Dans les premiers articles de cette
série, nous avions parlé de
la signification des trois premières Sefirot et avions montré qu’elles
correspondent aux facultés intellectuelles de l’homme. Nous allons
voir maintenant les attributs de “l’action”. Le premier d’entre
eux est le ‘hessed, que l’on peut traduire par la “bienveillance”.
On a tendance souvent à penser que ce mot a pour synonyme “gentillesse” mais
  la connotation de ‘hessed est bien plus profonde. C’est en fait
  un acte qui s’accomplit sans aucun “motif”. 
En percevant son salaire, un travailleur récupère tout simplement
  ce qu’il a effectué. Ainsi, l’énergie dépensée
  par le docker pour décharger un navire lui est rendue sous forme d’argent
  qu’il emploiera pour acheter du pain. Par contre, un acte de ‘hessed
  tel que, par exemple, un don anonyme pour une école, n’est pas “recyclé”.
Le ‘hessed est “proactif”, c’est-à-dire qu’il
  exerce un effet sur des faits ou des processus à venir. Il initie l’interaction
  et doit, par conséquent, être la première des Sefirot de
  l’action. Son domaine de compétence se situe au niveau du visible
  et dans la chaîne de la dynamique sociale, il est l’étincelle
  initiale qui déclenche toute action ultérieure.
Dans le monde des actions visibles, le ‘hessed n’a pas de motif, il est l’expression proactive de la splendeur de celui-ci.
La première place qu’il occupe n’a rien à voir avec
  un classement hiérarchique. C’est en fait une propriété que
  nul autre élément au monde ne possède. Toute action dans
  l’univers a une cause, sauf celle qui se trouve au premier rang. Dans
  le monde des actions visibles, le ‘hessed n’a pas de motif, il
  est l’expression proactive de la splendeur de celui-ci.
La création, qui n’a aucune cause préalable, est l’acte
  ultime de ‘hessed. Les Psaumes l’expriment explicitement: “Le
  monde est bâti avec le ‘hessed” (verset 89,3)
En affirmant que la création est un acte de ‘hessed, nous ne
  parlons pas seulement de la création ex nihilo, au sens purement physique.
  Mais nous nous référons aussi à l’interaction entre
  D.ieu et l’homme.
On pourrait penser par erreur qu’une fois le monde en place, il continue à exister
  grâce aux mérites des humains. (Nous accomplissons les commandements
  divins et par conséquent, nous sommes récompensés.) Il
  n’en est rien. Ce fut un acte unilatéral . Personne ne “mérite“ d’exister.
  Ce fut du ‘hessed au sens le plus fort. 
UNE CONTROVERSE SANS FONDEMENT
Reconnaître que la création est un acte de ‘hessed retire à l’être humain toute possibilité d’entrer en conflit avec D.ieu.
Ce point est bel et bien la pierre angulaire de notre interaction avec D.ieu.
  Celui qui ne comprend pas tout à fait que la relation avec D.ieu est
  fondée sur le ‘hessed, s’engage dans une controverse avec
  D.ieu en alléguant qu’il aurait été, d’une
  manière ou d’une autre, “berné”. Ainsi, toutes
  les discussions dramatiques que la littérature a engendrées au
  sujet de la mise à l’épreuve de D.ieu par l’homme
  se basent sur la supposition que D.ieu “nous serait redevable de quelque
  chose”.
Un employé peut légitimement s’opposer à son patron
  et lui dire: “Vous ne m’avez pas donné la paie qui m’est
  due car, pour le même travail, M. Untel a reçu un salaire double.” Mais
  un mendiant ne pourra pas logiquement faire valoir un tel argument à un
  donateur.
Reconnaître que la création est un acte de ‘hessed retire à l’être
  humain toute possibilité d’entrer en conflit avec D.ieu. Par conséquent,
  si un homme jeune et vertueux meurt, il ne pourra pas prétendre: “Tu
  es injuste envers moi, je ne mérite pas de mourir.” L’existence
  n’est un dû pour personne et personne ne “mérite” de
  naître.
