«Béni
soit Dieu, présent partout, béni soit-Il, béni soit Celui qui a donné la Torah
à son peuple Israël, béni soit-il à propos des quatre enfants. » (Haggadah de Pessa’h).
Quel
est le lien entre la bénédiction de Dieu qui nous a donné la Torah et les quatre
enfants ? Le style de la loi divine est si parfait que quelle que soit l'intelligence
de celui qui l'étudie, il y trouve sa nourriture spirituelle. Comme s'exprime
Rachi : « les mots de la Torah sont comparables à un marteau qui fait
éclater les rochers, ils permettent de nombreuses explications. » (Genèse.
XXIII 20)
Ce
qui est vrai de la Torah toute entière est vrai pour chacune des Mitsvoth (commandements
divins).
Ainsi
en est-il de l'épikoman (ou Afikoman), ce morceau de Matsa (pain
azyme) mangé à la fin du repas, le soir du Sédère.
UN
DESSERT BIEN SYMBOLIQUE
« Cette coutume est destinée, comme le persil (carpass) et l'ablution
des mains à attirer l'attention de l'enfant. »
Le
mot épikoman est très probablement d'origine grecque et désigne la fin
du repas caractérisée par des chants et des danses.
La
mitsvah est indiquée dans une Michna : « On
ne termine pas le repas pascal par un épikoman» .
Quelle
que soit l'interprétation du Talmud du mot épikoman, la prescription
de la Michna est claire : obligation de finir le repas de la soirée de Pessa'h
par l'agneau pascal et défense de le faire suivre de tout autre aliment dans
la même maison ou à une autre table.
Depuis
la destruction du Temple, le repas de la soirée de Pessa'h se termine par un
morceau de la Matsa moyenne du plat du sédère, morceau mis de côté dès le début
du Sédère. Ce bout de Matsa a reçu le nom d'épikoman. Les exégètes discutent
pour savoir si cet épikoman est mangé en souvenir de l'agneau pascal
dont le sacrifice a forcément cessé depuis la destruction du Temple, ou s'il
est mangé en souvenir de la Matsa qui accompagnait l'agneau. Pour tenir compte
des deux opinions, il est bon de manger un bout d'épikoman de la grandeur
d'au moins deux olives.
L'épikoman est mis de côté dès le début de la
lecture de la Haggadah. On commence la cérémonie, en effet, en brisant la Matsa
du milieu et en la mettant de côté (ya'hats). Cette coutume est destinée,
comme le persil (carpass) et l'ablution des mains à attirer l'attention
de l'enfant. Elle frappe d'autant plus que certains ont l'habitude, après avoir
enveloppé dans une serviette cette moitié de Matsa réservée pour l'épikoman,
de charger ce léger fardeau sur l'épaule, et de faire quelques pas en disant :
« Ainsi sont sortis les enfants d'Israël de l'Egypte ! ».
Cette
Matsa est enveloppée dans une serviette, allusion au verset « Et le peuple
emporta sa pâte non encore levée, leurs sibylles sur leurs épaules, enveloppées
dans leurs manteaux». (Exode XII 34)
De même, le fait de partager une Matsa au début du Sédére,
est un symbole. On partage le pain avec le pauvre et ce geste introduit tout
naturellement l'invitation qui va suivre : « Quiconque a faim, qu'il
vienne et qu'il mange, quiconque est dans le besoin, qu'il vienne fêter Pessa'
h avec nous ! »
Mais
ce n'est pas la seule raison. Le Chabbat, on fait la bénédiction sur deux pains
entiers. A Pessa'h, au contraire, le pain ne doit pas être entier, car la Matsa
est appelée pain de misère, pain du pauvre, lequel se contente d'un morceau
de pain (Talmud, Brakhot, Pessakhim). En brisant la Matsa du
milieu, il reste sur le plat du Sédère deux pains azymes entiers, comme pour
Chabbat et un morceau spécial à Pessa'h.
TROIS
MATSOT OU TROIS FACONS DE MANGER
II
est intéressant de rappeler ici l'interprétation des trois Matsot du plat de
Sédère de Rabbi Ephraïm de Lunz. On peut manger pour entretenir simplement le
corps, on peut manger pour l'entretien du corps tout en pensant aux besoins
spirituels, comme c'est le cas à une Seoudat Mitsvah (repas accompagnant l’accomplissement
d’une Mitsvah ; c’est le cas pour un repas suivant une circoncision ou
célébrant un mariage). On peut enfin manger d'une façon abusive et dans une
atmosphère de débauche; cette dernière façon est sans profit et pour le corps
et pour l'âme.
La première
Matsa sur laquelle sera faite « birkat hamotsi» (la bénédiction
sur le pain) est symbole de la première façon de se nourrir. La deuxième Matsa
sur laquelle on dira « Birkat hamatsa » (bénédiction spéciale
pour le pain azyme) avec laquelle on accomplit vraiment l'obligation de manger
de la Matsa le soir de Pessah est le symbole de la deuxième façon de se nourrir ;
la troisième façon est symbolisée par la dernière Matsa mangée sans bénédiction
mais avec des herbes amères.
