Ragusa, petite ville de
Dalmatie (de nos jours, Dubrovnic, en Croatie) sur les rives de la Mer Adriatique,
avait une petite communauté juive de vingt familles lorsque se passa, il y a
de cela 380 ans, l'histoire que nous allons vous raconter.
Rabbi Aharon Hacohen (l'auteur
de " Zkan Aharon "), Talmudiste très connu et grand Kabbaliste, consigna les
événements dont il avait été le témoin occulaire et dans lesquels il avait été
personnellement impliqué.
Tout a commencé le premier
jour de Souccoth (de l'an 1623). Une jeune fille chrétienne quitta sa maison
ce jour-là et n'y retourna pas. Son père, un marchand de l'endroit, partit à
sa recherche, aidé des gardes de la ville. Ils parcoururent les champs et les
bois autour de la ville et cherchèrent aussi dans les maisons.
Une de ces maisons foulées
appartenait à une femme chrétienne qui vendait des légumes et qui avait en ville
une mauvaise réputation. Là, sous un lit, on trouva le corps de la jeune fille
disparue. La femme fut arrêtée.
UNE FAUSSE
ACCUSATION
Entre temps, une foule nombreuse
s'était rassemblée dans le voisinage et lorsque la femme arrêtée fut conduite
à travers les rues, le peuple hurlait des insultes à la meurtrière. Mais quelqu'un
s'écria " Peut-être les sales juifs t'ont-ils payé pour que tu le fasses, afin
qu'ils puissent se servir du sang de l'enfant pour leur Pâque?".
La femme ne répondit rien
mais l'idée faisait son chemin. Lorsqu'elle fut menée devant les magistrats
de la ville, elle avoua le crime, mais affirma que les Juifs l'avaient engagée
pour tuer l'enfant.
- Qui sont les juifs qui
t'ont engagée ? lui demanda-t-on.
La femme ne connaissait
qu'un juif en ville à qui elle avait une fois emprunté de l'argent sur gage.
Il s'appelait Yitz'hak Yechouroun. Elle dit que c'était lui qui l'avait engagée.
Le Juif fut immédiatement arrêté et confronté avec celle qui l'accusait.
" Oui, déclara la femme,
c'est cet homme ".
Yitz'hak Yechouroun, qui
était un homme instruit et craignant Dieu, fut choqué et terrifié par cette
fausse accusation. Il nia naturellement avoir pris part dans ce meurtre brutal,
et au cours de son démenti s'écria que jamais il n'avait parlé à cette femme.
Bien entendu, il voulait dire qu'il ne lui avait jamais parlé d'une telle chose,
mais les magistrats l'interprétèrent qu'il affirmait n'avoir jamais parlé de
sa vie à cette femme. Or, des témoins vinrent confirmer qu'il lui avait une
fois prêté de l'argent. C'était suffisant pour convaincre les magistrats que
le juif mentait et que la femme avait dit la vérité.
Il n'y avait aucune preuve
qu'Yitz'hak Yechouroun avait en fait engagé cette femme pour tuer l'enfant,
mais ce n'était pas un problème. Il serait amené à avouer sous la torture.
COURAGE EXTRAORDINAIRE
Yitz'hak eut les mains liées
derrière le dos et on le suspendit à une corde qui partait de ses mains attachées.
La corde fut soudain détendue et tendue à nouveau, tordant ses membres et lui
causant des douleurs atroces. Ceci fut répété trois fois, et chaque fois on
le pressait d' "avouer", mais il continuait à proclamer son innocence.
Yitz'hak Yechouroun savait
que s'il avouait être coupable de cette terrible accusation, cela amenerait
des malheurs incroyables à toute la communauté juive, et tous ceux qui harcelaient
les Juifs dans tous les pays, auraient la " preuve " que l'accusation diffamatoire
de Sang était bien fondée. Donc il était déterminé à endurer toutes les tortures
même s'il devait être torturé à mort.
Brisé et rompu, Yitz'hak
Yechouroun fut détaché et jeté dans sa cellule. Pendant plusieurs jours son
corps inerte gisait là, tandis que les magistrats délibéraient de ce qui devait
suivre. Ils ne pouvaient pas comprendre qu'un être humain pût endurer tellement
et cependant refuser d'avouer. Ils décidèrent que le juif était certainement
un sorcier et usait de la sorcellerie pour soulager sa douleur. Aussi ils rasèrent
tous les cheveux de sa tête et de son visage, et les poils de tout son corps,
et le septième jour ils recommencèrent à employer toutes les tortures. Mais
il n'avouait toujours pas ; au contraire, il murmurait : " Je suis innocent
".
Les magistrats décidèrent
alors de soumettre le cas à une plus haute instance juridique qui consistait
en douze juges. Ceux-ci décidèrent d'employer des tortures plus cruelles. Yitz'hak
fut suspendu à nouveau et un poids lourd fut attaché à ses pieds. Il demeura
ainsi un longue moment, et lorsque cela non plus ne l'a amené à " avouer ",
un bélier fut attaché par ses pieds aux pieds du supplicié. Le bélier se convulsait
et se tournait sans cesse, et chaque mouvement brutal entraînait des douleurs
d'agonie dans le corps désarticulé d'Yitz'hak. Cette manouvre dura si longtemps
que le pauvre bélier mourut de douleur ; mais Yitz'hak n'avouait toujours
pas. Il raconta plus tard que plus d'une fois il était sur le point " d'avouer
" car la torture était intolérable. Mais chaque fois il sentit une nouvelle
force et le courage lui revenait, et il sut que Dieu était avec lui.
