Un article paru récemment dans le READERS' DIGEST décrit avec force détails l'étendue que cette fraude a prise aux Etats-Unis, et les autres pays sont à l'avenant. Sans doute pourrait-elle être tenue pour une forme vénielle de péché de jeunesse. Si cependant on y regarde de plus près, on constate que l'état d'esprit qui s'y dissimule constitue une prédisposition à la fraude dans les affaires. Les motivations, le jugement porté sur le fait de tricher et l'environnement intellectuel dans lequel il se développe, tous sont les précurseurs d'une attitude contraire à la morale que développeront plus tard ceux qui s'y livrent lorsqu'ils seront devenus des salariés, des employeurs et des consommateurs. À partir de petites tricheries au début dérisoires vont se développer des délinquances en col blanc, de même qu'une approche foncièrement malhonnête de tout ce qui touche à l'argent et aux richesses. Il devient par conséquent d'une nécessité impérieuse que tout effort concerté dans le domaine de la pédagogie des relations commerciales se préoccupe également d'y faire entrer ce qui est du ressort de l'éthique.
Trouver des justifications à la malhonnêteté
Beaucoup d'étudiants, qui n'auraient jamais l'idée de voler de l'argent ou des marchandises chez leurs voisins ou dans les magasins, éprouvent de grandes difficultés à définir leurs tricheries comme des exemples de vols. Comment le feraient-ils, alors qu'ils n'ont rien pris de concret, rien soustrait de tangible, des mains de celui sur la feuille d'examen duquel ils ont copié ? Il existe beaucoup de gestes, dans le monde des affaires, qui sont faciles à considérer sous le même regard. Il en est ainsi, par exemple, de la copie sauvage de programmes informatiques, du piratage de cassettes, de la rétention d'informations financières pertinentes ou de la non-révélation de défectuosités dans les marchandises vendues ou dans les services procurés, ainsi que de certaines formes de publicités.
La loi juive, en ce qui la concerne, reconnaît une forme de malhonnêteté qui va bien au-delà du vol et qu'elle inclut dans le concept de gueneivath da'ath, littéralement un " vol de l'esprit " ou une " création d'une fausse impression ". L'étudiant qui triche " vole " l'esprit de son examinateur ainsi que celui de l'autorité publique qui délivre les certificats et les diplômes. Sans parler du fait que plus tard, lorsqu'il fera usage de ses titres non mérités pour obtenir un emploi, c'est son employeur qui sera victime de son entreprise de tromperie. Il existe beaucoup de cas où la tricherie aux examens constitue un vol réel, où le camarade dont on a copié les réponses peut perdre l'avantage relatif qu'il détenait sur celui dont il est devenu la victime. Lorsque, par exemple, il n'est prévu qu'un nombre limité d'admissions dans une université ou à un emploi, la victime de la fraude peut parfois perdre les chances qu'il avait d'être inscrit sur la liste des candidats reçus.
Tout le monde en fait autant !
Il existe un moyen significatif d'évaluer l'étendue de la fraude à l'école : c'est le degré de désapprobation de cette pratique rencontré chez les parents, les camarades, les autorités scolaires et l'opinion publique en général. Dans les sociétés où existe une telle désapprobation, la tricherie devient un phénomène marginal, si bien que même là où elle existe, elle ne conduit pas à un comportement immoral important à l'avenir. Inversement, lorsque les parents tolèrent de telles attitudes de la part de leurs enfants, ou lorsque l'école s'abstient de punir ceux qui s'en rendent coupables, ou ne leur marque pas sa réprobation, de telles attitudes constituent un message dépourvu d'ambiguïté signifiant un encouragement à un comportement immoral. On trouvera le même genre de message là où les affaires financières des parents, des professeurs ou des autorités publiques sont conduites de manière malhonnête. Toute immoralité ou action immorale de la part des adultes encourage l'étudiant à suivre la même voie. C'est ainsi que la fraude fiscale, les tromperies au préjudice des employeurs, les fraudes sur les marchandises, la non-exécution de ses obligations financières, l'exploitation de sa main-d'œuvre, ou tout autre parmi les milliers de moyens que les gens ont à leur disposition pour se comporter malhonnêtement, encouragent l'étudiant dans la conviction que tout moyen est bon pour atteindre ses buts, et dans son cas pour obtenir ses diplômes. Et cette conviction le mènera inéluctablement à se comporter tout aussi malhonnêtement plus tard !
La loi juive fournit de nombreux exemples pour exprimer sa réprobation envers les comportements malhonnêtes. Par exemple, celui qui renie un engagement pris dans un contrat ou qui n'exécute pas les obligations qui y sont contenues est considéré comme dépourvu de foi en Hachem. C'est ainsi que l'on récitait jadis dans les synagogues, en présence du fautif et de sa famille, la formule du Mi chépara' : " Veuille Celui qui a réclamé ce qui lui était dû de la part de la génération du Déluge, de celle de la tour de Babel et de la population de Sodome, punir celui qui n'a pas tenu parole ! "
Les fautes commises secrètement
Dans beaucoup de cas aujourd'hui, la tricherie à l'école se commet ouvertement et a cessé d'être l'infraction commise dans le secret comme c'était le cas jadis ou dans d'autres sociétés. La crainte d'être découvert et d'être puni a disparu, ce qui a fait s'enfuir l'ultime moyen de dissuasion contre la malhonnêteté. Il en va souvent de même dans le monde des affaires où de pratiques blâmables ont cours publiquement et finissent par devenir des normes acceptées par tous. C'est cette acceptation de l'immoralité économique qui distingue la corruption de la fraude, condamnée par la société et pratiquée secrètement. Il n'y a pas de crimes secrets dans le judaïsme, étant donné que tout est connu de Hachem.
Les atteintes morales portées à la personnalité du coupable
Mais surtout, et bien plus que les effets que la tricherie à l'école peut produire sur les futurs employeurs, sur ses propres camarades étudiants, ou sur les résultats scolaires du coupable, le judaïsme met en relief les dommages d'ordre moral causés à celui-ci. Cela s'applique à tous les comportements contraires à la morale, où les restitutions et les punitions ne jouent qu'un rôle mineur. Bien plus importante est la nécessité pour le coupable de rectifier son déséquilibre moral par l'aveu de sa faute et par sa résolution à ne plus jamais la commettre. Aussi longtemps que cela n'aura pas été fait, il n'aura pas soldé ses comptes avec le Ciel.
Traduction et adaptation de Jacques KOHN