LA
REPONSE A L’ENFANT SAGE
« Le
père enseigne à son fils que D.ieu nous a délivrés de l'esclavage d'Egypte pour
devenir ses serviteurs, et qu'il faut considérer toutes ses lois comme des statuts »
Nous avons vu que l'origine de l'épikoman est
la Mishna. « On ne termine pas le repas pascal par un épikoman ».
Cette
Michnah sert dans la Haggadah de réponse à la question de l'enfant intelligent.
Le
fils demande le sens de l'ensemble de la loi écrite, le père répond par une
loi de la tradition orale et enseigne ainsi à son enfant la nécessité de compléter
l'étude de la loi écrite par celle de la loi orale.
Le sage
veut connaître la valeur et le but de toutes les lois; le père lui répond :
« C'est la sobriété, la simplicité, la dignité qui conduisent à une vie sainte.
Notre repas de fête ne se termine pas, comme chez les païens, par la débauche. » (Jas.
Bloch)
La
loi sur l'épikoman est généralement considérée comme un statut ('hok),
c'est à dire comme une loi dont le sens nous échappe.
Le
père enseigne à son fils que D.ieu nous a délivrés de l'esclavage d'Egypte pour
devenir ses serviteurs, et qu'il faut considérer toutes ses lois comme des statuts.
La vraie raison de notre obéissance à la Torah est le fait qu'elle représente
la volonté Divine, non le fait que nous lui trouvions tel ou tel sens conforme
à notre intelligence.
L'épikoman s'appelle aussi Tsafoun, (caché)
parce qu'on le cache sous un coussin. Cette coutume montre l'importance donnée
à l'enfant le soir au Sédère. Il a le droit de parler avant les grandes personnes
et c'est lui qui introduit le récit de la sortie d'Egypte par ses quatre questions.
POURQUOI ?
1
- Pourquoi imprime-t‑on chaque année de nouvelles Haggadah ?
On espère que le Racha (le méchant enfant) de
l'année dernière s'est amélioré entre-temps, est devenu un ‘Ha’ham
(enfant sage). Il faut donc le remplacer chaque année par un autre.
2 - Pourquoi les 4 enfants se trouvent dans l’ordre suivant: le
sage, le méchant, le naïf et celui qui ne sait questionner ? Ne faudrait‑il
pas mettre le méchant à la fin pour que l'ordre soit décroissant ?
En vérité il le faudrait. Mais le méchant est tellement
mauvais qu'il se met entre le sage et les deux autres pour empêcher que le
sage les instruise et les éduque.
3 - Pourquoi à propos de la question du sage,
la Torah dit : « S'il t'interroge demain, réponds-lui ainsi » ?
C'est que le véritable sage sait que nous ne pouvons
tout comprendre et que l'Eternel ne nous a pas donnés de connaître toujours
les raisons profondes de sa volonté. Aussi commence t -il par obéir. Il questionnera
demain seulement.
4 - Pourquoi enlève-t-on une goutte de vin de
son verre à l'énoncé de chacune des dix Plaies ?
Afin que notre allégresse, ce soir là, ne soit pas tout
à fait complète. Notre libération ne fut-elle pas accompagnée de la mort
d'un grand nombre d'Égyptiens, enfants de D.ieu comme nous-même ? Quand ton
ennemi tombe, ne jubile pas ! Belle leçon, en vérité !
5
- Pourquoi mange-t‑on un morceau de Matsa à la fin du repas du Sédère
?
Ce morceau de Matsa remplace l'agneau pascal que l'on
consommait obligatoirement à ce moment et par lequel on terminait le repas
le soir de Pessa'h.
6
- Pourquoi récite-t-on la moitié du Hallel avant le repas et l'autre moitié
après le repas ?
Les psaumes du Hallel que l'on récite dans la 1ère partie
de la Hagadah qui précède le repas parlent de la sortie d'Égypte. Ils ont
donc leur place au milieu du récit de cette libération. Ceux que l'on récite
après le repas se rapportent, par contre, à l'avenir du peuple juif et de
l'humanité et correspondent naturellement à cette 2ème partie du Sédère qui
souhaite l'avènement de l'ère où « l'âme de tout être vivant exprimera
les louanges du Saint béni soit-il»
7
- Pourquoi mange-t-on un oeuf dur au cours du Sédère ?
L’œuf a une nature différente des autres aliments :
en général, plus on cuit un aliment, plus il ramollit. L’œuf, au contraire,
durcit en cuisant
II
est ainsi le symbole du peuple d'Israël qui, sous le feu de l'oppression, devient
de plus en plus résistant.
Une
explication analogue est donnée à l'apparition de l'Éternel à Moïse dans un
buisson ardent. Ce prophète craignait que l'oppression égyptienne n'arrivât
à bout d'Israël. En lui apparaissant dans un buisson qui ne se consumait pas,
l'Éternel voulait lui faire comprendre que les Égyptiens n'arriveront pas à
anéantir Israël, pas plus que le feu, si D.ieu le veut ainsi, n'arrive à consumer
le buisson.