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Roch Hachana et Yom Kippour

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Les Rendez-vous de l'Année Juive / Roch Hachana et Yom Kippour back  Retour

LA FUGUE DE JONAS, Deuxième partie

Après avoir touché le fond, Jonas entreprend une ascension qui doit le reconduire au véritable amour de D.ieu

Mais D.ieu ne lui permet pas de mourir et " il a préparé un grand poisson pour engloutir Jonas. Et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits " . Comment a-t-il passé ces trois jours et ces trois nuits ?

Sur ce point, la Bible est muette, mais le Midrach, toujours fidèle à sa méthode, comble la lacune. II souligne le fait que même maintenant Jonas ne prie pas. II poursuit sa fuite après ce qui aurait semblé la dernière étape, la mort qu'il a évidemment évité par l'effet de la grâce répressive de D.ieu.

On peut donc parler d'une septième étape de sa fuite qui se situe au-delà de la mort. L'interprétation midrachique se base sur une singularité du texte biblique qui en premier lieu emploie le correspondant masculin du mot " poisson" hébreu, dag) et qui, par la suite, utilise la forme féminine (daga).
 

UN REFUGE : LA CONTEMPLATION MéTAPHYSIQUE

Jonas s'exclut de toute considération de croyance ou d'action, refus qui se situe même par-delà la mort

Cette anomalie grammaticale est dramatisée par le Midrach. Jonas est d'abord avalé par un poisson mâle dans le ventre duquel il peut se mouvoir librement et sans gêne. Les yeux phosphorescents du monstre marin lui servent de fenêtres ouvertes sur le monde des abîmes. II aperçoit les secrets de la Création : " Le grand courant d'où jaillissent les vagues de l'océan; le sentier à travers la Mer Rouge emprunté dans leur fuite par les enfants d'Israël ; les sept collines sur lesquelles Jérusalem est bâtie ; la clef de voûte du monde où se tiennent et prient les enfants de Korah ". Toutes ces grandioses visions du Midrach nous suggèrent la nature de la septième étape de cette créature qui fuit la présence de D.ieu.

Jonas cherche refuge dans la curiosité métaphysique, dans la contemplation ébahie du monde préhistorique, des mythes. Il s'exclut de toute considération de croyance ou d'action, refus qui se situe même par delà la mort, sans reconnaître encore la foi qui se trouve en-deçà. Mais là, sur la pierre angulaire du monde, se tiennent les enfants de ce Kora'h que la terre a autrefois englouti comme la mer a englouti Jonas.
 

UN REPENTIR PROGRESSIF

Finalement Jonas aussi commence à prier, mais il ne prie pas convenablement. De même que sa fuite l'a fait tomber de plus en plus bas, de même son retour ne peut se faire d'un bond, mais doit prendre l'allure d'une ascension progressive, de degré en degré.

Le Livre de Jonas est construit selon un rigoureux mouvement architectural autour de deux pôles : Chute et Ascension, Fuite et Retour. Ce même rythme préside au repentir de Ninive qui, déclenché sur une vague de fond populaire, monte et va jusqu'à emporter le roi lui-même.

Toujours selon le Midrach, le retour de Jonas commence par une prière tirée du psaume 149 : " Où irai-je loin de Ton Esprit et où finir hors de ta présence? Si je monte au ciel, tu es là et si je me couche dans le séjour des morts, je t'y trouve. Si j'emprunte les ailes de l'aurore et si je vais habiter au bout de la mer, là même ta main me guide et ta droite me saisit". Bien que cette prière semble basée sur l'expérience même de Jonas, D.ieu la trouve insuffisante. La reconnaissance théorique que sa fuite était une erreur inconcevable n'est pas admise comme un vrai retour.

