Une fois par an Chouchan
(Suse) résonne comme un nom familier aux oreilles de chacun de nous car,
vous le savez tous, elle fut la scène de l'heureux épilogue qui mit fin à un
triste épisode de l'histoire juive. Nous célébrons ce joyeux dénouement à
Pourim et Chouchan-Pourim les 14e et 15e jours d'Adar. Toute l'histoire de
cette -fête, eut lieu à Chouchan. Il serait donc intéressant de faire plus
ample connaissance avec cette localité.
Il y a de cela trente-trois
siècles - quand se produisirent les événements de Pourim - Chouchan était la
capitale d'un immense empire réparti en cent vingt sept provinces. Là se
dressait le palais du souverain Persan. C'était une ville aussi vaste que belle
; mais de sa gloire passée il ne reste presque rien aujourd'hui. Comme la
plupart des glorieuses cités de la Perse ancienne, Chouchan fut complètement
détruite par les Arabes il y a environ treize cents ans quand ils envahirent
tout le plateau iranien et s'en emparèrent. De toutes les villes, Chouchan fut
celle qui opposa la résistance la plus farouche. Ses ennemis le lui firent
payer cher : elle fut rasée au sol.
Des fouilles pratiquées il n'y a
pas longtemps mirent au jour quelques ruines ; elles nous donnent une idée fort
approximative de ce que put être la ville à cette époque-là.
La Meguilah parle très peu de
Chouchan. Elle nous apprend néanmoins qu'il y avait "Chouchan Habirah ", la
capitale où s'élevait le palais royal et la citadelle ; et " haïr Chouchane ",
la ville proprement dite. Selon d'anciens manuscrits c'était une des plus
vieilles cités du monde. Comme Suse, elle fut un temps la capitale du puissant
royaume d'Elam. Un manuscrit babylonien rapporte même qu'il y eut plusieurs
reines à la fois dans Chouchan. On y lit également que Suse fut fondée par
l'épouse juive du roi Jezdegered I; ceci, uni à d'autres détails, nous permet
de supposer qu'une colonie juive y vécut de nombreuses années avant que
l'histoire de Pourim n'eût lieu.
Quand la jeune nation guerrière
d'Assyrie commença à étendre sa domination sur les pays voisins, le royaume
d'Elam n'échappa pas à sa convoitise. Le roi Assurbanipal conquit la ville de
Chouchan et en fit sa résidence d'été. II y érigea des palais, des arènes
publiques, et l'orna de jardins et de parcs. II avait le programme ambitieux
d'en faire un centre de beauté dans tout l'orient. Toutefois, comme nous
l'enseigne notre propre histoire, la domination assyrienne ne dura pas
longtemps. Le glorieux empire excita à son tour la convoitise d'une autre jeune
nation encore plus agressive qui se levait plus loin à l'Est: les Babyloniens.
Ils en chassèrent les Assyriens et s'installèrent à leur place.
Mais l'empire babylonien s'effaça
bientôt lui aussi devant les nouveaux maîtres de l'heure: les Perses. Comme ses
prédécesseurs, le conquérant, le jeune roi Cyrus, fit de Chouchan sa résidence.
Sous le règne de Darius III,
Chouchan fut à l'apogée de sa gloire. Les rois perses aimaient s'entourer de
luxe et de beauté. Darius ne ménagea pas ses efforts pour embellir la ville.
Elle devint célèbre pour ses palais, ses ponts, ses forteresses et ses parcs.
Le palais de Darius, que les fouilles ont porté partiellement au jour et qui
fut le théâtre de la plus grande partie de l'histoire de Pourim, s'étendait sur
une superficie de 300 acres environ qui était divisée en trois plates-formes
séparées. Chacune d'elles portait un édifice indépendant, et des ponts spéciaux
les reliaient les unes aux autres.
Le centre du bâtiment principal
était une citadelle semi-circulaire dans laquelle le roi pouvait se défendre
contre une rébellion ou une invasion éventuelles. Un fossé séparait la
plate-forme de la citadelle de celles de l'est et du nord. En cas de nécessité,
la jonction entre ces dernières et la citadelle pouvait être établie facilement
en faisant remonter les ponts. Au delà du fossé, vers le nord, s'élevait une
vaste salle d'audience. Là, le souverain persan recevait son peuple, les
ambassadeurs, les émissaires des rois, ses vassaux, ainsi que les monarques
étrangers.
Ce fut très probablement dans
cette salle que la reine Esther, non invitée, soulignons-le, osa affronter
Artaxerxès II, si toutefois c'est de lui que parle la Meguilah sous le nom
d'Assuérus. L'on sait que les potentats persans exigeaient l'humiliation
suprême devant leur trône. Les princes, même les plus puissants, devaient se
soumettre à la " Kynosure " devant le roi, ce qui signifie qu'ils devaient
s'étendre face contre terre, jusqu'à ce que le souverain les autorisât à se
relever. Nous pouvons, dès lors, imaginer quelle révolution dans la rigoureuse
étiquette du palais, la reine Esther dut provoquer. Elle traversa le fossé par
la plate-forme orientale, du palais spécial de la reine où elle vivait, et
pénétra dans la salle d'audience, sans autorisation.
Comme nous le dit la Meguilah,
tout visiteur non invité était mis à mort sur le champ, à moins qu'un geste du
roi me vint l'épargner, Esther eut cette chance ; elle vécut pour sauver la vie
à son peuple.
Lorsque l'empire persan fut
balayé par Alexandre le Grand (en 330 avant l'ère vulgaire, soit 25 ans après
l'histoire de Pourim), Chouchan tomba au rang d'une ville de second ordre. Elle
connut un bref réveil quand les Perses se révoltèrent et tentèrent de secouer
le joug grec. La rébellion vite écrasée, Chouchan, centre de l'insurrection,
fut complètement détruite.
Plus tard, après l'éclipse de
l'empire macédonien, Chouchan était reconstruite par le roi Sapor II qui lui
donna son nom. Néanmoins, les Arabes devaient sceller sa chute définitive. Ils
prirent d'assaut la puissante forteresse, s'emparèrent de la ville et brûlèrent
chaque édifice de cette cité - qui avait été successivement la belle et fière
capitale d'Elam, d'Assyrie, de Babylone et de Perse. Depuis -on était alors au
VIIème siècle - Chouchane ne se releva plus. On suppose que le tombeau situé
non loin de ses ruines est celui de Daniel; il attire des visiteurs et des
pèlerins nombreux.
La fière Chouchan est morte; elle
connaît cependant une " résurrection " annuelle qui la restaure dans toute sa
pompe, sa splendeur et sa gloire passées quand les Juifs se rassemblent pour,
célébrer le miracle de Pourim et " Chouchan-Pourim ".
Pourim est un avertissement
opportun et solennel pour tous les ennemis du peuple juif. Mais pour nous,
cette merveilleuse fête est une inépuisable source inspiratrice de courage et
de foi, de loyauté et de dévotion pour notre grand et vigilant Gardien, le
Gardien d'Israël.