LA PREFACE EN ARAMEEN
Le texte du " Ha La'hma Ania " est en araméen car c'était là la langue du peuple.
" Le texte du "
Ha La'hma Ania " est en araméen car c'était là la
langue du peuple "
Après le Kiddouch et la consommation du Karpass (céleri, oignon
ou persil trempé dans l'eau salée) le récit de la Haggadah
proprement dite débute par un texte écrit en araméen. C'était
là, la langue répandue parmi le peuple et dont l'usage s'était
étendu depuis l'époque hasmonéenne approximativement (d'après
Zunz). C'est pour cette raison qu'il fut nécessaire. C'est parce que
les gens du peuple, les femmes et les enfants ne connaissaient pas l'hébreu
que l'on dut introduire ce passage en araméen. D'après Zunz, ce
passage est très ancien et sa rédaction est, dans le temps, très
proche de celle des passages de la Haggadah qui sont cités dans la Michna.
Cependant, sa forme actuelle ne lui fut donnée qu'après la destruction
du Temple; certains pensent même qu'il fut écrit au temps du 2e
Temple, mais cette opinion semble peu vraisemblable.
Le texte actuel comprend
3 parties :
1. Ceci est le pain de misère
qu'ont mangé nos pères en terre d'Egypte.
2. Que tout celui qui a faim vienne et mange et que tout celui qui est dans
le besoin vienne et fasse Pessa'h !
3. Maintenant ici, l'année prochaine en terre d'Israël ; maintenant
esclaves, l'an prochain libres.
PLUSIEURS
VERSIONS
Il apparaît que ces trois sentences ne furent pas écrites ensemble car elles n'ont point de lien entre elles.
Certains textes, dont celui
de Maimonide, sont précédés par la phrase: " En hâte
nous sommes sortis d'Egypte ". Toutes les copies de la Haggadah ne comportent
pas cette version, mais ce n'est que dans les plus anciennes que le texte manque
en partie ou en totalité.
La version de Rabbi Saadia Gaon ( XIXème siècle, Babylonie) commence
par le paragraphe 3, suivi du numéro 2, sans mention du premier et tel
est le cas de nombreux fragments découverts dans les " Guenizoth
" (lieux où l'on conserve les livres saints usagers pour ne pas
contrevenir à l'interdiction de détruire le nom de D.ieu) tandis
que certains autres comportent des variantes dans les versions ou dans l'ordre
des 3 paragraphes.
II apparaît donc que
:
Ce texte n'a pas
été connu partout et toujours dans les pays qui en ont eu connaissance, le texte et les phrases n'ont
pas été appris ensemble lors de leur introduction dans la Haggadah, l'ordre et la version des
phrases n'ont pas été immédiatement ceux que nous connaissons.
D'autre part, il apparaît
également que ces trois sentences ne furent pas écrites ensemble
car elles n'ont point de lien entre elles.
La première, qui
n'était pas connue partout, semble être une sorte d'enseignement
ou de réponse aux questions de l'enfant à moins qu'elle n'ait
été introduite par application de la sentence de Chemouel : "
Le'hem 'oni, le'hem ché'onim alav devarim ". Jeu de mots impossible
à traduire littéralement mais qui peut se rendre ainsi : Pain
(de pauvreté) à propos duquel on se répand en explications
(Pessa'him 115 b) .
La deuxième phrase
est une invitation au pauvre à s'associer au repas du soir : elle paraphrase
une sentence habituelle de Rabbi 'Houna avant chaque repas : " Que tout
celui qui a besoin vienne et mange " (Taanit 20 b). Philologiquement elle
s'accorde donc bien à l'époque talmudique. Rabbi Matitiahou Gaon
fait également dépendre cette phrase d'une tradition très
ancienne, mais qui apparaît néanmoins largement postérieure
à la destruction du Temple.
Le contenu de la troisième
phrase est par lui-même une preuve que celle-ci fut écrite en exil
: " Maintenant ici, l'an prochain en terre d'Israël ; maintenant esclaves,
l'an prochain hommes libres ".
MAINTENANT
ESCLAVES, L'AN PROCHAIN HOMMES LIBRES
Cependant le motif de la première délivrance ayant disparu avec le Temple, il ne restait plus au peuple d'Israël, que l'espoir en la délivrance finale attendue au mois de Nissan.
Là réside,
en ce qui concerne la Haggadah; la différence entre l'époque où
les israélites étaient " hommes libres " et celle qui
suivit la destruction du Temple ; à l'époque du Temple toute la
Haggadah était fondée sur le récit de la sortie d'Egypte
et sur le don de la Terre d'Israël, sur le changement d'état d'esclave
à celui d'homme libre ; à une époque reculée on
y ajouta également la sentence de " car l'Eternel nous a éloignés
de l'idolâtrie et nous a approché de son Service " c'est-à-dire
le service du Temple.
Cependant le motif de la
première délivrance ayant disparu avec le Temple, il ne restait
plus au peuple d'Israël, que l'espoir en la délivrance finale attendue
au mois de Nissan : " C'est en Nissan qu'ils seront sauvés car c'est
en Nissan qu'ils furent délivrés " ( Talmud Roch Hachana
11a).
Il y a donc lieu de commencer la Haggadah par une supplication pour le salut
et par ailleurs, jusqu'aujourd'hui, c'est avec le souhait de " l'an prochain
à Jérusalem " que se termine la Haggadah.
Le texte mentionné
plus haut " En hâte nous sommes sortis d'Egypte " et que nous
retrouvons au début de plusieurs fragments de la Haggadah, semble être
comme une sorte d'enseignement destiné aux enfants ou une préface
à l'explication des lois concernant l'agneau pascal : dans ce cas il
serait en rapport avec le verset : " Tu ne mangeras pas sur lui (l'agneau
pascal) de chose levée... car c'est en hâte (Targoum Onkelos :
Bibehilout, comme dans la Haggadah) que tu es sorti d'Egypte ".
Nous ne nous trouvons donc
pas devant un texte homogène, mais devant la juxtaposition de trois sujets
dont l'origine se trouve dans les traditions du peuple et non pas parmi les
sentences des Sages. Ces usages datent de l'époque talmudique ou peut-être
de l'époque qui l'a immédiatement suivie.
Traduction et Adaptation
de Claude LEMMEL