" Rabbi Eliézer, Rabbi Yehochoua, Rabbi Elazar ben Azaria, Rabbi
Akiba et Rabbi Tarfone tétaient attablés à Bné-Brak
et s'entretinrent de la sortie d'Egypte pendant toute la nuit de Pessa'h jusqu'au
moment où leurs disciples vinrent leur dire : " Maîtres, il
est l'heure de réciter le Chema du matin ". (Haggadah de Pessa'h)
Qui étaient ces cinq
rabbins ?
Que savons-nous de leur
enseignement?
RABBI ELIEZER (ben HORKENOSS)
Rabbi Eliezer ben Horkenoss,
appelé aussi Rabbi Eliezer hagadol (le grand), est né de parents
très aisés, gros propriétaires terriens. Il travailla chez
son père jusqu'à l'âge de 22 ans, sans avoir fait aucune
étude religieuse. Aussi un jour, pendant qu'il était occupé
au labourage d'un champ avec ses frères, il fit part à son père
de sa décision d'aller étudier la Torah. " Apprendre la Torah,
allons donc ! A ton âge ! Marie-toi et tu conduiras ensuite tes enfants
à l'école. Pour toi, il est trop tard.", répliqua
son père.
Mais la décision
d'Eliezer était prise : il s'enfuit de chez ses parents et s'en vint
trouver le grand maître de cette époque : Rabbane Yo'hanane ben
Zacaï. Ce sage en Israël prit le soin de lui enseigner lui-même
le Chéma, la Tefila, la prière après le repas, deux règles
religieuses, chaque jour et s'occupa également de le nourrir quand il
apprit qu'Eliezer, privé de tout argent, était resté huit
jours sans rendre aucune nourriture. C'est ainsi qu'Eliezer étudia sans
relâche pendant trois ans.
A cette époque Horkenoss,
son père, s'en vint à Jérusalem. Ses enfants, reprochant
à Eliezer d'avoir abandonné son père dans son vieil âge;
avaient exigé de lui qu'il le déshéritât et c'est
dans cette intention que Horkenoss avait entrepris ce voyage. Il arriva à
Jérusalem un jour où Rabbane Yo'hanane ben Zacaï avait organisé
une grande rétention.
Ayant appris l'arrivée du père de son élève, Rabbanne
Yo'hanane le fit inviter également et, en présence d'une grande
assemblée, il demanda à Rabbi Eliezer de prendre la parole. Celui-ci
refusa d'abord, arguant qu'une " citerne ne peut donner plus d'eau qu'elle
n'en a reçu ", mais, sur l'insistance de son maître, il parla
et émerveilla tout l'auditoire.
Et lorsque son maître
le félicita en disant : " Heureux sont les patriarches Abraham,
Isaac et Jacob dont cet homme est le digne descendant ", Horkenoss le reprit
en s'écriant : " Que je suis heureux, moi, d'avoir un tel enfant!
" Et, montant sur un banc, il s'adressa aux invités en disant :
" Je suis venu à Jérusalem pour déshériter
mon fils ; mais au contraire - je le proclame - j'en veux en faire mon légataire
universel ".
Mais Rabbi Eliezer lui répondit
: " Si j'avais voulu des terres, de l'or et de l'argent, l'Eternel qui
est le souverain maître de tous les biens, m'en aurait procuré.
Ce que j'ai demandé au Saint, béni soit-il, c'est de connaître
et de posséder sa Torah ! ".
Pendant le siège de Jérusalem il accompagna son maître au cours de la démarche historique auprès du général romain Vespasien.
Rabbi Eliezer devint ainsi
un des cinq élèves préférés de Rabbane Yo'hacane
qui le caractérisait en disant de lui qu'il était " une citerne
étanche qui ne perd pas une goutte ", ou encore que " si tous
les sages d'Israël se trouvaient sur un plateau de la balance et Rabbi
Eliezer sur le deuxième plateau, c'est lui qui l'emporterait ".
Pendant le siège
de Jérusalem il accompagna son maître au cours de la démarche
historique auprès du général romain Vespasien. Il ouvrit
ensuite une Ecole à Lod où affluèrent de nombreux élèves,
dont Rabbi Akiba et Rabbi Yehochoua, qui aimaient énormément leur
maître. Jusqu'à son dernier souffle il s'occupa de l'enseignement
de ses disciples ; il rendit son âme pure un vendredi en prononçant
le mot : " pur " à propos d'un cas que ceux-ci lui soumettaient.
