Le scenario est classique, bien que très angoissant : un papa et une maman, certains d’avoir fait le maximum pour assurer à leur enfant la meilleure éducation constatent peu à peu, souvent à l’adolescence, que l’enfant leur échappe complètement, qu’il se conduit comme si aucune des valeurs inculquées n’avait laissé de trace. Déception, amertume, culpabilité. Et puis le temps passe et quelques mois, quelques années après une « crise » douloureuse pour le jeune comme pour ses parents tout semble, de manière inattendue et ô combien réconfortante, s’apaiser. Le fils ou la fille, tout en cultivant son autonomie, semble de nouveau en phase avec les valeurs familiales.
Pour illustrer ce processus et redonner espoir à des parents parfois plongés dans le plus grand désarroi, évoquons un commentaire rabbinique relatif à la fête de ‘Hanouka en lien avec ces périodes d’ombres dans l’éducation et le devenir des enfants. Au préalable, rappelons qu’il existe de nombreux liens entre la fête des lumières et l’éducation : ‘Hanouka (littéralement : « inauguration ») est de la même étymologie que ‘hinoukh, « éducation ».
Il existe une règle relative à l’allumage rituel des bougies de ‘Hanouka : si la bougie s’éteint par accident avant que la demi-heure réglementaire ne se soit écoulée, il n’est pas nécessaire de la rallumer. Pourquoi ? Parce que c’est l’allumage qui compte, plus que le fait que la lumière perdure. Ceci à condition que l’allumage ait été effectué dans les meilleures conditions : suffisamment d’huile (ou de cire), une bougie placée à l’abri du vent etc.
Aussi surprenant que cela puisse donc paraître, les conditions de l’allumage comptent plus que son efficacité visible.
Pour la loi juive, si la bougie semble éteinte, elle est considérée comme allumée si tout a été fait pour qu’elle brille.
Rapportons cela à la vie d’un enfant devenant adulte : il y a des moments où, légitimement, ce dernier prend ses distances d’avec ses parents pour se construire. Mais même quand tout parait sombre, le fait qu’un certain modèle et qu’un solide système de valeurs ait été correctement transmis durant l’enfance fait que, forcément, l’enfant finira par y revenir.
A l’instar de la bougie éteinte qui, en réalité, est religieusement considérée comme allumée, le jeune qui s’éloigne de l’héritage parental finira par y revenir si tant est que l’éducation transmise durant son âge tendre ait été satisfaisante.
La fête de ‘Hanouka correspond chaque année à la période où on lit, dans les synagogues, le récit de la vie de Joseph. Voilà un autre exemple flagrant : devenu vice-roi d’Egypte, Joseph semble s’éloigner des valeurs ancestrales. Il s’assimile peu à peu à la culture égyptienne. Pire, il finit par se laisser séduire par la femme de Putiphar (la bougie est éteinte…) Mais avant de flancher, raconte le Midrash, l’image de son père lui revient en mémoire et Joseph retrouve la droiture morale de sa jeunesse (la bougie était en réalité allumée). Malgré quelques écarts « de jeunesse », Joseph ayant reçu une éducation de qualité, finit par redevenir lui-même.
D’où l’importance d’une éducation la plus épanouissante durant l’âge tendre, quitte à assouplir ensuite quelque peu les exigences parentales à l’égard de l’adolescent.
Un rabbin du siècle dernier avait coutume de dire à ce sujet : « Les gens se trompent en disant : petits enfants, petits soucis ; grands enfants, grands soucis. En réalité c’est le contraire : celui qui fait de l’éducation des plus petits un souci prioritaire n’aura plus de gros soucis une fois l’enfant devenu grand. La règle doit donc être : petits enfants, gros soucis = grands enfants, petits soucis ! »