" Or, il y eut des
hommes qui se trouvaient souillés par des cadavres humains et qui ne
purent faire la Pâque ce jour-là. Ils se présentèrent
devant Moïse et devant Aaron ce même jour. Et ces hommes lui dirent
: " Nous sommes souillés par des cadavres humains ; mais pourquoi
serions nous privés d'offrir le sacrifice du Seigneur, seuls entre les
enfants d'Israël ? " (Nombres, chap. IX, versets 6-7)
" Parle aux enfants
d'Israël en disant : si quelqu'un parmi vous ou vos descendants se trouve
souillé par un cadavre, ou sur une route éloignée, parmi
vous ou vos descendants, il fera la Pâque en l'honneur de l'Eternel. C'est
au deuxième mois, le quatorzième jour, vers le soir, qu'ils le
feront ; ils la mangeront avec des azymes et des herbes amères. "
(Ibid., v. 10-12)
" Pour l'homme qui,
étant pur et n'ayant pas été du voyage, ce serait néanmoins
abstenu de faire la Pâque, cette personne sera retranchée de son
peuple : puisqu'il n'a pas offert en son temps le sacrifice du Seigneur, cet
homme portera sa faute. " (Ibid., v. 13)
Cet épisode se déroule
la deuxième année de la Sortie d'Egypte.
Pour la première
fois, les hébreux célèbrent Pessa'h dans le désert.
Et c'est là que se pose un problème : certaines personnes sont
impures à cause du contact avec un mort. C'est le cas des hommes qui
étaient chargés de porter les ossements de Joseph (Souccah 25a).
Ils exposent leur problème
à Moïse : en effet, ils s'estiment lésés de ne pouvoir
offrir l'agneau pascal, comme les autres, alors qu'ils accomplissent une tâche
de la plus haute importance au nom de tout le peuple. Ils pensent même
qu'au regard de celle-ci, on aurait pu les autoriser à participer à
l'offrande en dépit de leur état d'impureté !
Un mois après Pessa'h, le 14 Iyar, ils pourront faire ce sacrifice.
Moïse doit en référer à Dieu,
qui offre la possibilité à ces hommes de se " rattraper "
: un mois après Pessa'h, le 14 Iyar, ils pourront faire ce sacrifice.
C'est d'ailleurs pour cette
raison historique que les Sages dans le Midrach (Chemot Rabba, chap. 20) attribuent
à Joseph le mérite de l'instauration de Pessa'h Chéni,
deuxième chance dont vont pouvoir désormais bénéficier
toutes les personnes souillées par le contact avec un mort et celles
qui se trouvaient sur " une route éloignée ". (Voir
Chem miChemouel, de l'Admour de Sokhotchov, sur Béhaalote'ha)
Voilà pour la genèse
de ce deuxième Pessa'h, qui fut pratiqué tout le temps que le
Temple existait à Jérusalem. Depuis sa Destruction et l'exil qui
s'ensuivit, certains ont conservé la coutume de marquer ce jour par la
consommation symbolique de Matsah.
Mais au-delà de cet
aspect technique des choses, les circonstances de l'institution de Pessa'h Chéni
et ses conditions portent en elles une grande partie des concepts qui tournent
autour de la Techouva, du Repentir ou Retour à D.ieu.
Le message principal de Pessa'h Chéni, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour réparer ses erreurs.
Le choix des termes dans
le verset est riche de sens.
Pour le Rabbi Yossef Its'hak Schneersohn (sixième Rabbi de Loubavitch,
1880-1950), le message principal de Pessa'h Chéni, c'est qu'il n'est
jamais trop tard pour réparer ses erreurs.
Si une personne prend conscience
qu'elle ne remplit pas la mission pour laquelle elle est sur terre, parce qu'elle
est " souillée par la mort " (déconnectée de
la source divine de la vie) ou " sur une route éloignée ",
à distance de D.ieu et de son peuple, elle aura toujours l'opportunité
d'un second Pessa'h qui lui permettra de se racheter. C'est là le pouvoir
éternel de la Techouva.
Le texte avertit cependant
: se couper volontairement de ses obligations, alors que l'on a toute conscience
de leur importance, est plus difficile à réparer. Toutefois, D.ieu
met à disposition de celui qui veut retourner à Lui les clés
du retour : à chacun de saisir la perche qui lui est tendue.
Le Rabbin Samson Raphaël
Hirsch (dans son commentaire sur le Pentateuque, Nombres, chap. IX, v.13) revient
sur le temps des verbes : " Et l'homme qui est pur et n'était pas
en voyage ".
Se fondant sur la définition
talmudique de l'impureté et de l'éloignement en question dans
notre verset (Pessa'him, 94a), il affine les termes de cette deuxième
chance.
Le " chemin éloigné
" dont on parle est limité à une distance d'au moins 15 mils
du Temple. Si une personne se trouvait au-delà de cette limite au moment
du sacrifice pascale, elle en était dispensée, avec le devoir
de se rattraper le 14 Iyar. Et ce, même si elle aurait eu la possibilité,
en empruntant des moyens de transport plus rapides, d'arriver à temps.
Dans notre cas, la contrainte géographique est acceptée, alors
que si une personne pure - ou impure qui aurait eu le temps de se purifier avant
le Sacrifice - ne l'a pas fait, sa punition est une des plus dures de la Torah
: son âme est retranchée d'Israël. (D'où la précision
sur le temps des verbes.)
Ces différences de
statut sont certainement un moyen de mettre l'homme face à ses responsabilités
: celui qui est éloigné de la source de la Torah, qui ne sait
pas ou qui est soumis à des contraintes qui lui font perdre ses moyens,
à celui-là, D.ieu offre toujours une deuxième opportunité.
Mais celui qui est près du " Temple ", qui connaît et
maîtrise les moyens d'accomplir son devoir, qui n'est pas soumis à
la contrainte extérieure, lui a le devoir d'être prêt, à
temps.
Dans le Talmud (Pessa'him 93a), les Sages s'interrogent sur le statut
de Pessa'h Chéni :
" Rabbi 'Hanania ben Akavia est d'avis que le second Pessa'h est une
réalisation (une sorte de réparation) du premier… Rabbi (Judah
Hanassi) est d'avis que c'est une fête à part entière. "
Ce jour de " rattrapage " ne s'adresse plus uniquement à ceux qui ont fauté ou manqué, mais il est ouvert à tous.
Cette question a plusieurs conséquences sur le plan pratique : si une
personne atteint la majorité religieuse entre les deux Pessa'h, ou si
un non-juif se convertit au judaïsme durant cette période, doit-il
faire le sacrifice à Pessa'h Chéni ? Si celui-ci est une "
réparation du premier ", alors seuls ceux qui étaient astreints
au sacrifice au 14 Nissan, devront le faire, alors que si l'on considère
que c'est une fête à part entière, tous ceux qui ne l'ont
pas effectué à la date initiale pourront l'apporter le 14 Iyar.
La tradition a conservé l'idée que Pessa'h Chéni est une
fête à part entière. Sur le plan spirituel, cela ouvre la
perspective puisque finalement, ce jour de " rattrapage " ne s'adresse
plus uniquement à ceux qui ont fauté ou manqué, mais il
est ouvert à tous : il est l'occasion d'un retour à soi et à
D.ieu, d'une véritable amélioration plus que d'une simple réparation.