Rabbi Akiba déclara
que la mort de ce grand maître laissait orpheline sa génération
tout entière.
RABBI YEHOCHOUA (ben
'HANANIA)
Contrairement à son
collègue, Rabbi Eliezer, Rabbi Yehochoua fut destiné dès
le berceau à l'étude.
Sa mère l'emporta,
quand il était encore un bébé, à la Maison d'étude
pour que dès ce moment il entende les paroles de la Torah. C'est pourquoi
son maître, Rabban Yo'hanane ben Zacaï disait à son propos
: " Heureux celle qui t'a donné le jour! ". (Avot 2,8).
Membre de la tribu de Lévi,
Rabbi Yehochua a participé encore au service du Temple avant sa destruction
en tant que chanteur. Avec son ami, Eliezer, il a ensuite aidé son maître
à quitter Jérusalem pour se rendre auprès de Vespasien
et lui demander de lui accorder l'autorisation de s'installer à Yavné
et d'y ouvrir une Ecole.
Après la chute de
la sainte cité il s'installa à Yavné et s'efforça
avant tout d'insuffler le courage au peuple. Beaucoup de gens s'étaient
abandonnés au désespoir et ne voulaient manger de la viande, ni
boire du vin parce que la viande et le vin étaient auparavant offerts
au Temple comme sacrifices. Rabbi Yehochoua les consola et leur donna à
nouveau le goût de vivre.
Lui-même menait une
vie très difficile. En tant que lévite il recevait la dîme;
mais, de plus, il travaillait de ses mains : il confectionnait des aiguilles
dans une forge. De ce fait il avait souvent les mains et la figure noircies
par la fumée, ce qui faisait dire à son sujet : "il a une
sagesse étincelante dans un récipient sale ".
Par ailleurs Rabbi Yehochoua
était un spécialiste dans les questions d'astronomie. Il s'opposa
même un jour au chef religieux de l'époque, Rabbane Gamliel, sur
la question de la fixation du nouveau mois.
Celui-ci en guise de sanction,
l'obligea à se présenter chez lui avec de l'argent le jour qui,
d'après les calculs de Rabbi Yehochoua, était Kippour, Rabbi Yehochoua
se soumit et Rabbane Gamliel, ému, le salua comme : "Mon maître
et mon élève; mon maître en sagesse et mon élève
puisque vous vous êtes plié à ma décision "
(Roch Hachana, 25a). Il eut, d'ailleurs, d'autres occasions de s'opposer à
Rabbane Gamliel qui, à la suite des sanctions constantes contre Rabbi
Yehochoua, fut destitué.
Hadrien, qui admirait sa sagesse, le mit souvent à l'épreuve par des questions.
Rabbi Yehochoua, qui ne
fut pas nommé à sa place, se retira de Yavné et s'installa
à Pekiine. Il vécut longtemps et vit l'arrivée de l'Empereur
Hadrien en Terre Sainte en l'an 130. Sentant se préparer l'insurrection
contre les Romains il essaya de l'éviter en la déconseillant fortement.
Il utilisait pour ce faire la fameuse fable du lion auquel une cigogne retira
un os qui était resté dans son gosier. Hadrien, qui admirait sa
sagesse, le mit souvent à l'épreuve par des questions.
Rabbi Yehochoua mourut avant
la révolte de Bar Co'hba. Avec lui disparut, dit-on à sa mort,
"la sagesse, les bons conseils et la polémique ", car il avait
été un de ceux qui ont su toujours répondre aussi bien
aux Romains qu'aux judéo-chrétiens qui essayaient de l'embarrasser
par leurs questions.
RABBI ELAZAR (ben AZARIA)
Rabbi Elazar ben Azaria
est né peu avant la destruction du Temple d'une famille riche dont la
lignée remontait jusqu'à Ezra. Sa propre fortune était
colossale ; il devait verser à l'Empereur chaque année 13.000
veaux en tant qu'imposition.
Quand Rabbane Gamliel fut destitué, c'est Rabbi Eléazar qui, malgré son jeûne âge - il avait 18 ans ! - fut nommé à sa place.
Quand Rabbane Gamliel fut
destitué à la suite de ses discussions avec Rabbi Yehochoua, c'est
Rabbi Eléazar qui, malgré son jeûne âge - il avait
18 ans ! - fut nommé à sa place, tellement grandes étaient
ses connaissances et son intelligence. Il fit part d'une mission à Rome
en même temps que Rabbane Gamliel, Rabbi Yehochoua et Rabbi Akiba. C'était
un homme humble malgré sa noblesse et sa position.
