La question de savoir dans quelle mesure la possession d'une partie du capital d'une société peut être considérée comme une participation active à la vie de celle-ci se pose dans de nombreux domaines de la Hala'ha (loi juive). A la limite, par l'achat d'une seule action d'une société, on pourrait être amené à commettre des transgressions à l'ensemble des quatre parties du Choul'hane 'aroukh (code de la loi juive)!
En voici quelques exemples :
- Ora'h 'hayim : Interdictions relatives au Chabbat, comme celle de tirer profit du travail d'autrui, d'y employer des Juifs ou des animaux ; interdiction de posséder du 'hamets (produit contenant du levain) pendant Pessa'h.
- Yoré Dé'a : Interdictions de tirer profit d'un mélange de lait et de viande, d'un objet servant à l'idolâtrie, d'une production 'orla, interdiction du prêt et de l'emprunt à intérêt, interdiction de faire du commerce avec des produits alimentaires interdits, d'hybrider les animaux.
- Evène ha'ézèr : Interdictions de participer à des activités licencieuses, de mutiler des animaux.
- 'Hochèn michpat : Interdictions de participer à des spoliations, de retenir les salaires, de causer des dégâts.
Les développements qui vont suivre ne traiteront pas de tous les problèmes hala'hiques liés aux sociétés commerciales, mais seulement de ceux qui peuvent se poser à ceux qui possèdent une fraction de leur capital. Compte tenu de leur longueur, nous les avons répartis sur plusieurs chapitres.
QU'EST-CE QU'UNE SOCIETé COMMERCIALE ?
Afin de pouvoir étudier les règles qui régissent les sociétés commerciales, il faut avoir une idée claire de ce qu'elles sont exactement. Il existe trois caractéristiques principales d'une société commerciale moderne, dite " société de capitaux " :
1. La responsabilité limitée : une dette de la société ne peut être recouvrée que sur ses actifs propres, et non sur ceux des actionnaires individuels. Dans une société dite de " personnes ", au contraire, les créanciers peuvent appréhender jusqu'aux biens privés des associés.
2. La séparation de la propriété et de la direction : les actionnaires n'ont par eux-mêmes aucun pouvoir de direction sur la société. Leur seul pouvoir est celui de nommer des directeurs et des responsables qui assureront la direction quotidienne de l'entreprise.
3. La personnalité morale : une société commerciale peut poursuivre et être poursuivie en justice, elle survit jusqu'à sa dissolution quelle que soit la durée de vie de ses propriétaires et responsables, et elle est considérée légalement à tous égards comme un acteur indépendant.
Les gens seront peu disposés àinvestir dans une affaire dans laquelle ils n'ont pas la parole, à moins que leur responsabilité soit limitée.
Ces caractéristiques sont toutes destinées à créer de très grandes entités économiques qui bénéficieront des avantages que leur confèrent leurs dimensions. Afin de pouvoir lever d'énormes capitaux, elles ont besoin de beaucoup de partenaires. Il est impossible à ces derniers, s'ils sont en trop grand nombre, de prendre part à la gestion, d'où la nécessité vitale d'une séparation entre la propriété et la direction. De même, s'il y a beaucoup de sociétaires, la collectivité des actionnaires sera tout naturellement en train de changer constamment, de sorte qu'il est nécessaire de fournir à l'entreprise une identité indépendante de celle de ses propriétaires, et ce contrairement à une société de " personnes ", qui est automatiquement dissoute quand meurt l'un de ses membres. Les gens seront peu disposés à investir dans une affaire dans laquelle ils n'ont pas la parole, à moins que leur responsabilité soit limitée.
Malgré tout, ces traits distinctifs, même s'ils sont liés entre eux, ne sont ni techniquement ni légalement interdépendants, ce qui s'exprime dans la loi séculière.
Il est intéressant de noter que chaque tradition juridique met l'accent sur l'un de ces trois aspects.
Considérons les exemples suivants : dans certains pays, l'associé dans une société où la responsabilité est limitée bénéficie d'une limitation de sa responsabilité sans que la structure ne possède une personnalité légale. Il arrive aussi, par endroits, qu'une société de " personnes " ordinaire puisse être une personne morale, mais que la responsabilité reste encore illimitée. Une fiduciaire concrétise une séparation de la propriété et de la direction, mais elle n'a pas de personnalité légale ni n'est limitée dans sa responsabilité.
