Au cours de la guerre au
Liban l’été dernier, je marchais
dans les rues de mon quartier de Jérusalem lorsque je tombai sur une
amie dont la fille de 20 ans avait été tuée dans un attentat
terroriste. Ce matin-là, les nouvelles avaient fait état de la
mort de quatre nouveaux soldats israéliens. En apercevant mon amie,
je palis. « J’espère qu’aucun de tes fils n’est
au Liban ! » m’exclamai-je. Sa famille, qui avait fait l’alyah
d’Afrique du Sud, avait certainement payé plus que sa part le
droit des Juifs à vivre en Israël.
Mon amie fronça les sourcils. « Et bien, Tsvi a presque fini son
service, mais mon deuxième fils vient de le commencer. Il veut rejoindre
une unité de combat. Tu sais, la loi dit que lorsqu’une famille
a perdu un enfant, les autres enfants ne peuvent pas rejoindre une unité de
combat à moins que les deux parents donnent leur accord signé.
- Tu ne vas pas signer, j’espère ! m’écriai-je.
Elle secoua la tête.
- Je ne voulais vraiment pas signer. Mais ces enfants sont élevés
avec l’idéal de combattre pour la défense d’Israël.
Si je ne le laisse pas réaliser ses idéaux, il m’en voudra
pour le reste de sa vie.
- Et bien, qu’il t’en veuille ! implorai-je, en me souvenant à quel
point cette famille avait été totalement brisée par sa
terrible perte.
Elle secoua à nouveau la tête résolument et des larmes
lui montèrent aux yeux.
- J’ai signé ce matin. »
L’ACCOMPLISSEMENT PERSONNEL FACE A L’ABNEGATION
On a beaucoup écrit sur le « Post Sionisme », le rejet de
nombreux Israéliens, émanant des milieux universitaires et des
couches supérieures de la société, de l’idéal
de création d’un État juif sur la Terre d’Israël.
Selon les dernières statistiques de l’année 2006, environ
25% des jeunes Israéliens laïques, aptes à servir dans la
Force de Défense d’Israël (Tsahal) évitent de faire
leur service militaire. La rock star Aviv Geffen, une idole de la musique pop
israélienne de la dernière décennie, non seulement refusa
de faire son devoir militaire, mais incita les jeunes à quitter le pays
plutôt que de servir dans l’armée.
On écrit bien moins sur ceux qui, comme le fils de mon amie, considèrent
le fait de servir le peuple juif sur la Terre d’Israël comme un
idéal sacré. Bien que les Juifs religieux constituent une minorité en
Israël, ils sont devenus la majorité dans les unités d’élite
de Tsahal et de plus en plus d’officiers sortent de leurs rangs.
A premier abord, ce qui oppose les post-sionistes aux Israéliens religieux
est une question de politique et d’idéologie : gauche contre droite,
universalisme contre nationalisme. En vérité, leur différence
la plus marquée réside dans la valeur qu’ils accordent
aux deux notions contraires d’accomplissement personnel et de sacrifice
personnel en faveur de la collectivité. L’idéal juif de
messirat néfech signifie renoncer à ce qui vous est cher. La
messirat néfech est un continuum allant du simple dévouement
(comme consacrer du temps à une cause qui en vaut la peine) à l’abnégation
totale (telle que donner sa vie).
Une illustration éblouissante de ce concept nous est fournie par l’exemple
du commandant Ro'i Klein. La section qu’il commandait se trouvait à l’intérieur
d’un bâtiment au Liban l’été dernier lorsqu’un
terroriste du Hezbollah lança une grenade à travers la fenêtre.
Ro'i savait qu’il n’y avait qu’une seule manière de
sauver ses hommes : Il se jeta sur la grenade, en criant « Chéma
Israël » afin que son propre corps absorbe la puissance de l’explosion,
sauvant ainsi tous ceux qui se trouvaient dans la pièce.
L’opposé de la
messirat nefech, c’est la culture occidentale
du « Moi d’abord » qui a pénétré les
discothèques de Tel Aviv, mais pas l’armée d’Israël.
Durant la guerre de l’été dernier, plus de réservistes
se sont présentés pour se battre qu’on en a appelé.
Ils ne sont pas tous revenus.
LES CINQ DERNIERES SECONDES
Parmi les réservistes tués au Liban figurait le lieutenant-colonel
Emmanuel Moreno, âgé de 35 ans. Emmanuel et son unité furent
envoyés au Liban pour arrêter les convois d’armes à l’intention
du Hezbollah en provenance de Syrie et d’Iran.
Pendant la période des Chiva (les 7 jours de deuil), la femme et les
enfants d’Emmanuel reçurent la visite d’un officier non
religieux de Tsahal qui leur rapporta une conversation qu’il avait eue
avec Emmanuel juste avant de monter dans l’hélicoptère
qui les emmena dans la zone de combat.
