Le 'Hassidisme s'est essentiellement exprimé dans de petites histoires et de courtes maximes, parce qu'il se voulait essentiellement populaire et aussi parce qu'il considérait que le judaïsme devait être vécu.
Dans la banalité d'une situation, dans la familiarité d'une formule ou d'une question, dans un quelconque " fait divers ", jaillit ainsi l'étincelle divine, éclate la profonde leçon religieuse, morale ou métaphysique.
L'histoire 'hassidique n'est pas en général un machal, une parabole, un apologue. Elle est une "tranche de vie" quotidienne, un moment d'une existence, mais d'une existence constamment sanctifiée. Par bien des côtés, elle est fille de la Aggadah talmudique.
Dans la banalité d'une situation, dans la familiarité d'une formule ou d'une question, dans un quelconque " fait divers ", jaillit ainsi l'étincelle divine, éclate la profonde leçon religieuse, morale ou métaphysique. Mieux que bien doctes développements, ces histoires souvent très " prosaïques " illustrent et éclairent, de façon parfois fulgurante, quelques uns des plus hauts enseignements du judaïsme. Et que d'Humanité dans leur expression, que de sagesse et de résonnante dans leur concision, quel délicieux humour, aussi, dans certaines de leurs répliques ou de leurs images! Quel brûlant amour de D.ieu, et des hommes, a inspiré ces hommes, qui nous restent si proches, et que nous voyons littéralement vivre devant nous!
Il n'y a pas à s'y tromper: ces textes appartiennent indubitablement à notre patrimoine commun. Leur ton, leur accent, leur contenu, sont authentiquement juifs. Les négliger, ce serait nous appauvrir. Ils nous concernent même directement. C'est à nous aussi qu'ils sont adressés. Qu'on en juge plutôt...
Certes, innombrables sont les histoires 'hassidiques. Nous avons retenu ici celles qui nous paraissaient les plus belles parmi les moins connues, en tout cas les moins citées.
Ce choix dont nous ne méconnaissons pas la subjectivité, est évidemment fait d'après le grand recueil de Buber, mais titres et classement nous sont personnels.
LE PALMIER ET LE CEDRE
" Le juste fleurira comme un palmier, il s'élèvera comme un cèdre du Liban ".
Le Maggid de Mezritch expliqua ainsi ce verset des Psaumes: " Il y a deux sortes de justes. Les uns consacrent leur temps à l'humanité, ils enseignent aux hommes, et se font des soucis pour eux. Les autres se soucient seulement d'apprendre pour eux mêmes. Les premiers portent des fruits nourrissants, comme le palmier-dattier. Les autres sont comme le cèdre : orgueilleux et stériles".
EXILS
Dans le psaume 119, le psalmiste dit à D.ieu: " Je suis un étranger sur la terre, ne me cache pas tes commandements ".
Toi aussi D.ieu, comme moi, tu es un étranger sur la terre et Tu n'as plus de sainte demeure pour ta gloire.
Au sujet de ce verset, R. Barukh disait : celui qui est contraint de s'exiler et qui arrive dans un pays étranger, n'a pas une âme à qui parler, n'ayant rien de commun avec les gens du pays. Mais s'il arrive un deuxième étranger même d'un pays complètement différent, les deux peuvent se confier l'un à l'autre, se fréquenter, et devenirs amis. Et s'ils n'avaient pas été des étrangers tous les deux, ils n'auraient pas établi entre eux une aussi bonne amitié. Voici ce que le psalmiste veut dire : Toi aussi D.ieu, comme moi, tu es un étranger sur la terre et Tu n'as plus de sainte demeure pour ta gloire. Alors ne t'éloigne pas de moi; mais révèle moi tes commandements pour que je devienne ton ami ".
Le Maggid de Mezritch disait: " Maintenant, en exil, l'Esprit saint vient sur nous plus facilement qu'à l'époque du Temple. Un roi fut chassé de son royaume et forcé de mener une vie errante. Quand, au cours de ses pérégrinations, il arrivait dans la maison des pauvres où on lui donnait le gîte et une maigre nourriture, mais où on le recevait comme un roi, alors son cœur s'épanouissait et il bavardait avec ses hôtes aussi intimement qu'il le faisait dans son palais, avec ceux qui étaient les plus proches de lui.
Maintenant qu'Il est en exil, D.ieu agit de même ".