Il est essentiel de bien comprendre les distinctions à opérer entre ces caractéristiques, car elles relèvent parfois de domaines différents de la loi. Pour l'interdiction du prêt à intérêt, le critère de référence, selon beaucoup d'autorités rabbiniques, est la " propriété ", tandis que celui de la " direction " est extrêmement important pour le Chabbat. La personnalité morale ne constitue pas un moyen d'échapper à aucune interdiction, mais elle peut permettre de préserver du marith ha'ayin - de l'apparence d'une transgression.
[Il est intéressant de noter que chaque tradition juridique met l'accent sur l'un de ces trois aspects. Aux Etats-Unis, les sociétés commerciales sont désignées sous l'appellation de " Inc. ", qui met l'accent sur la notion de corpus - personne morale. Dans le Rayaume-Uni, la désignation " Ltd. " insiste sur la limitation de la responsabilité. Et dans les pays latins la désignation habituelle est " S.A. ", indication d'une " Société Anonyme ", ce qui souligne que la séparation de la propriété et de la direction rend les actionnaires invisibles.]
PARTICULARITéS DE LA LOI JUIVE PROCHES DE LA LEGISLATION SUR LES SOCIETéS
Chacune de ces trois propriétés existe également dans la loi juive : la limitation de responsabilité existe sur une base contractuelle dans des accords tels que ceux qui constituent une sûreté juridique (
apotéké mefourach). La séparation de la propriété et de la direction peut se trouver chez le " gardien ", ou
apotropos. Et les collectivités comme les villes et les corporations de travailleurs (que la Hala'ha considère également comme des " villes "), ainsi que les organisations charitables, qui sont considérées comme
heqdèch (" propriété consacrée "), ont une identité légale distincte qui subsistera même lorsque les membres de cette collectivité ou les préposés à la charité seront remplacés au fil des années.
Dans cette forme d'organisation commerciale qu'est l'isqa, l'associé " silencieux " fournit le capital, le partenaire " actif " fonctionne comme un entrepreneur, et les profits et pertes sont partagés à parts égales.
De plus, une forme hala'hique de propriété largement répandue dans les affaires manifeste l'ensemble de ces trois caractéristiques. Il s'agit du partenariat silencieux bien connu appelé 'isqa (Baba Metsi'a 104b -105a). Dans cette forme d'organisation commerciale, l'associé " silencieux " fournit le capital, le partenaire " actif " fonctionne comme un entrepreneur, et les profits et pertes sont partagés à parts égales.
L'associé " silencieux " dans un isqa bénéficie :
1. D'une responsabilité limitée
Il ne peut pas perdre plus que sa mise de fonds dans l'affaire, et le partenaire " actif " n'a pas le pouvoir de lui imposer de plus amples obligations, contrairement aux sociétés de " personnes " ordinaires dans lesquelles il est habituellement stipulé que chaque associé a le pouvoir de créer des obligations à la charge de l'association prise comme un tout (Choul'hane 'aroukh - 'Hochèn michpat 176, 20). De plus, contrairement aux sûretés nommément désignées où la dette peut être récupérée sur un bien spécifique, la revendication de l'associé " silencieux " s'appuie sur des sûretés flottantes, comme dans le cas d'un créancier d'une société ou d'un actionnaire, et le recouvrement ne peut être effectué que sur les actifs qui existent au moment où il y est procédé.
2. D'une séparation de la propriété et de la direction
Dans le cas habituel où une durée précise est stipulée à l'avance pour la transaction, l'associé " silencieux " d'un 'isqa n'a pas le droit d'exiger la dissolution de la société avant terme, et en conséquence n'a pas droit à la parole sur la manière dont l'affaire doit être menée (Baba Metsi'a 105a, Choul'hane 'aroukh - Yoré Dé'a 177, 36).
3. De la personnalité morale
De même que les actifs d'une société commerciale sont enregistrés à son propre nom, et non à celui des actionnaires, de même les actifs d'un 'isqa sont-ils, dans le cas habituel, énumérés au nom du partenaire " actif ", tandis que l'associé " silencieux " est souvent inconnu des clients et des fournisseurs du membre " actif ". Dans ce cas, la propriété n'est pas inscrite au nom d'une personne morale, mais mieux encore, au nom d'une personne physique véritable !