Ses explications et ses
leçons émerveillaient même Rabbi Yehochoua qui, un jour
où ses élèves lui rapportèrent un enseignement de
Rabbi Elazar, déclara : "J'ai 80 ans et jamais je n'ai entendu pareille
explication! Tu peux t'estimer heureux, notre patriarche Abraham, d'avoir un
descendant tel que Rabbi Elazar !! Qu'elle est riche et heureuse la génération
possédant un tel maître!!" ('Hagiga 3). Rabbi Yehouda Hanassi,
l'ordonnateur de la Michna surnommait Rabbi Elazar " l'éventaire
d'un marchand ambulant, car il avait des connaissances aussi variées
que l'était la marchandise de ces colporteurs.
Rabbi Elazar ne resta pourtant
pas longtemps au poste important que lui avait procuré la querelle entre
Rabbane Gamliel et Rabbi Yehochoua. Ces deux maîtres s'étant réconciliés,
Rabbane Gamliel retrouva son rang, mais Rabbi Elazar resta chef du Tribunal
rabbinique.
Quand le Temple fut détruit
Rabbi Elazar était encore un enfant. Par ailleurs on ne trouve pas mention
de lui dans l'insurrection qui eu lieu en l'an 132. Il semble donc qu'il mourut
auparavant à un âge relativement jeune.
RABBI AKIBA (ben JOSEPH)
Rabbi Akiba, considéré
comme le plus grand des maîtres de la Michna, est un fils de convertis
qui resta jusqu'à l'âge de 40 ans absolument ignorant des choses
de la Torah. II sentit un jour naître en lui le désir d'étudier
lorsque, pauvre berger du riche Calba Saboua, il vit une pierre qu'une source
dont l'eau s'échappait goutte par goutte avait profondément creusée.
Comme il avait déjà un fils, il alla s'asseoir avec lui sur les
bancs de l'école et commença par l'étude de l'alphabet.
C'était peu avant
la destruction du Temple. Vint ans après cet événement,
Rabbi Akiba est déjà signalé parmi les Grands en Israël
à l'école de Yavné. Il fut élève de Rabbi
Eliezer ben Horkenoss et de Rabbi Yehochoua ben 'Hanania, mais surtout de ce
dernier ; il eut également pour maître Rabbi Na'houm Gamzou, connu
pour l'expression qu'il utilisait souvent: " Gam zou letova " - ceci
également est pour le bien ", dont il adopta la philosophie.
L'existence qu'il mena fut
pendant longtemps très misérable. Il ramassait du bois; en vendait
la moitié pour se sustenter, conservait (autre à s'éclairer,
pour étudier, et à se coucher.
" A qui peut-on comparer
Akiba, disaient ses maîtres ? - A un jardinier parcourant ses plates-bandes;
il s'arrête auprès de chacune d'elles, cueille ce qui est mûr
et dispose le tout dans un grand tablier. Rentré chez lui, il fait ensuite
le tri de tout ce qu'il a récolté. C'est ainsi que procède
Akiba".
Son assiduité à
l'étude était telle que l'on disait à son sujet: "
Jamais il n'a dit dans la Maison d'Etude : " Il est temps de partir ! "
sauf la veille de Pessa'h, pour ne pas retarder le Sédère et permettre
aussi aux enfants d'y participer, et la veille de Yom Kippour, pour permettre
de manger avant le jeûne". (Pessa'hime 49a). Même lorsque son
fils, Rabbi Chimone, fut gravement malade, il continua à enseigner en
prenant cependant continuellement de ses nouvelles.
Après avoir épousé
la fille de Calba Saboua, sa situation matérielle s'améliora et
il s'installa à Bné-Brak. Il n'en continua pas moins à
compter parmi les Grands de Yavné et prit part, en particulier, dans
le conflit qui opposa Rabbane Gamliel à Rabbi Yehochoua, son maître.
C'est lui qui conseilla
à ce dernier de se soumettre à la volonté de Rabbane Gamliel.
Après la destitution de celui-ci, on pensa même, un moment, attribuer
son poste à Rabbi Akiba. Quand Rabbane Gamliel reprit sa place, Rabbi
Akiba fit partie, avec Rabbi Eliezer et Rabbi Yehochoua, d'une délégation
à Rome auprès de l'empereur Domitien.
