufle l’ouragan qui va se déchaîner contre eux.
Traduction et Adaptation
de Claude Krasetzki