QUEL EST LE STATUT DE L'ACTIONNAIRE DANS LA LOI JUIVE ?
Deux approches principales s'opposent dans la littérature hala'hique quant à la propriété du capital : celle dite " du créancier " et celle dite " du partenaire ".
Certains considèrent l'actionnaire comme un simple prêteur ou financier, et les actifs de la société comme une sorte de contrepartie de l'obligation faite à l'entreprise de distribuer les bénéfices aux actionnaires. Pour d'autres, l'actionnaire est perçu comme un associé, et la société comme une association ordinaire avec des conditions particulières faites pour les sociétaires eux-mêmes.
1. L'approche " créancier "
Alors que cette approche prend en considération l'impuissance de l'actionnaire individuel - un manque de pouvoir caractéristique du créancier, et non du propriétaire - comment peut-on la concilier avec le pouvoir décisif exercé par les actionnaires pris collectivement ?
Il existe une autorité éminente qui affirme que les propriétaires d'actions ne sont propriétaires de ce fait ni des fonds que l'entreprise prête à ses clients ni de son 'hamets (Responsa Mahari Yits'haq HaLévi [Ittinga], II, 54 et II, 124 respectivement).
Cette approche, bien évidemment, soulève une question : si les actionnaires ne sont pas les propriétaires - et donc ne portent pas de responsabilité - qui donc l'est ?
Plusieurs réponses sont données à cette question.
Certaines autorités considèrent le concept de la loi séculière - celui de la personne morale - au pied de la lettre : c'est la société elle-même qui est le propriétaire. Le justification hala'hique de cette conception est recherchée dans des entités proches de la personne morale comme le tsibbour (" collectivité ") ou le heqdèch (" propriété appartenant au Temple "), ainsi que dans l'autorité de la loi séculière en matière patrimoniale, ou dans le pouvoir dont sont investies les autorités hala'hiques de créer de nouvelles formes de propriété tout comme le font les législations séculières (Rabbi Dichovsky, Pisqei din rabbaniim, Vol. X - p. 273).
On peut aussi considérer la direction de l'entreprise comme le propriétaire " réel ", qui doit aux actionnaires une part des profits. Ou, s'il y a une structure de contrôle, les actionnaires contrôleurs peuvent alors être considérés comme les " réels " propriétaires, réduisant les actionnaires minoritaires au rang de créanciers ordinaires. le Rabbin Moché Feinstein (1895-1986) (Igueroth Moché, Evène ha'ézèr Vol. I, 7) incline vers cette vision indulgente dans le cas spécifique du petit actionnaire qui n'a aucune raison ni aucun intérêt à vouloir exercer une influence sur la politique de l'entreprise.
Alors que cette approche prend en considération l'impuissance de l'actionnaire individuel - un manque de pouvoir caractéristique du créancier, et non du propriétaire - comment peut-on la concilier avec le pouvoir décisif exercé par les actionnaires pris collectivement ? Après tout, les actionnaires, lorsqu'ils se réunissent, peuvent faire ce qu'ils veulent de la société et de ses actifs !
Peut-être pouvons-nous trouver un parallèle avec le droit pour un créancier de demander au Tribunal rabbinique de faire consigner ce qui lui est dû quand un débiteur administre mal ses actifs (Choul'hane 'aroukh - 'Hochèn michpat 73, 10 ; selon Rema nous sommes particulièrement indulgents). Il est très inhabituel pour les actionnaires, dans la pratique, de prendre un rôle actif à moins qu'ils n'aient des raisons de penser que l'entreprise est manifestement mal administrée.
2. L'approche " partenaire "
La communauté(qahal), qui est certainement une personne morale, n'est pas exempte de restrictions instituées par la Hala'ha.
Beaucoup d'autorités hala'hiques modernes ne prennent pas en considération la thèse de la " personne morale ". Leur refus de toute solution indulgente à partir du statut de personne morale conféré par le droit séculier résulte de trois considérations :
- certains se sont basés sur le principe doctrinal selon lequel la Hala'ha ne nous donne pas le pouvoir de créer de nouvelles formes de propriété, de sorte que la question de savoir si nous pouvons adopter l'approche de la législation séculière ne se pose même pas (Mo'adim ou-zemanim III 269, note 1).