Les deux officiers étaient assis et discutaient de toutes les éventualités
possibles qui pouvaient survenir durant la bataille imminente et de la manière
dont ils y répondraient. Deux semaines auparavant, un missile Hezbollah
avait touché un hélicoptère de Tsahal et tué les
cinq soldats qui s’y trouvaient. L’officier rapporta la conversation
:
Emmanuel me demanda : « Que ferais-tu si, D.ieu préserve, notre
hélicoptère est atteint par un missile et qu’il ne te reste
que cinq secondes à vivre avant qu’il n’explose ? »
Je lui répondis : « Je ne sais pas. Je suppose que je serais très
triste et terrorisé. Je fermerais les yeux et attendrais que tout se
termine le plus vite possible et avec le minimum de douleur. »
Emmanuel réfléchit un instant puis me dit : « Ce que je
ferais, moi, et c’est également ce que tu devrais faire, c’est
dire le Chéma Israël. »
Je le regardai et lui dis : « OK, dire le Chéma Israël, mais
quel bien cela te ferait-il ? De toute façon, un instant plus tard,
l’hélicoptère exploserait et nous serions tous morts. »
Puis, il affirma quelque chose qui est resté en moi jusqu’à présent
et qui le restera, j’en suis sûr, toute ma vie durant : « S’il
reste cinq secondes à vivre à une personne, qu’elle est
convaincue qu’il y a toujours un but à son existence et qu’elle
est dirigée dans le Monde Futur par des conséquences éternelles,
cela veut dire que sa vie a un sens. Mais s’il ne reste que cinq secondes à vivre à une
personne et qu’elle ne comprend pas l’importance de ces cinq dernières
secondes, cela voudra dire que sa vie entière n’a pas de sens,
parce que nous ne vivons pas que pour satisfaire nos désirs matériels
ou pour juste avoir du bon temps. En réalité, la vie n’est
qu’une étape en direction de la suivante. »
Comme Rav Noah Weinberg le dit : « S’il n’y a rien pour lequel
vous êtes prêts à mourir, il n’y a donc rien pour
lequel vous êtes prêts à vivre. »
UN EMISSAIRE DIVIN
Dans son nouveau livre, Am Israël ‘Haï [en Hébreu, publié par
Todah Tzahal], le commandant de réserve Moché Kenan raconte une
histoire qui nous donne un aperçu sur les coulisses de l’armée
juive durant la guerre de l’été dernier.
Vers la fin de la guerre, au cours d’une bataille particulièrement
féroce, à trois kilomètres après la frontière
libanaise, quatre soldats israéliens furent tués et plus de 30
blessés. Le commandant Moché Kenan dirigeait l’équipe
de sauveteurs parachutistes qui ramenèrent les morts et les blessés
ainsi qu’une partie du matériel en Israël. Une fois l’opération
terminée, ils réalisèrent qu’ils avaient laissé derrière
eux le corps d’un soldat décédé.
C’était un dimanche. Ils avaient été avertis qu’un
cessez-le-feu avec le Hezbollah entrerait en vigueur le lundi matin à 8
h. Il leur restait à peine 18 heures pour retourner dans la zone de
conflit pour tenter de retrouver le corps de leur camarade, ainsi que la quantité considérable
d’armes et de munitions qu’ils avaient laissée. Comme l’écrit
Moché :
Dans la section, les opinions divergeaient. Certains des officiers soutenaient
qu’il n’y avait aucune raison de revenir sur nos pas. Le Hezbollah
n’attendait que le retour de l’équipe de sauvetage pour
lui tirer dessus. Cela ne valait pas la peine de mettre en péril la
vie des autres soldats pour récupérer du matériel et le
corps d’un soldat mort.
Cependant, la majorité était favorable à l’idée
de retourner dans la zone de conflit, quel qu’en soit le prix, afin que
le corps ne soit pas capturé et que le matériel ne tombe pas
entre les mains du Hezbollah.
Dans la soirée, la décision était prise : Nous allions
y retourner.
Chlomi, l’assistant du commandant de la section, était sceptique
quant au succès de cette opération, mais Moché effectua
les préparatifs à toute allure. Il réquisitionna et reçut
un équipement spécial de vision nocturne, des soldats du génie
entraînés au déminage et un chien de chasse qui leur permettrait,
grâce à son flair, de retrouver facilement et rapidement le corps,
puisqu’ils seraient à portée de tir du Hezbollah durant
toute la mission.
Tard dans la nuit, juste avant de se mettre en route, Moché réunit
ses soldats pour leur donner les dernières instructions. Il expliqua
le but de cette opération consistant à aller chercher la dépouille
du soldat mort afin de pouvoir l’enterrer dignement selon la Loi juive. « Il
ne fut pas nécessaire de parler de l’importance de l’opération,
se souvient Moché. Je pouvais voir dans les yeux de ces vrais soldats
l’étincelle de la foi. »
Il conclut son exposé en disant : « Nous allons entrer dans la
zone de conflit pour donner à notre camarade un enterrement juif. Son âme
pure et éternelle voit et connaît votre
messirat nefech (sacrifice).