C’est de la sorte que D.ieu répondit à la suite de doléances émises
  par Job: “Qui m’a rendu un service que j’aie à payer
  de retour?” (41,3) Ce qui signifie en fait: “Tu peux questionner
  mais non pas contester.”
Toute existence est en fait un cadeau. Je ne vous dois rien. (Il y a néanmoins
  une façon acceptable de s’interroger sur le bien-fondé des
  actions divines; nous en parlerons ultérieurement)
Cet aspect du ‘hessed - qui est, par définition, ex nihilo -
  possède d’importantes ramifications dans tout ce qui touche au
  domaine des activités considérées par la Tora comme du ‘hessed.
Alors que la pureté d’intention est digne d’éloge
  quand on accomplit une mitsva, elle est inhérente au ‘hessed.
  Sitôt qu’un motif d’agir apparaît, que ce soit honneur
  ou récompense, on ne peut plus parler de ‘hessed absolu. Cette
  action en question n’est plus alors qu’un maillon dans la longue
  chaîne des causes et effets.
  
LA BIENVEILLANCE AUTHENTIQUE
L’acte d’enterrer un mort est appelé en hébreu ‘hessed
  chel emet, littéralement “charité de la vérité”.
  Car tout acte de ‘hessed envers une personne lorsqu’elle est en
  vie n’est jamais vraiment “pur”. Il possède en lui
  une partie de la complexité résultant de l’interaction
  des forces propres à l’être humain. “Peut-être
  lui dois-je une faveur et si je lui refuse, ne me sentirai-je mal à l’aise
  ou bien voudrais-je qu’il me soit redevable?” Pout toute autre
  mitsva, ce serait seulement la ternir alors qu’elle pourrait être
  totalement belle; dans le cas du ‘hessed, celui-ci n’aurait plus
  aucun sens. Car, par définition, il s’agit d’échanger “quelque
  chose contre rien”.
Tout ceci nous permet de mieux saisir pourquoi le statut des parents est particulier
  et qu’il soit inscrit dans les Dix Commandements. 
On pense en général que c’est en raison de la gratitude
  que nous devons avoir pour les bienfaits qu’ils nous dispensent. Mais
  que dire d’un enfant en conflit avec ses parents? Ou de l’enfant
  qui a été adopté à la naissance? Selon la loi juive,
  il doit honorer ses parents biologiques comme s’ils avaient rempli leur
  fonction parentale complètement. Pourquoi?
Les parents se sont acquittés envers leur enfant du seul vrai ‘hessed, c’est-à-dire qu’ils lui ont donné la vie.
La réponse est que les parents se sont acquittés envers leur
  enfant du seul vrai ‘hessed, c’est-à-dire qu’ils lui
  ont donné la vie. Tout autre acte accompli pour son bien s’inscrit
  dans un cadre existant déjà et est donc d’une portée
  beaucoup plus faible. Le don de la vie que les parents font à l’enfant
  ne peut être comparé à aucun autre acte de charité accompli
  envers lui.
C’est pourquoi, il nous est enseigné qu’honorer ses parents
  est comme respecter D.ieu. Car nous devons la vie à tous les deux et
  ce don, comme tel, n’a rien à voir avec les faveurs, les avantages
  et les autres bontés accordés à un individu.
En résumé, le ‘hessed est la première étape
  de l’action. C’est vrai qu’il est précédé par
  la “pensée” mais en ce qui concerne l’acte, il en
  constitue le premier. Ce n’est pas une réaction à un acte
  antérieur. C’est un acte similaire à celui de la création,
  ex nihilo. Le ‘hessed est aussi une des dix Sefirot décrivant
  le début de toute relation de D.ieu avec l’homme. 
Traduit et adapté par Claude Krasetzki