- on peut même laisser ouverte la question de savoir si nous avons le pouvoir de reconnaître une telle personnalité, mais conclure que même dans la loi séculière ce statut de la " personnalité morale " sert de complément, sans l'effacer, à celui de la propriété directe des actionnaires. Le Rabbin Yits'haq Weiss, de la 'Eda 'harédith (communauté orthodaxe) de Jérusalem (Min'hath Yits'haq Vol. III, 1), indique pertinemment que même la loi séculière ne considère pas la personnalité morale d'une société commerciale comme entièrement indépendante de ses propriétaires.
Voici quelques exemples de ce principe : la loi considère les responsables et les directeurs comme des dépositaires des actionnaires ; ils ont une responsabilité fiduciaire envers les actionnaires comme propriétaires de la société. Certains droits des actionnaires sont manifestement des droits de propriété : droit d'examiner les livres de l'entreprise, droit de poursuivre la direction en justice pour le compte des actionnaires, droit de soumettre des résolutions au vote de tous les actionnaires.
- enfin, nous pouvons même convenir que la société commerciale possède le statut de " personne morale " dans la Hala'ha, mais sans en tirer aucune conclusion indulgente. Comme l'indique encore le Rabbin Weiss (Min'hath Yits'haq III, 1), la communauté (qahal), qui est certainement une personne morale et qui est citée en exemple par les autorités enclines à l'indulgence comme une source possible pour une légitimité hala'hique d'un statut de " personnalité morale " des entreprises commerciales, n'est pas exempte de restrictions instituées par la Hala'ha. C'est ainsi qu'une communauté n'a pas le droit de bâtir le Chabbat (Michna beroura 244, 13), qu'elle doit invalider et détruire son 'hamets (Choul'hane 'aroukh - Ora'h 'hayim 433, 10), et qu'elle n'a pas le droit de prêter à intérêt (Choul'hane 'aroukh - Yoré Dé'a 160, 22 dans Rema.)
Il existe aujourd'hui des indications qui marquent une augmentation de l'influence des petits actionnaires, un phénomène qui imprime sa marque tant dans la sphère commerciale que dans la sphère sociale.
Dans la sphère commerciale, on a vu apparaître des " raiders ", capables de s'approprier la direction de toute une entreprise en s'appuyant sur une fraction relativement étroite du capital - parfois moins de dix pour cent. Leur influence sur la gestion est liée au fait que chaque action constitue un allié potentiel du " raider ".
Moralement, nous avons vu l'apparition de " stimulateurs " au sein de certaines sociétés, c'est-à-dire de gens qui se contentent d'acquérir assez d'actions pour pouvoir déposer des propositions de résolutions aux assemblées générales annuelles, en suggérant par exemple que la société cesse d'exploiter des mines à ciel ouvert ou s'abstienne d'utiliser le travail d'esclaves. Les lettres envoyées par les directions au sujet de ces propositions témoignent de ce qu'elles les prennent très au sérieux lorsqu'elles sont distribuées à des millions d'actionnaires, dans le cœur de chacun desquels sommeille peut-être un saint en puissance, disposé à renoncer à quelques sous pour sauver les forêts équatoriennes. Peut-être ces innovations exercent-elles une influence sur la manière dont nous considérons aujourd'hui les perceptions indulgentes de naguère.
Si le Rabbin Weiss dispense l'actionnaire qui n'a pas de droits de vote (NDT : dans le cas, par exemple, d'actions " à dividende prioritaire sans droit de vote " telles qu'elles ont été instituées en France par une loi de 1978), le Rabbin Moché Sternbuch se montre rigoureux même dans ce cas dès lors que l'importance du portefeuille représente un pourcentage significatif du capital de l'entreprise (Mo'adim ou-zemanim Vol. III, 269, note 1). Cependant, le Rabbin Sternbuch suggère une solution plus indulgente dans le cas d'une société non juive lorsque se présente un défaut technique dans le kinyane (" acquisition ") de l'actionnaire, défaut qu'il est disposé à combiner, même s'il est réticent à en tenir pleinement compte, avec d'autres considérations bienveillantes.
