Dans le premier article de cette série consacrée aux dix Sefirot, nous avions discuté de la
‘ho’hma ou sagesse. Le deuxième sujet en est la
binah ou compréhension, connu aussi sous le terme raisonnement déductif.
La définition de binah que donne la littérature midrachique non mystique est la même que celle de la Kabbale, à savoir davar mito’h davar la compréhension d’une idée à partir d’une autre idée.
Une idée nous vient. Elle a été générée par la ‘ho’hma mais, laissée telle quelle, elle n’est d’aucune utilité; elle est à l’état brut. Alors l’analyse commence. Quels en sont ses paramètres? Sur quels axiomes se base-t-elle? Quelles en sont les ramifications et ne sont-elles pas contradictoires? Quelles en sont les applications?
Dans la littérature cabalistique, on parle métaphoriquement de “père” et de “mère” pour décrire la relation existant entre l’idée à l’état brut et l’idée en cours de traitement.
De même que la semence déposée est par le père, ainsi en est-il de la ‘ho’hma, également pure semence.
De même que la semence déposée est par le père, ainsi en est-il de la ‘ho’hma, également pure semence. Le germe paternel, de taille infinitésimale, contient un code non encore développé qui est à l’état potentiel.
C’est la matrice maternelle qui va le traiter. Chaque ligne de code A.D.N. devient alors une cellule humaine, un tissu en puissance ou un organe spécifique. La capacité de développer un germe humain se trouve en cet endroit.
Le Talmud parle aussi de ce type de lien :
L’homme rapporte des champs le blé et la laine. Le blé est-il consommable? Peut-on revêtir de la laine ? Sa femme transforme le blé en farine puis la pétrit pour en faire du pain. Elle va filer la laine, la tisser et la coudre.
Nous voyons que la femme développe la potentialité emmagasinée dans chaque chose. (Tout en voulant éviter le cliché, ceci explique peut-être le talent spécial pour l’éducation qu’ont les mères car elles sont capables de révéler le potentiel de leurs enfants alors que les pères ont renoncé depuis longtemps à le faire).
Examinons encore un autre point concernant la métaphore du père et de la mère. Le premier homme, Adam, fut créé ex nihilo. C’est sous forme de motte de glaise dans laquelle fut insufflé le souffle divin qu’il a vu le jour. Ainsi, l’homme par essence vient de “nulle part”, presque tout comme la ‘ho’hma.
Eve, par contre, sort d’Adam. Son existence même est la preuve qu’elle est davar mito’h davar, une entité venant de quelque chose.
Adam semblait n’être constitué que d’une seule personne mais on eut la révélation qu’un autre être pouvait y être taillé. Ou plus exactement, dans cet Adam, il y avait en latence une personne complète prête à émerger.
Le Bible explique ainsi pourquoi la femme est appelée icha car elle sort de l’homme, ich en hébreu.
SAGESSE ET ETUDE DE LA TORAH
Voyons ce qui différencie ‘ho’hma et binah dans un domaine très différent: l’étude de la Torah.
Dans le Talmud, il est mentionné que la Torah fut donnée à Moïse afin qu’il la transmette à son tour à Israël. En même temps, il reçut également l’art du pilpoul, qui est, en quelque sorte, un procédé permettant d’extrapoler de façon logique de nouvelles lois de la Torah à partir d’un noyau de lois existant. Bien qu’il ne fût pas obligé de transmettre ce savoir à Israël, il le fit de “bon cœur”. En fait, ce fut très utile car, quand Moïse mourut, Israël oublia de nombreuses lois et, grâce au pilpoul, celles-ci purent être reconstituées.
Ce mode d’enseignement du Talmud est réellement une illustration du rôle à la fois de la ‘ho’hma et de la binah dans l’étude de la Torah.
La Torah est l’exemple même de la ‘ho’hma. C’est à travers elle que D.ieu a injecté Sa sagesse dans le monde. Elle est vraie non pas parce que nous la comprenons mais parce que D.ieu dit ainsi.
La Torah est constituée en fait de la ‘ho’hma accordée par D.ieu et de la binah humaine qui la développe.
Cependant, la Torah a simultanément une binah interne. Etant donné certaines bases, on peut par extrapolation reconstruire tout le reste. La manière même dont le pilpoul nous fut donné nous rappelle de beaucoup la binah. La Torah, en tant que telle, vient de D.ieu mais la binah (c’est-à-dire le pilpoul) fut transmise par une personne qui l’avait déjà! A peu près comme la femme qui a été créée à partir de l’homme qui était déjà là!
En effet, pour un étranger visitant une yéchiva, la méthode d’étude semble étrange. D’une part, les étudiants témoignent d’un respect immense pour la Torah en tant que parole divine. D’autre part, ils en discutent méticuleusement chaque point et l’analysent avec la logique la plus absolue. C’est parce que la Torah est constituée en fait de la ‘ho’hma accordée par D.ieu et de la binah humaine qui la développe.
Pour résumer, on peut dire que la ‘ho’hma est une faculté intellectuelle n’émanant d’aucun processus rationnel. Elle est soit le résultat d’une inspiration soit enseignée. Quant à la binah, c’est un processus rationnel inné dont le rôle est de développer une idée au maximum.
Traduit et adapté par Claude Krasetzki.