LE DEROULEMENT
DU SEDER
Le déroulement
de la nuit de Pessa'h a été fixé dans la Michna comme suit :
« Après
la sanctification à l'aide de la première coupe, ils lui apportaient...
» des hors-d’œuvre semble-t-il et parmi eux des salades, ce qui semble indiquer
que l'on était attentif la nuit de Pessa'h à manger de la salade même avant
le repas.
Cette
partie du repas était identique à celle des repas habituels ; ensuite on apportait
le repas de Pessa'h : l'agneau pascal rôti avec des azymes et des herbes amères
an temps du Temple ou deux plats après la destruction du sanctuaire.
La
Michna poursuit ensuite : « On remplit la deuxième coupe et là le fils
questionne son père, et si le fils n'a pas l'intelligence (pour ce faire) son
père lui enseigne : en quoi cette soirée est elle différente... etc. ».
Le texte de la Michna suggère qu'il ne s'agit là que de
la simple description d'usages de Pessa'h déjà établis et les questions du fils
nous sont décrites comme une chose bien connue sur laquelle personne ne discute.
Il semble donc que l'on voulait depuis longtemps amener le fils à poser des
questions afin d'accomplir « Et ce sera lorsque ton fils te demandera demain... ». Dans le cas où le fils serait
assez intelligent et demande de lui-même, il est évident, que le père a toute
latitude de lui répondre selon les questions et de commencer immédiatement le
récit de la sortie d'Egypte. Si l'enfant n'a pas cette possibilité, la Michna
propose au père le texte des questions à l'aide desquelles il va enseigner à
son fils. Il lui dira en substance :
«
Viens et vois en quoi cette soirée diffère des autres soirées,; les
autres soirées nous suivons nos usages habituels, cette soirée-ci nous agissons
différemment ». Il est certain que c'est ainsi que l'on expliquait le déroulement
du Séder en dehors des trois sentences « Pessa'h, Matsah, Maror ».
QUESTION
DU PERE OU QUESTION DE L’ENFANT ?
Dans toutes ces sources il n'est jamais fait mention de l'usage de faire poser les questions par le fils
Le Talmud nous raconte que Raba, répondant à une question très
intelligente de Abbayé encore enfant, lui a dit « Tu les a dispensés de dire Ma Nichtanah... » (Pessahim 115 b). De là il est donc prouvé que si l'enfant ne demande rien par lui-même,
c'est le père, alors, qui dit Ma Nichtanah. Il semble qu'à l'époque des Géonim il en ait été de même, comme le prouve
une responsa gaonique qui indique en toutes
lettres « Et celui
oui vient de faire Kiddouch (le maître de maison) celui-là dit Ma Nichtanah ! »
Cet usage a subsisté pendant de longues générations comme le prouvent les
écrits des élèves de Rachi et ceux de Maimonide ; de plus, dans toutes ces sources
il n'est jamais fait mention de l'usage de faire poser les questions par le
fils.
Les voies qui ont conduit à expliquer la Michna différemment
et à faire ainsi dire le Ma Nichtanah au fils ne sont pas encore éclaircies; de même que l'on ignore l'époque
exacte où débuta cet usage. L'origine de l'erreur semble être une interprétation
défectueuse d'un passage du Talmud (Pessa'him 116a). « Si son
fils est un sage - c'est lui qui demandera, s'il n'est pas un sage - c'est sa
femme qui questionnera et sinon - c'est lui-même qui questionnera ; et même
deux savants qui connaissent les lois de Pessa'h, ils se questionneront l'un
l'autre ». Après cette sentence vient
le texte de la Michna qui cite « Ma Nichtanah » et c'est par erreur que ce dernier a été accolé au précédent donnant
ainsi cette version erronée : « ils se questionneront l'un à l'autre Ma Nichtanah » (en une seule phrase). De là
l'usage que nous connaissons.
MA NICHTANAH
La durée de la rédaction de ce texte fut longue et subit des modifications avant d’être figé tel que nous le connaissons aujourd’hui
Le texte du « Ma Nichtanah » a été modifié plusieurs fois et celui en usage actuellement, ne fut établi
qu'après la clôture du Talmud. Voici le texte tel qu'il est enseigné dans la
Michna :
.En
quoi cette soirée diffère-t-elle des autres soirées ?
1) car toutes les soirées nous
trempons une fois et cette soirée-ci deux fois
2) toutes les soirées nous mangeons 'Hamets et Matsah, cette soirée-ci uniquement de
la Matsah
3) Toutes
les soirées nous mangeons de la viande grillée, réduite ou bouillie, cette
soirée-ci seulement grillée.
La première question est fondée sur un usage ancien : pendant toute l'année on mangeait de la laitue trempée en même temps
que du hors d’œuvre avant et non pas pendant le repas, et voici qu'aujourd'hui
on trempe même au milieu du repas afin d'accomplir le précepte de Marror (herbes
amères).
La deuxième question est motivée par un changement flagrant
: il n'y a que de la Matsah au cours de tout le repas.
La troisième question était due au fait qu'à l'époque
du Temple le sacrifice pascal et celui des fêtes de pèlerinage étaient mangés
exclusivement grillés !
Les commentateurs de la Michna pensent que la troisième
phrase remonte à l'époque du Temple, mais il semble plus vraisemblable qu'elle
lui est postérieure et que le texte est fondé sur l'usage que l'on avait, avec
l'assentiment des sages, de manger de la viande grillée (sauf de l'agneau bien
sur) en souvenir du sacrifice pascal. Ce dernier usage a subsisté en Israël
et dans les pays limitrophes, ainsi que la question sur la viande grillée s'y
rapportant ; il s'est par contre perdu dans les autres pays.
La troisième question a subi également des modifications
avec le temps. Les usages des repas s'étant transformés en Israël et l'on n'apportait
plus les salades avant le repas mais au cours de celui-ci (Yerouchalmi Pessa'him) ; en Babylonie on ne trempait
pas du tout et c'est pourquoi le texte comporte aujourd'hui : « les autres nuits nous ne trempons
même pas une fois. cette nuit ci-deux fois ».
En
plus de la question sur les herbes amères (qui n'est pas citée par la Michna)
une autre question fut également ajoutée et dont on est sûr qu'elle est post
talmudique car elle ne se trouve ni dans le Talmud ni dans aucune des sources
habituelles y compris les plus anciennes. En voici le texte : « Toutes
les nuits nous mangeons soit assis, soit accoudés, cette nuit-ci nous mangeons
tous accoudés ». Le fait d'être accoudé en soi-même, n'était
pas suffisant pour provoquer l'étonnement des enfants car c'était une chose
habituelle. Lorsque le style de vie eut changé, « l'accoudement » devint alors motif de la question.
Nous
voyons donc que la durée de rédaction de ce texte fut longue; la question sur
la viande grillée est supprimée dans la plupart des textes, la question sur
le trempage fut au moins rédigée deux fois et aux deux autres questions furent
ajoutées encore deux supplémentaires celle du Marror et celle de « l'accoudement»
et ce, à une époque rapprochée.
L'ordre des questions a subi également de nombreuses modifications
et, jusqu'à ce jour les usages différent encore à ce sujet.