Parmi ses élèves
figurent Rabbi Meïr et Rabbi Chimone ben Yo'haï.
C'est, l'espoir de la Libération qui l'a fait s'engager pleinement derrière Bar Coziba au moment de la révolte et donner à ce dernier le surnom de Bar Co'hba.
Rabbi Akiba a fait beaucoup
de voyages à l'étranger pour visiter les Communautés de
la Diaspora ; on suppose qu'il le fit surtout pour obtenir leur appui en vue
de l'insurrection contre Rome sous les règnes de Trajan et d'Adrien.
Il avait, en effet, la certitude que le "Libérateur" devait
venir d'un moment à l'autre.
C'est dans cet espoir qu'il
avait offert à sa femme un bijou en or représentant la ville de
Jérusalem. Mais c'est, cet espoir qui l'a fait s'engager pleinement et
engager également ses élèves derrière Bar Coziba
au moment de la révolte et donner à ce dernier le surnom de Bar
Co'hba (fils de l'étoile), voyant en lui l'étoile annonciatrice
d'une ère nouvelle.
Malgré la défense
édictée par les autorités romaines d'occupation d'étudier
la Torah, Rabbi Akiba continua d'enseigner à de nombreux élèves.
Arrêté par les Romains, il fut torturé et mis à mort
à Césarée. Il exalta son âme en prononçant
le dernier mot " E'had " de la profession de foi, en l'an 136.
Il avait été,
entre autres, un des ordonnateurs de la Michna et c'est son travail que paracheva
plus tard Rabbi Yéhouda. Il professait par ailleurs, qu'il n'y a pas
dans la Torah un mot, une lettre ou même un signe de trop
et que tous ces détails demanderaient à être expliqués
;il fallait donc être particulièrement attentif à conserver
précieusement le texte de la Torah.
Quand il disparut ses collègues
dirent à son sujet:
"Depuis la mort de Rabbi Akiba se sont trouvés obturées les
sources de la sagesse" (Sota 48 b).
RABBI TARFONE
Rabbi Tarfone a vécu
encore pendant le 2éme Temple et il a servi en tant que Cohen. Son nom
est d'origine grecque (trufaun) et signifie : maître. II demeurait à
Lod et fut élève de Rabbane Gamliel. Il fut qualifié de
" tas de noix " ce qui signifiait : quand on enlève une noix
d'un tas, celui-ci s'écroule ; de même quand on posait une question
à Rabbi Tarfone il apportait un nombre infini de preuves et d'arguments
à ses dires.
Après la destruction
du Temple, il continua, en vue de préserver les prérogatives de
la prêtrise, à recevoir les prélèvements qui lui
revenaient de par la Torah. Il était le maître de Rabbi Lévi
et le collègue aîné de Rabbi Akiba.
Très riche de par
les dons que lui apportaient ses fidèles en tant que Cohen, Rabbi Tarfone
ne faisait pourtant pas la charité à la mesure de sa richesse.
Aussi Rabbi Akiba, sous le prétexte de lui faire faire une bonne affaire,
lui fit donner une grosse somme qu'il utilisa pour les pauvres. Lorsque Rabbi
Tarfone se renseigna sur l'affaire traitée, Rabbi Akiba lui dévoila
sa ruse et son collègue, comprenant la leçon, l'embrassa pour
le remercier de lui avoir fait faire une si belle Mitsva et mit une plus grosse
somme d'argent à sa disposition pour le même genre "d'affaire"
(Cala 26).
Rabbi Tarfone est connu pour l'immense respect et la grande sollicitude envers sa mère.
Rabbi Tarfone eut la douleur
de perdre tous ses fils de son vivant et de ne garder qu'une fille. Ce malheur
s'était abattu sur lui, dit-on, parce qu'il avait l'habitude de jurer
en disant : " Que je perdre mes fils si je n'ai pas raison... "
Rabbi Tarfone est connu
pour l'immense respect et la grande sollicitude envers sa mère: un jour
que la sandale de celle-ci s'était déchirée dans la rue,
il la fit marcher jusqu'à la maison sur la paume de ses mains qu'il posait
par terre devant elle.
Il s'est élevé avec beaucoup d'énergie contre la secte
des judéo-chrétiens qui se développaient à son époque
et à combattre leurs écrits. Il mourut au cours du siège
de Bétar. Selon certaines sources il serait mort martyr en même
temps que Rabbi Akiba.
Rabbi Tarfone avait été
" le père spirituel de toute la Communauté d'Israël
".