D.IEU CACHE
Jehiel, le petit-fils de R. Barukh, jouait un jour à cache-cache avec un autre garçon. Il se cacha bien et attendit que son camarade le trouve. Il attendit longtemps. Finalement il sortit de sa cachette, mais l'autre avait disparu, et Jehiel comprit qu'il ne l'avait pas cherché du tout. Cela le fit pleurer, et c'est en pleurant qu'il courut chez son grand-père se plaindre de ce mauvais camarade.
Alors, les yeux pleins de larmes, R. Baruch s'écria : " D.ieu dit la même chose: Je me cache, mais personne ne veut Me chercher ".
R. Raphaël de Bershad racontait:
Le premier jour de Hanoucca, je me plaignis à mon maître de ce que, dans le malheur, il soit si difficile de préserver la foi parfaite en la Providence divine. Il semble vraiment, que D.ieu cache sa Face de sa créature malheureuse. Comment doit-elle alors renforcer sa foi?
Le rabbi répondit : "On ne peut plus dire qu'Il se cache, si tu sais qu'Il se cache".
PROCHE ET LOINTAIN
Un disciple demanda au Baal chem : " Comment se fait, il que si on s'élève vers D.ieu et si on sait qu'on s'approche de Lui, il arrive parfois qu'on ait le sentiment d'un éloignement et d'une rupture?
Le Baal Chem expliqua : " Quand un père veut apprendre à son fils à marcher, il se tient devant lui et tend ses deux bras de chaque côté de l'enfant pour que celui-ci ne tombe pas, et qu'il aille vers son père, entre ses deux bras. Mais au moment où l'enfant est près du père, le père recule un peu en arrière, et lui tend les bras de plus loin. Et il recommence ainsi jusqu'à, ce que l'enfant sache marcher ".
LES PORTES DE LA RAISON
Tu as commencé par une question, et tu y as réfléchi et tu as recherché une réponse, et la première porte s'est ouverte... sur une autre question.
Sans rien dire à son maître, un disciple de R. Baruch, s'adonnait à la recherche de la nature de D.ieu ; et ses réflexions, de plus en plus approfondies, l'avait conduit au doute.
Quand R. Baruch remarqua que le jeune homme ne venait plus chez lui comme il en avait l'habitude, il alla lui même lui rendre visite, entra à l'improviste dans sa chambre, et lui dit : " Je sais ce qui est caché dans ton cœur. Tu as passé par les cinquante portes de la raison. Tu as commencé par une question, et tu y as réfléchi et tu as recherché une réponse, et la première porte s'est ouverte... sur une autre question. Et de nouveau, tu l'as scrutée, tu as trouvé la solution, ouvert la seconde porte... sur une nouvelle question. Et ainsi de suite, de plus en plus profondément, jusqu'à ce que tu aies forcé la cinquantième porte. Alors tu t'es trouvé en face d'une question dont personne jamais n'a trouvé la réponse, car, sinon il n'y aurait plus de liberté de choix. Mais si tu oses aller plus avant, tu vas sombrer dans l'abîme "
" Alors je dois faire demi-tour jusqu'à mon point de départ ?" s'écria le disciple .
" Si tu reviens, tu ne feras pas demi-tour, tu te tiendras au-delà de la cinquantième porte, tu te tiendras dans la foi ".
CREATION DU NEANT
Le maggid de Mezritch disait :
"La création du ciel et de la terre, c'est le développement du Quelque chose à partir du Néant, la descente de l'en haut vers l'en bas. Mais les tsaddikim qui se libèrent du corporel et ne font que penser à D.ieu, ceux-là voient, comprennent, imaginent l'univers tel qu'il était, à l'état de néant, avant la création. Ils transforment à nouveau le Quelque chose en Néant. Et c'est le plus miraculeux commencer par le stade le plus bas. Comme le dit le Talmud, : " Plus grand que le premier miracle, est le dernier miracle ".
LE MAL
Au ciel nous voyons que tout ce qui vous semble mal est en réalité oeuvre de miséricorde.
A une époque de grande angoisse pour Israël, R. Elimelekh se morfondait de chagrin.
Alors son maître décédé, le Maggid de Mezritch, lui apparut.
R. Elimelekh cria: " Pourquoi gardes-tu le silence, en de si terribles circonstances?"
Le Maggid répondit: "Au ciel nous voyons que tout ce qui vous semble mal est en réalité oeuvre de miséricorde ".