Citée par de nombreux
maîtres depuis l'époque du moyen âge, cette coutume consiste
à se rendre à un fleuve ou à une source d'eau vive après
la prière de Min'ha (prière de l'après-midi) de Roch Hachana,
peu avant le coucher du soleil, et d'y réciter, les trois derniers versets
du livre du prophète Michée. La signification de cet usage ressort
en tout premier lieu du contenu de ces versets:
" Quel Dieu t'égale
(Seigneur), Toi qui pardonnes les iniquités, qui fais grâce aux
offenses commises par les débris de ton héritage ? Toi qui ne
gardes pas à jamais ta colère parce que Tu te complais dans la
bienveillance ? Oui, Tu nous reprendras en pitié, Tu étoufferas
nos iniquités, Tu plongeras tous leurs péchés dans les
profondeurs de la mer ".
(Comparez Deut. IX, 211).
LES SYMBOLIQUES DU FLEUVE
ET DES POISSONS
C'est également en vue de susciter en nous des réflexions morales que quelques uns de nos maîtres ont recommandé de réciter la prière devant un fleuve qui contient des poissons.
Un autre motif est indiqué
par Maharil (Rav Yaacov ben Moché Moelin, XIVème siècle,
Allemagne) qui met l'usage en rapport avec un récit du Midrach concernant
le sacrifice d'Isaac, si souvent mentionné au Jour de l'An. Abraham et
Isaac, dit?on, durent franchir un fleuve qui faisait obstacle sur leur chemin
pour parvenir à la montagne de Moriah. Debout au milieu des flots, Abraham
implora le Seigneur: " Viens à mon secours, ô Dieu, car
les flots m'ont atteint, menaçant mes jours " (Ps. LXIX, 2)
. L'Éternel exauça Abraham et lui jura fidélité,
comme il est dit au dernier verset du prophète Michée.
En présence du fleuve, l'usage nous rappelle ainsi que le vrai serviteur
de D.ieu ne s'arrête devant aucun obstacle et que son acte de dévouement
est récompensé par la Providence qui " plonge tous nos péchés
dans les profondeurs de la mer ".
C'est également en vue de susciter en nous des réflexions morales
que quelques uns de nos maîtres ont recommandé de réciter
la prière devant un fleuve qui contient des poissons. Leur vue doit nous
rappeler cette observation de l'Ecclésiaste " L'homme ne connaît
même pas son heure, pas plus que les poissons pris dans le filet fatal
et les oiseaux pris au piège... " (IX, 12). De nombreuses interprétations
aggadiques entourent cette sentence, de même que la phrase parallèle
du prophète Habacouc " Pourquoi as?Tu rendu les hommes pareils
aux poissons de la mer... On les prend tous avec l'hameçon, on les tire
avec le filet. " (I, 14).
LE POINT DE VUE DES KABBALISTES
Le geste extérieur ne sert alors qu'à souligner l'engagement pris dans notre for intérieur
Cependant, l'avis des Kabbalistes,
selon lesquels le pan du manteau doit être secoué en prononçant
les paroles: " Plonge leurs péchés dans les profondeurs
de la mer" ne signifie nullement, comme on l'a allégué,
que nos péchés sont symboliquement déversés sur
les poissons innocents qui les emmènent au large. Le fait que les Kabbalistes
n'attachent précisément point d'importance à la présence
des poissons dans le fleuve suffit a démontrer que la signification du
symbole est à rechercher ailleurs. Il s'agit en effet d'un " simple
geste symbolisant que l'homme se défait de ses péchés"
(Maté Moché). Au sens figuré, les vêtements servent
souvent de terme de comparaison aux qualités morales de l'homme (Talmud
Chabbath 153 a) et, d'autre part, l'image du " rejet des méchants
en une secousse" se trouve employée par exemple chez Job, XXXVIII,
13. Aussi, constate l'auteur du Ch'lah, cet usage est?il bon lorsqu'on se repent
en soi?même et se détache de tout ce qui est inique. Le geste extérieur
ne sert alors qu'à souligner l'engagement pris dans notre for intérieur.
Le poisson à toujours été considéré, par
ailleurs, comme symbole de la fécondité et de la prospérité.
Le Talmud met plus spécialement cette conception en rapport avec les
destinées d'Israël (Bera'hoth 20a). Cette considération justifie,
selon les uns, l'usage indiqué, tandis que d'autres y trouvent encore
un autre motif. L'œil du poisson, font?il remarquer, n'ayant pas de paupière,
est toujours grand ouvert et ceci symbolise la Providence dont l'œil demeure
toujours grand ouvert sur nos destinées.
FAIRE APPEL A LA PROVIDENCE
DIVINE
C'est à la Providence
que la prière de Tachlich fait appel. Ses paroles font en effet allusion
(selon Yabetz) aux treize attributs de la miséricorde divine, et c'est
pourquoi la prière est répétée trois fois, comme
on répète trois fois les " treize attributs " aux jours
de fêtes avant la lecture de la Torah (cf .Yoma 87 a) . En outre, une
courte phrase de prière commençant par les mots : " Et
tous les péchés de Ton peuple, la maison d'Israël …
" est intercalée au milieu de la citation des versets du prophète.
Les Kabbalistes y ajoutent encore des versets et des prières de circonstances
.
Au nombre des autres motifs,
de caractère plutôt homilétique, qui furent prêtés
â l'usage du Tachli'h, relevons celui qui le met en rapport, avec l'ancienne
coutume (relatée par le Talmud, Horayoth 12a) qui voulait que
les rois d'Israël fussent oints auprès d'une source pour exprimer
le souhait que leur règne s'étende longtemps comme la source qui
coule sans cesse. Nous reproduisons la même coutume à Roch Hachana,
où nous proclamons à nouveau solennellement la royauté
du Seigneur. Le son du Chofar accompagnait d'ailleurs également l'investiture
des rois en Israël. (I Rois, 1, 34)
Lorsque le premier jour
de Roch Hachana tombe un samedi, la prière de Tachlich est reporté
au dimanche, second jour de fête, pour éviter d'être amener
à porter illicitement le livre de prière le Chabbat.
Cette mesure n'est pourtant
pas adoptée par tous les rites (cf Orah Hayim, Ch. 583).
La nourriture des poissons vivant dans les fleuves n'incombant pas aux hommes,
il est interdit de leur donner à manger les Chabbat et jours de fêtes
(Ibid Ch. 497 ,2).
Notons enfin que la coutume
de Tachli'h ayant suscité pendant le moyen-age des malentendus et des
commentaires malveillants, voire de graves calomnies à l'égard
de la religion juive, certaines de nos autorités religieuses approuvent
ceux qui s'abstiennent de cet usage.
Tiré de l'ouvrage
Le Monde des Prières