Chavou'oth est "zeman matan
toraténou", le temps du don de notre Torah.
Notre Torah. Cela sonne bien exclusif. Le peuple Juif est-il élitiste?
La Torah est-elle pour nous seuls et les autres n'existent pas ?
Peuple élu, peuple saint,
peuple préféré . . .
Peut-être, mais en tout cas,
les qualificatifs comme "élu" sont loin d'être des étiquettes auto-collantes.
LE CHOIX DE D.IEU
Par quel biais est ce que
ce peuple a été choisi et qu'est ce que cela signifie exactement?
C'est ce que nous allons
essayer de voir ici.
La Torah a été sensée être
le point de départ pour toutes les nations. Une seule éthique et une
seule loi pour tous les peuples de la terre. Les valeurs et le sens de
la Torah sont universels.
Lorsque D.ieu désirait donner
la Torah au monde - un midrach bien connu nous raconte (Avoda Zara 2b)
- Il s'est tourné vers les nations, une par une. Ainsi demanda-t-Il au peuple
d'Esaü : “Voudriez-vous accepter la Torah ?” Ce denier se renseigna
: “C'est quoi exactement qui est écrit dans cette Torah?”
Et D.ieu répondit : “Tu
ne tueras point.
- “Mais - s'exclama
Esaü - n'est ce pas cela l'essence même de ma nature ? N'est ce pas que c'est
avec ces paroles qu'autrefois mon aïeul Isaac me bénit; "al `harbeha ti'hyé",
c'est par ton épée que tu vivras? Comment donc pourrais je accueillir
telle loi?”
D.ieu Se tourna vers
Ismaël : “Veux tu accepter ma Torah ?”
Et Ismaël : - “C'est
quoi qui est marqué dedans ?”
- “Tu ne voleras
point.”
- “Mais le vol
m'est inné! C'est bien ce que l'ange prédit jadis à ma mère Hagar, lorsque celle-ci
se trouva en désespoir, seule, dans le désert; - Hagar, tu auras un enfant "veyado
bakol", mais il pillera, il rapinera, il ravira! - une loi pareille contredit
donc le fond même de mon caractère.”
C'est à Moab et à
Ammon que D.ieu répéta ensuite sa demande et eux aussi se renseignèrent sur le
contenu de cette Torah.
-”Tu ne commettras
pas d'adultère.” s'entendirent dire ces deux nations.
-”Mais Maître
du monde, ne sommes nous pas, tous les deux, justement issu de la relation adultérine
entre Lot et ses deux filles lors de leur fuite de la ville de Sedom... ? Et
c'est à nous que Tu demandes d'accepter cette Torah?”
Finalement c'est au
peuple juif que la Torah fut proposée.
Celui-ci ne demanda
rien.
“Na'asé venichma”,
Nous ferons et nous écouterons fut la réponse instantanée et inconditionnelle
. . .
DES COMMANDEMENTS-TEST
N'aurait-il pas mieux convenu d'illustrer la Torah par des mizvoth plus abordables et accessibles à ces nations ?
Comment comprendre ce dialogue
? Quelle était l'intention de D.ieu en donnant ces réponses dissuasives? N'aurait-il
pas mieux convenu d'illustrer la Torah par des mizvoth plus abordables
et accessibles à ces nations ? La Torah compte 613 mizvoth ; dans cette
multitude on trouverait certainement des exemples plus encourageants, plus invitants
et plus incitants! Pourquoi présenter la Torah aux peuples différents justement
par ce qui leur sera le plus difficile ?
Et qu'est-ce que signifie
la réponse du peuple Juif ? Peut-on accepter quelque chose dont on ignore complètement
le caractère ? Ne risque-t-on pas de se trouver devant des obligations qui s'avèrent
simplement impossibles, pour lesquelles on n'est point à la hauteur ? Peut
-on s'engager à l'inconnu ?
Telles sont, parmi d'autres,
les questions que ce texte soulève.
En effet, ce que ce midrach
nous propose est une réelle reflexion de fond. Cette `anecdote' nous révèle
et veut nous communiquer ce qui est peut-être l'essence de l'enseignement de
la Torah et cette petite histoire renferme un des aspects des plus fondamentaux
de la notion mitsvah.
Une mitsvah c'est
quoi ? Qu'est ce que D.ieu demande de l'homme par Son ordre Divin ? Dans
un premier temps disons que D.ieu demande à l'homme rien de moins que tout !
Aussi étonnant que cela
puisse sonner, D.ieu préconise, par l'intermédiaire de la mitsvah , que
l'homme se donne en totalité.
C'est à dire que la mitsvah
ne sera pas forcément un acte qui est, l'expression de quelque chose qui convient
et avec lequel on se sent `en accord'. La mitsvah prend sa force dans
l'idée que l'homme veut s'engager et qu'il veut donner et exploiter l'ultime
de ses forces.
Ceci est en quelque sorte
l'idée sous-jacente de chaque mitsvah, de la plus facile jusqu'à la plus
difficile ; même la mitsvah dite `facile' ne prend son ampleur réelle
que lorsque même dans des conditions contraires à “l'état d'humeur”
du moment on s'apprête à l'accomplir avec la même conviction et ferveur.
Le sens de la mitsvah se trouve dans la volonté de l'homme de se consacrer par son investissement complet.
Si D.ieu répond aux nations
respectives par la mitsvah qui leur sera la plus dure, c'est que c'est justement
cette mitsvah qui est révélatrice pour la notion générale de ce que D. demande
à l'homme. Le sens de la mitsvah se trouve dans la volonté de l'homme de se
consacrer par son investissement complet.
D.ieu a répondu par la mitsvah
`test'.
Le peuple Juif agit par
“na'asé venichma” - nous ferons et nous écouterons.
