Tout a commencé avec ce roi qui était en quête d'une épouse pour remplacer celle qu'il venait de répudier.
Vous connaissez l'histoire, c'est Esther la jeune et belle orpheline juive,
qui est appelée à régner sur un empire de 127 pays.
Pour l'instant sa qualité de "juive" doit rester entre guillemets car sur l'ordre
de son oncle Mardochée, elle doit cacher son identité.
Contentons nous ici avec juste quelques détails de la Meguila.
Aman, Premier ministre, édicte un décret d'extermination de tous les juifs.
Assuérus, le roi, consent, appose son sceau, le décret irréversible.
Ce Aman, aussi bien que le roi, semblent ignorer que la reine même fait partie
de ce peuple destiné à disparaître.
Ils sont donc d'accord sur l'inutilité de ce peuple, n'apportant rien de valable
à ce monde.
Après un court mais émouvant plaidoyer, Esther met les choses au clair : rien
de valable ? Mais il y a sa propre personne, elle aussi est juive et s'identifie en tant que telle à son peuple.
La situation est compromise, le décret révoqué. Aman en perd la tête et les
juifs sont réhabilités. L'oncle Mardochée prend la place d'Aman.
Sans aller trop loin, il semble se dégager l'idée suivante : le monde est occupé
et tourmenté par la question juive sur deux plans, l'un conscient, l'autre inconscient.
Sur le premier plan, il trouve le juif incompréhensible et répugnant, telle
la description d'Aman. Telle l'image du juif du Moyen-Age avec ses cornes, réapparaissant
dans les caricatures russes et arabes, bossu, vilain et laid. Ecoutons à nouveau
Aman : les lois (moeurs) du roi, ils ne les respectent pas ; le roi n'a
aucune raison de les garder.
Pensons aux Grecs, dégoûtés des coutumes juives.
Voyons Kant déclarant avec dédain que "c'est un peuple qui ne cherche aucune
dignité civile".
N'oublions pas Hitler d'hier et ensuite des scientifiques athées d'aujourd'hui
qui farouchement dénoncent les valeurs juives comme antiques et périmées.
Au niveau de l'inconscient, les choses prennent une autre tournure :
Assuérus, amoureux d'Esther !!
D'après le Midrach (tradition orale), ce n'était pas sa beauté physique qui
avait impressionné le roi ; son autre nom est Adassa, le myrte, plant vert,
couleur de l'harmonie de la nature.
Voilà notre Assuérus dénigrant toute importance au juif et qui -au plus profond
de lui- se sait séduit par la sérénité qui émane de ce peuple.
De même, le monde grec, soi-disant hostile à toute valeur juive mais malgré
cela toujours attiré et intrigué par sa profondeur.
De son coté, le monde occidental moderne, dépourvu de ses éléments juifs, qu'en
resterait-il ?
Nous pourrions continuer à donner des exemples qui reviendraient tous à la
même idée ; les nations vivent des sentiments ambivalents à l'égard du peuple juif.
Au niveau de l'apparence, combattre toutes ses valeurs, actes et coutumes,
mais intérieurement embrasser son éthique riche et profonde.
Mais ne nous soucions pas trop ici des autres.
Est-ce que, en échelle réduite, chaque juif ne vit-il pas ce même problème
; le refoulement en arrière-plan des idées très puissantes qui semblent être l'essence de notre vie ?
Tout ceci dans le but de se croire plus "libre", dégagé de la responsabilité
de nos actes.
Cela est-il possible ? Cela a-t-il un sens ?
C'était quelques réflexions pour un bon Pourim.