Entre temps, des tortures
semblables étaient infligées à la femme qui avait avoué le meurtre de l'enfant,
pour lui faire dire la vérité. Mais c'était trop fort pour qu'elle puisse supporter,
et bientôt elle mourut, sans toutefois confesser qu'elle avait faussement accusé
le juif.
La nouvelle de l'extraordinaire
endurance de Yitz'hak Yechouroun avait atteint les plus hautes sphères du gouvernement
et tous s'étonnaient des pouvoirs surhumains du Juif. Néanmoins, il fut abandonné
à ses inquisiteurs qui n'avaient pas perdu l'espoir de trouver un moyen d'arracher
la confession de l'accusé.
De plus, les inquisiteurs
décidèrent d'impliquer un ou plusieurs autres Juifs dans l'accusation afin qu'il
leur soit plus facile d'arracher des aveux de quelque autre Juif. L'occasion
se présenta bientôt d'elle-même. Il se passa ce qui suit.
JEÛNES
ET PRIERES
Tandis qu'Yitz'hak était
en prison, le quartier juif de Ragusa fut scellé et des gardes furent postés
afin d'empêcher les Juifs de quitter la ville. Dans leur détresse, les pauvres
juifs ne pouvaient rien faire d'autre que jeûner et prier Dieu, car si Yitz'hak
Yechouroun avouait le crime qu'il n'avait pas commis, ils périraient tous. Le
vieux Rabbin de la communauté, qui était le père du chroniqueur mentionné au
début, Rabbi Aharon Hacohen, tenta d'envoyer un message à un officiel influent
qui avait été un de ses amis. La tentative fut découverte et maintenant le vieux
Rabbin fut arrêté comme complice du crime. Ceci se passa durant la fête de 'Hanouccah.
Bien que normalement le
jeûne soit interdit durant une fête, les dirigeants de la communauté juive décidèrent
de proclamer un jeûne Public (Taânith Tzibbour). Les prières angoissées des
Juifs de Ragusa furent exaucées et leur saint vieux Rabbin fut libéré après
15 jours, sans avoir été soumis à la torture.
Cependant, peu après, son
fils, Rabbi Aharon Hacohen, fut arrêté et soumis à une interrogation très serrée,
dans l'espoir qu'il pourrait se trahir par quelque inadvertance. Mais rien ne
put être prouvé contre lui non plus, et il fut aussi libéré sans dommage. Puis
un autre Juif fut arrêté après le témoignage d'un chrétien du village qui disait
l'avoir vu parler à l'accusé Yitz'hak Yechouroun le jour de la disparition de
la fillette. Après de longs interrogatoires, ce Juif fut également libéré.
Pourtant le sort de Yitz'hak
Yechouroun était toujours en suspens.
Certains juges demandaient
que l'accusé soit condamné à mort même sans un aveu. Mais ceci aurait été une
violation de " la loi ". Alors il fut finalement condamné à vingt ans d'incarcération.
Il fut placé dans une petite cellule ; il y avait une petite fenêtre, en haut,
près du plafond. Là on plaçait chaque jour sa ration de pain et d'eau. Mais
le prisonnier serait sûrement mort de faim, puisqu'il gisait impuissant sur
le plancher de la cellule, incapable de bouger ses bras ou ses jambes qui étaient
paralysés à la suite des tortures qu'on lui avait infligées. En vérité, c'est
ce que les juges espéraient ; cela servirait comme " preuve " qu'il était vraiment
coupable.
Cependant, Rabbi Aharon
Hacohen et plusieurs amis s'étaient arrangés pour convaincre un des gardiens
de la prison de rapprocher du prisonnier, à l'aide d'une perche, sa ration journalière.
Une autre chose merveilleuse arriva au prisonnier : un chat amical venait
régulièrement et s'installait douillettement sur ses épaules, le réchauffant
de son corps. Le " Guérisseur de toute chair Qui opère des miracles " lui envoyait
un remède et, graduellement, il commençait à reprendre des forces. Un mois plus
tard, Yitz'hak Yechouroun pouvait déjà se déplacer. Quelques braves jeunes juifs
risquèrent leurs vies pour lui apporter de la nourriture plus riche. Ce fut
vraiment un miracle que ces jeunes gens ne furent pas pris.
DISCULPE
ET LIBERE
Peu avant Pessa'h, les gardes
furent retirés du Ghetto juif. La communauté juive de Ragusa respirait désormais
plus librement ; les Juifs se sentaient comme si on leur avait retiré les fers
de l'esclavage. Maintenant ils pourraient diriger tous leurs efforts pour disculper
Yitz'hak Yechouroun de cette cruelle accusation et le sortir de sa condition
difficile. Cependant il fallut deux ans et huit moïs avant qu'Yitz'hak ne soit
libéré de sa prison.
Le jour où Yitz'hak Yechouroun
fut libéré de prison fut un jour de fête pour les Juifs de Ragusa. Ils se rendirent
tous à sa rencontre devant les portes de la prison pour l'accompagner chez lui.
Plusieurs non-Juifs se joignirent à eux pour voir cet homme brave et magnifique.
Il était complètement guéri, sauf pour le petit orteil de son pied gauche, qui
demeurait paralysé, comme pour lui rappeler quel merveilleux miracle lui était
arrivé.
Yitz'hak Yechouroun fut
considéré comme un saint homme par les Juifs et aussi par les non-Juifs et plusieurs
venaient lui demander sa bénédiction et sa prière en temps de besoin. Il vécut
jusqu'à un âge avancé dans l'humilité et la sainteté.