Le peuple Juif ne pose pas
cette question évidente - et qui semble à première vue même s'imposer - à avoir
un échantillon pour se faire une idée de ce que cette Torah peut contenir.
Le peuple Juif ne pose pas
de question du tout.
LE DEFAUT DE LA QUESTION
La vérité est que le tout
est déjà exprimé et contenu par et dans le fait de poser des questions.
Est-ce à l'homme d'interroger
celui qui s'appelle D.ieu ? Est ce que c'est l'homme qui doit juger
les désirs de D.ieu? Il nous semble que lorsque que l'homme pense qu'il doit poser
des questions pour savoir s'il peut accomplir ce que D.ieu lui demande,
c'est qu'il est déjà passé complètement à côté de tout; car, du moment que c'est
D.ieu qui demande c'est bien par définition que l'homme peut...!
Le problème est plutôt
jusqu'où il veut, jusqu'où il est prêt et jusqu'à combien il entend
s'investir. Demander un aperçu, un échantillon, signifie par définition qu'on
met des réserves et qu'on se met des limites. Demander des exemples contient
déjà le refus de l'acceptation de fond.
Na'asé venichma est
la conscience que D.ieu ne peut pas demander plus de l'homme que son possible
. Mais na'asé venichma signifie aussi le plein savoir que D.ieu peut demander
à l'homme de se consacrer pleinement et en effet c'est exactement ce dont il
s'agit avec la Torah.
Reste à savoir pourquoi
D.ieu demande de l'homme tout ?
C'est à travers un
verset du livre de Job (Job 5/7) que le Talmud (Sanhedrine 99b) établit que
"adam léamal youlad" - l'homme a été créé pour peiner... Il ne faut
pas comprendre ce texte comme un châtiment ou une damnation. Il s'agit de la
définition de l'homme. L'homme peut trouver sa plénitude uniquement à
travers l'expérience ultime, à travers l'accomplissement complet. L'homme cherche
les limites, les extrémités. Il est en quête d'établir des nouveaux records.
Il entend l'appel des exploits, des actes d'éclat. Il entend aller plus loin,
plus haut et plus profondement. Ce n'est pas simplement de la bravoure, c'est
la performance qui compte. Il y a un appel irrésistible à briser les barrières
et à amener l'homme - à s'amener - jusqu'au bout de ses capacités.
On est à la recherche
des lessives qui lavent plus blanc, des voitures qui roulent plus vite et des
fusées qui voyagent plus loin. Aussi mange-t-on des sandwichs plus volumineux,
on rentre à quarante dans une cabine téléphonique et on reste trois jours et
trois nuits sur des patins à roulettes dans le seul but de voir son nom inscrit
dans un livre de records. . .
D.ieu demande la performance intérieure; la domination et la maîtrise de soi.
D.ieu demande la performance
intérieure ; la domination et la maîtrise de soi. D.ieu demande de l'homme
de s'accomplir pleinement non pas dans le monde extérieur à lui mais à l'intérieur
même de sa propre personne, d'exploiter les limites non pas du corps mais celles
de l'âme. Non pas de la chair mais de la personnalité.
La Torah vise la construction
de l'homme; psychologiquement, mentalement et spirituellement. D.ieu entend faire
émerger l'homme au plus grand niveau possible et par le biais de la mitsvah D.ieu demande
de l'homme d'être homme pleinement - autant que possible, et pas moins!
Esaü a refusé. Ainsi firent
Ismaël, Moab; Edom et les autres nations.
Le peuple Juif a été
seul à relever ce défi.
Zeman matan toraténou
; le don de notre Torah.
Le peuple Juif est
unique en ceci que, lui, a consenti à chercher à s'accomplir au fond de l'âme.
Invisiblement et sans spectacle, sans records qui figurent à la une. Mais intimement
et secrètement.
UN TOUR DE FORCE DE L'AME
Le Talmud (Chabbat 31a)
raconte l'anecdote d'un païen grec qui vint voir Hillel en réclamant : “Maître,
convertis mois dans le temps que je tiens sur une jambe.”
Sur quoi Hillel lui répond
:”Aime ton prochain comme toi même et le reste (de la Torah) c'est du
commentaire.”
Un des maîtres contemporains,
Rav Gedalia Eisenman, machgui'ah de la yechiva de Kol Torah à Jerusalem,
dans un de ses cours a commenté ce texte. Et, soulevant la question évidente,
demanda-t-il, est ce juste que le reste de la Torah n'est que commentaire ?
N'y a t-il pas 613 Mitsvoth qui ont toutes exactement le même statut et importance
?
C'est que Hillel a détecté
le `point faible' de ce païen. Membre de la toute puissante culture helléniste
il vient en vérité - sciemment ou pas -ridiculiser et déprécier les valeurs
juives, prétendant que celles-ci peuvent, à des hommes supérieurs comme lui
, très bien être résumées en quelques mots, le temps de tenir sur une jambe.
Et c'est exactement cela
que fit Hillel. Comme D.ieu Lui même illustra autrefois la Torah aux nations par
la mitsvah qui constitue un tour de force d'âme, Hillel aussi répond par ce
qui doit être le test ultime pour ce païen; la modestie et la considération,
la volonté d'accepter autrui comme égal et de le prendre au sérieux.
Chavou'oth; littéralement
“la fête des semaines”. Sept semaines, chacune de sept jours. Sept
fois sept.
Sept est le nombre
du cycle de la nature. Tout ce qui est naturel s'exprime par ce chiffre. Sept
fois sept est le temps nécessaire pour accomplir la nature dans sa totalité.
Le cinquantième jour est le dépassement de la nature humaine. C'est la voie
difficile de la réalisation permanente et spirituelle de son soi qui est l'option
du peuple Juif.