Alors Jonas fait un deuxième essai. Il lance un hymne à l'omniscience divine : " Tu scrutes les voies du monde et Tu comprends tous les cœurs, les pensées de toutes les créatures ont été Tes pensées et tout secret est pour toi un livre ouvert ". Mais cette prière aussi, est inefficace, elle manque son but. D.ieu ne paraît pas faire grand cas de Son éloge abstrait, même s'il implique l'aveu que l'Esprit divin préfigure toute découverte humaine et que c'est Lui, en fait, qui permet toute découverte. Jonas doit apprendre à mieux prier.
 

LE VERITABLE RETOUR à D.IEU

Après les trois précédentes prières: reconnaissance de l'absurdité de sa fuite, éloge abstrait de D.ieu, foi en la grâce de D.ieu concue comme une assurance automatique, nous assistons à l'ultime étape de la prière du Retour : une promesse d'obéissance active

Le Midrach lui fait faire une troisième tentative, en lui prêtant les paroles de 'Hannah telles qu'elles nous sont transmises au second chapitre de Samuel I. Dans nos usages, la prière, au début muette, de cette simple et pieuse femme qui, demandant un enfant à D.ieu, ne put que remuer les lèvres sans proférer de son, cette prière est rappelée dans le texte additionnel (haftarah) du premier jour de Roch Hachana.

D'année en année, nous célébrons le triomphe de Hannah sur l'incompréhension, la surdité spirituelle du Grand-Prêtre Élie. Celui-ci n'est capable de reconnaître le contenu de la foi que dans les formules traditionnelles auxquelles on lui a appris à se fier et il prend pour de l'ivresse son débordement en prière. Chez nous, la révolte religieuse contre les formules cérémonielles est elle-même devenue un rite, entreprise hasardeuse dont on doit de tous temps courir le risque et qui est constamment vouée à l'échec. Justement la prière de Jonas échoue.

Le Midrach le fait prier à l'aide des mots de Hannah, mais il en attend trop, car maintenant ils se sont sclérosés en rituel. " Un homme rappelé d'entre les morts, tel tu seras appelé; vois, mon âme a atteint la mort, ramène moi à la vie ".
Cette prière est tout près d'être la bonne, mais le hasard même de cette analogie le fait se troubler. II ne résiste pas à l'exprimer. II peut dire très légitimement " Je ". Après tout, il parle de sa propre misère, de sa propre mort. Cela aurait pu suffire pour quiconque n'aurait jamais fui la présence de D.ieu mais pour Jonas, cela ne sert à rien. Il conserve encore la fausse certitude du prophète déchu qui croit pouvoir administrer la parole de D.ieu â l'instar d'un bien terrestre. L'homme ne peut pas même prétendre comme un dû à la miséricorde et à la grâce de D.ieu... Jonas doit apprendre à mieux prier.

Sa quatrième prière, selon le Midrach, est celle même qui correspond au dernier verset de sa prière selon le chapitre II du Livre de Jonas. C'est enfin maintenant qu'il dit: " Mais je t'offrirai des sacrifices avec un cri d'actions de grâces et ce dont j'ai fait vœu, je l'accomplirai". Après les trois précédentes prières: reconnaissance de l'absurdité de sa fuite, éloge abstrait de D.ieu, foi en la grâce de D.ieu concue comme une assurance automatique, chacune de ces prières marquant un degré dans son ascension, nous assistons à l'ultime étape de la prière du Retour : une promesse d'obéissance active.

En faisant cette promesse, Jonas a trouvé pour la première fois l'expression de l'amour de D.ieu : il parle d'actions de grâce.
 

LA MISéRICORDE EN GUISE DE PUNITION

Nous sommes maintenant en mesure de saisir le sens de la première question posée par le Midrach et déjà mentionnée au départ, mais que nous avons laissée pour la fin : " Pourquoi Jonas fuit-il ? "...

