Tout groupe humain, peuple,
état, nation se définit par un ensemble de valeurs communes que
fondent la société et dans lesquelles chacun de
ses membres doit pouvoir s'identifier. Ces valeurs qu'elles soient morales,
cultuelles, religieuses, historiques fondent cette société par
la cohésion interne qu'elle entraîne.
Afin de permettre la perpétuation de cette société, de
ce groupe, il est indispensable que ces valeurs soient transmises aux descendants
afin que le relais soit entrepris et que cette société puisse
se poursuivre.
LES PROCESSUS DU PASSAGE
INTERGENERATIONNEL
Parmi les commandements énoncés, certains ont une valeur symbolique et identificatrice plus forts que d'autres
Dans le judaïsme, cet
ensemble de valeurs a été dicté à Moïse par
D-ieu au Mont Sinaï, que l'on retrouvera sous la forme de Loi Ecrite et
de loi Orale.
A ces lois fondamentales,
il faut y ajouter l'ensemble des écrits et des recommandations des prophètes
et des Sages depuis Moïse à ce jour.
Cet ensemble constitue
les fondements essentiels du peuple juif, sa définition, son existence
et son organisation. Une
fois énoncées ces valeurs, il est indispensable d'en assurer leur
pérennité par leur transmission.
Parmi les commandements
énoncés, certains ont une valeur symbolique et identificatrice
plus forts que d'autres. On pourrait citer le respect du Chabbat, les règles
de la Cacherout et également l'attachement à Israël et à
Jérusalem, sa capitale.
L'importance de Jérusalem
dans la vie juive est régulièrement énoncée dans
les prières quotidiennes, dans l'ensemble des fêtes du calendrier
juif et également le soir du Séder de Pessah où l'on se
doit de prononcer cette phrase que beaucoup d'autres peuples nous ont empruntée
ou plutôt dépossédée "L'an prochain à
Jérusalem".
Revenons à la manière
dont se fait ce passage intergénérationnel.
Cette transmission
utilise plusieurs canaux, que l'on pourrait expliquer de différentes
manières du point de vue sociologique, anthropologique, psychologique.
Nous allons nous intéresser
à l'aspect psychologique et psychanalytique dans lequel on pourrait retenir
3 niveaux dans cette transmission. Ces
trois temps, on les retrouvera étrangement rapporté dans l'enseignement
des anciens Maîtres de la Torah comme recommandation importante pour permettre
la continuité du peuple juif à travers les temps et d'assurer
sa pérennité. Quels
sont ces trois temps ?
LES TROIS ETAPES DE LA
TRANSMISSION
La mère transmettra à son enfant de façon intuitive ce qu'elle vit et ce qui a un sens pour elle
Selon la psychanalyse, ils
sont liés aux 3 phases du développement du jeune enfant et de
la relation qu'il a établit avec ses parents. Dans
le premier, l'enfant est lié de façon fusionnelle à sa
mère, il ne perçoit son monde extérieur qu'à travers
elle. En raison de cette proximité, il se perçoit comme élément
central de tout ce qui l'entoure, il éprouve un sentiment de toute puissance,
d'éternité.
La notion de limite ne fait
pas encore partie de sa vie psychologique. Nous sommes dans ce qu'on appelle
le narcissisme primaire. La mère a un rôle excessivement important.
Dans cet univers flou qui entoure son enfant, elle va lui donner un sens, son
sens à elle avec ses moments de joie de bonheur et parfois également
l'inverse.
Elle transmettra à son enfant de façon intuitive ce qu'elle vit
et ce qui a un sens pour elle.
C'est alors qu'elle insufflera
à son enfant ses valeurs religieuses et morales qui fonderont sa vie.
Elle donnera au rythme du temps le rythme juif dans lequel, elle est imprégnée,
que ce soit le rythme de la semaine avec le Chabbat, que ce soit le rythme annuel
avec les fêtes. A chacun de ces moments elle expliquera à son enfant
ce qu'elle fait et le sens que cela a pour elle. II est évident que son
attachement à Jérusalem sera également évoqué
dans tous les moments de la vie enrichie par des contes ou des chansons. Le
discours de la mère, même s'il n'est pas entièrement compris
par le tout jeune enfant sera intériorisé dans la réalité
psychique de l'enfant qui le retrouvera plus tard dans les phases de développement
ultérieur avec plus d'intensité.
Dans cette identification
à sa mère, ces valeurs vont constituer pour lui ce que l'on peut
appeler un Moi idéal que comporte l'ensemble des valeurs transmises par
la mère mais associées à un sentiment de toute puissance
de monde sans limite, d'éternité.
De nombreuses cultures restent
fixées à cette phase d'évolution psychologique. Nous avons
à faire alors à des personnalités intransigeantes, violentes,
exclusives n'acceptant aucunement la présence de l'autre ou la contradiction,
et tout cela est vécu comme dangereux, parce que venant séparer
la relation exclusive entre la mère et l'enfant. La phase ultérieure
favorisée par la mère va permettre au père de jouer son
rôle et de poursuivre cette transmission dans une vision plus inscrite
dans la réalité et dans la relation non plus à deux fusionnelle
mais à trois : avec le père, la mère et l'enfant.
Cette introduction du père
va permettre à l'enfant d'accepter les limites de son univers, de le
rendre plus indépendant, plus autonome et d'introduire la notion du bien
et du mal et de la sanction qui pourrait en découler. Les
valeurs transmises par la mère vont prendre un aspect plus constructif,
capable de s'inscrire dans un lieu social avec les autres enfants tout d'abord,
puis avec les autres adultes.
L'enseignement du père
prendra alors d'autant plus de valeur que la mère aura préparé
le terrain. L'importance de Jérusalem ne sera plus un attachement affectif
uniquement mais aura également un sens historique à travers la
Ligature d'isaac, l'échelle de Jacob, la cité de David et le lieu
des deux temples et surtout en raison de la promesse divine d'un futur proche
de la construction du 3ème temple. Fort de cette double empreinte le
jeune enfant fera sienne l'ensemble de ces transmissions parentales qu'il va
à son tour enrichir à sa manière par les moyens qu'il aura
choisi.