Nous, le peuple d’Israël, n’avons pas peur du Hezbollah. Ils
sont exactement comme Amalek, qui combattit les Hébreux après
la Sortie d’Egypte… »
Moché poursuivit en racontant comment Moïse avait mené l’armée
des Hébreux à la victoire. Il se tint sur une colline dans le
champ de bataille et, lorsqu’il levait les mains vers le ciel, Israël
l’emportait, mais lorsqu’il laissait tomber ses mains, c’est
l’ennemi qui dominait le combat.
Un soldat sceptique de la section demanda comment les mains de Moïse pouvaient
déterminer l’issue de la bataille. Moché répondit
que Moïse avait attiré l’attention des soldats en leur disant
: « Levez les yeux vers D.ieu ! La bataille physique est importante,
mais afin d’emporter la victoire, il nous faut soumettre notre cœur à notre
Père Qui est au Ciel. Lorsque le peuple d’Israël lève
les yeux et soumet son cœur à D.ieu, il gagne. Avec l’aide
de D.ieu, nous irons et nous gagnerons. »
Au moment où ils entamaient leur sortie, on leur signala que la présence
du Hezbollah avait été identifiée dans la zone précise
où ils se rendaient et, par conséquent, ils ne pouvaient prendre
le chien avec eux. Un simple aboiement révélerait leur emplacement.
Au passage de la frontière, Moché bénit ses soldats avec
la bénédiction sacerdotale qui se trouve dans la Torah.
Je ne suis pas Cohen, mais je ressentis un amour si fort pour ces soldats.
J’eus vraiment l’impression que c’était comme si je
bénissais mes fils le soir du Chabat.
Je n’ai pas pensé à ma famille. Il est interdit lorsque
l’on est en guerre de penser à sa famille. À mes yeux,
les soldats étaient mes enfants...
Puis, je pris une minute pour lever mes yeux vers le Ciel et prier du plus
profond de mon cœur : « Maître de l’Univers, s’il
Te plaît, montre à tous les soldats de la section que Tu nous
aimes. Merci. »
À
peine entré sur le territoire libanais, Moché aperçut
du coin de l’œil, quelque chose qui courait pour croiser son chemin.
C’était un petit chat gris. Il resta à roder à proximité des
bottes de Moché, en dépit des tentatives du soldat de le chasser.
Tandis que la section s’enfonçait plus profondément dans
le Liban, le chat persista à les accompagner.
Après une avancée d’une heure, leur éclaireur remarqua
deux silhouettes sombres à l’est. La section se jeta à terre
et pointa ses armes en direction des terroristes. Moché était
sur le point d’ouvrir le feu lorsque le chat sauta près de lui
et l’effleura de sa queue. Très surpris, Moché en perdit
sa concentration. Le temps de se reprendre, un instant plus tard et de se préparer à nouveau à tirer,
les deux silhouettes sombres purent être identifiées comme des
soldats israéliens.
Le chat les accompagna le long des trois kilomètres qui les séparaient
de leur destination, la colline où la dépouille du soldat gisait
quelque part dans l’obscurité. Les tirs du Hezbollah pleuvaient
sur toute la région. « Nous avons reconnu l’odeur de la
guerre sur la colline et de là où nous nous trouvions, nous avons
aperçu les missiles que nous y avions laissés et que la rosée
faisait briller sous les rayons de lune. »
Chlomi, l’assistant du commandant de la section, envoya une équipe
chercher le matériel. Puis il ordonna à l’équipe
de sauvetage de Moché de monter rapidement la colline pour retrouver
le corps. Juste à ce moment-là, un missile Hezbollah atterrit à proximité de
la colline. De manière exemplaire, l’équipe de Moché forma
une ligne horizontale et, avançant pas à pas, se mit à passer
la région au peigne fin.
À
un moment donné, le soldat qui se trouvait sur la droite de la ligne,
s’écria : « Regardez ! » Ils s’arrêtèrent
et virent que le chat se tenait près d’un casque israélien.
Moché chuchota : « Apparemment, c’est exactement là où il
est tombé. »Ils commencèrent à fouiller la surface
du sol avec leurs mains, mais ils ne trouvèrent que des grenades et
des obus à balles, restés là après la bataille.
Puis, Moché remarqua le chat.
«
Soudain, à une distance de trois mètres, nous avons vu le chat
essayer de traîner quelque chose. Nous nous sommes approchés et
nous avons vu que le chat se tenait sur le soldat que nous étions en
train de rechercher. »
Ils ramenèrent le corps au pied de la colline et se dirigèrent
vers le sud. Au cours de leur retraite, Moché transmit par radio à son
unité le message suivant : « Il y a un petit chat avec nous qui
nous a aidé à trouver exactement ce que nous recherchions. Ne
le chassez pas. » Mais lorsque Moché lança un regard derrière
lui, le chat avait disparu.
Sur le chemin du retour vers la frontière, l’un des officiers
s’écroula près de Moché et lui murmura : « Tu
as vu ? L’armée n’a pas pu nous aider avec un chien de chasse,
alors D.ieu nous a envoyé un chat de chasse. »
Heureuse est l’armée d’Israël, dont la
messirat
nefech attire les miracles de D.ieu.
Traduction et Adaptation
de Ra'hel KATZ