Il semble, pour résumer l'état actuel de la question, que l'opinion la plus répandue parmi les personnalités qui font autorité, comme le Rabbin Moché Feinstein, le Rabbin Yits'haq Weiss, le Rabbin Moché Sternbuch, le Rabbin Menaché Klein et le Rabbin Chelomo Zalman Auerbach, consiste à considérer la société commerciale comme une société de " personnes " ordinaire, tout en acceptant que sa responsabilité envers les créanciers soit limitée, mais pas celle envers des tierces personnes. Chaque autorité mentionne certains cas où elle et disposée à plus de bienveillance. Ces cas, toutefois, ne tiennent pas compte du statut légal de la société, mais d'aspects spécifiques de la possession du capital qui pourraient s'appliquer tout autant à une société ordinaire.
UNE SOCIETé COMMERCIALE QUELLE QUE SOIT SON éTIQUETTE
S'il est intéressant et important de définir le statut hala'hique de la possession du capital d'une société commerciale, nous devons nous souvenir que les règles hala'hiques que nous avons à appliquer dépendent, en dernière analyse, des propriétés spécifiques de la société, et non des appellations que nous donnons à ces propriétés. Un exemple très significatif est constitué par le cas de 'isqa, dont nous avons souligné qu'il était un bon modèle pour un contrat passé avec une société.
Il ne fait aucun doute, quant à la forme du statut hala'hique du 'isqa, tel qu'il est explicitement défini dans le Talmud et dans le Choul'hane 'aroukh, qu'il est " moitié prêt, moitié dépôt ". Néanmoins, le côté " prêt " du 'isqa est un peu plus qu'un prêt ordinaire, dans la mesure où la somme d'argent concernée n'est pas laissée à la libre disposition de " l'emprunteur ", mais doit être investie dans des affaires (Baba Metsi'a 104b, Choul'hane 'aroukh - Yoré Dé'a 177, 30). Quant au côté " dépôt " du 'isqa, il est un peu moins qu'un dépôt ordinaire, dans la mesure où le " dépositaire ", en l'occurrence le partenaire " actif ", a un droit irrévocable et absolu de l'employer dans des affaires jusqu'à expiration de la durée pour laquelle ce contrat a été passé.
Le résultat, c'est qu'il y a des cas où nous considérons le " prêt " comme s'il était un dépôt, et d'autres où nous considérons le " dépôt " comme s'il était un prêt.
Par exemple, le Choul'hane 'aroukh ('Hochèn michpat 67, 3) décide que la remise des dettes de l'année sabbatique opère sur la moitié d'un 'isqa, celle qui est définie comme une dette. Cela semble être le point de vue le plus logique. Si cependant nous examinons le commentaire du Ketsoth ha'Hochène sur ce paragraphe, nous apprenons que selon beaucoup de Richonim, l'année sabbatique ne libère rien du 'isqa - l'aspect " prêt " étant traité comme un dépôt puisqu'il est subordonné à l'utilisation du capital fourni dans les affaires.
Inversement, le Ridvaz (Beith Ridvaz Chevi'ith) décide que dans le cas d'un hétèr 'isqa - un 'isqa d'un genre particulier destiné à permettre une transaction où apparaît comme un intérêt - l'année sabbatique libère " tout " le 'isqa. Dans une telle situation, les droits du prêteur dans la moitié " dépôt " sont si faibles qu'il est traité comme s'il s'agissait d'un prêt pur et simple !
Dans les chapitres suivants, nous examinerons les divers problèmes hala'hiques que l'on peut rencontrer quand on investit dans des sociétés commerciales cotées en Bourse.
Nous garderons à l'esprit ce que nous venons d'apprendre à propos du 'isqa : le nom que l'on donne à une forme particulière de propriété ne résout pas toutes les questions d'ordre hala'hique qui peuvent se poser. Afin de pouvoir trancher dans ces problèmes, nous devrons procéder à un examen approfondi des lois sur l'interdiction des prêts à intérêt, de celles de Pessa'h, de celles de Chabbat, etc. et déterminer comment ces lois s'appliquent à la forme particulière de propriété connue sous le nom de " société cotée en Bourse ".
Le rabbin Asher MEIR a reçu un diplôme de Ph.D. en Economie au Massachusetts Institute of Technology, ainsi que l'ordination rabbinique en Israël après avoir étudié pendant douze ans dans des yechivoth. Il dirige le Jewish Business Response Forum, au JCT Center for Business Ethics, et il enseigne les sciences économiques au Jerusalem College of Technology.
Traduction et adaptation de Jacques KOHN