Là encore l'interprétation du Midrach est sinon décisive du moins intéressante. La purification de Ninive nous est présentée par le Midrach comme la troisième mission prophétique confiée à Jonas. II est censé avoir une fois réussi dans l'annonce à Jérusalem d'heureuses nouvelles et avoir, en une autre occasion, échoué comme prophète de malheur sur cette même ville où il est désormais considéré comme faux prophète. Dans le Midrach, Jonas passe en revue son propre passé, " II ne suffit pas que je sois appelé faux prophète en Israël, les peuples de la terre vont eux aussi m'appeler faux prophète" .

Mais c'est encore Yehezkel Kaufmann qui nous donne l'explication décisive. Alors que les autres prophètes qui fuient leur mission divine, comme Elie, ou refusent de l'accepter, comme Jérémie, le font parce qu'ils redoutent un échec, Jonas, lui, redoute le succès ! II craint la réussite d'un appel au repentir qui aurait pour effet d'attirer la Grâce de D.ieu. Jonas fuit la Miséricorde divine et il en appelle à Sa Rigueur.

Dans ces conditions, D.ieu ne le châtie pas par Sa Rigueur, ce qui aurait confirmé Jonas dans ses desseins, mais par Sa Miséricorde qui met Jonas dans une situation intenable et le force è faire pénitence. Le Midrach souligne ce point avec une large et ingénieuse tendresse : Jonas est si étroitement confiné dans le deuxième poisson où il est englouti qu'il est en quelque sorte poussé à la vraie prière. II s'agit du poisson femelle (nager), mère féconde fourmillant de milliers de petites créatures marines qui se pressent autour du prophète captif. Ce déserteur de D.ieu qui se vouait à la mort et à cette curiosité métaphysique qui s'étend après et au-delà de la mort, le voilà maintenant tellement harcelé par cette prolifération de vie qu'il est forcé de s'en retourner.
 

UN AMOUR INDISPENSABLE

Qui se contente de craindre D.ieu, nie lui-même l'amour de D.ieu et se condamne à ne pas l'éprouver

La mission de D.ieu envers Ninive est alors confiée à Jonas pour la seconde fois et, pour la troisième fois, Jonas entend l'injonction " lève-toi !" et cette fois c'est de nouveau D.ieu qui parle. Mais Jonas passe un jour plein à marcher dans l'immense cité avant de s'exécuter.

Nous pouvons interpréter tette nouvelle lacune du texte biblique comme un ajournement délibéré de la part de Jonas. Car, le long des heures, des jours et des années qui ont précédé son complet retour à D.ieu, Jonas était avec ardeur, en quête de certitude, chose que peut seul dispenser un D.ieu de Rigueur.

Car l'Amour de D.ieu et Sa Pitié dépendent d'un signe qui se fit "peut-être ". Rappelons-nous que le capitaine païen a cherché en vain à le déceler pour Jonas : " Peut-être se pourra-t-il que D.ieu pense à nous..." De même, les Ninivites disent : " Qui sait si D.ieu ne va pas faire retour en Lui-même, Se repentir, et renoncer à Son ardente colère, de sorte que nous ne périrons point ".

C'est seulement par la voie de Son Amour que D.ieu nous accorde de venir jusqu'à Lui. Qui se contente de craindre D.ieu, nie lui-même l'amour de D.ieu et se condamne à ne pas l'éprouver. Amos savait cela, lui qui était probablement un contemporain de Jonas, Amos qui jamais n'a fui, ni D.ieu ni le Grand-Prêtre et qui nous a laissé cet enseignement : " Haïssez le mal et aimez le bien et établissez la justice à vos portes ".
Alors peut-être le Seigneur, D.ieu des Armées, aura pitié des restes de Joseph.

Texte d'un sermon prononcé à la Synagogue Emeth vé-Emounah de Jérusalem par M. Ernst Simon, professeur à l'Université Hébraïque de Jérusalem. Avec l'obligeante autorisation de la revue Commentary.
 

Adapté par Emile TOUATI. Extrait du Magazine Trait d'Union.
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Professeur Ernst SIMON
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