L’être humain, créature aux capacités physiques
limitées, a obtenu ses lettres de noblesse et sa primauté grâce à la
puissance de son intellect.
L’intelligence humaine peut dans une certaine
mesure dompter les forces de la nature. Elle est dotée de la faculté de
définir les valeurs régissant la vie du genre humain dans le
monde. Enfin, elle est à même d’avoir une idée
du divin.
L’étude qui suit tentera de déterminer, à travers
l’étude des textes, quel est le regard de la Torah sur l’intellect
humain.
Les capacités intellectuelles humaines qui trouvent leur point d’orgue
dans la possibilité qu’elles offrent de déterminer les
valeurs régissant la vie humaine dans le monde, en permettant de porter
sur toutes les facettes de l’existence un jugement original, personnel
et libre, sont-elles mises à l’honneur dans la Torah ou au contraires,
sont elles déconsidérées, rejetées et jugées
comme subversives et dangereuses.
L’histoire de l’humanité a montré que de nombreux
gouvernants, tant politiques que spirituels, ont souvent cherché à annihiler
toute capacité de discernement des gouvernés. Leur intention
n’était pas uniquement machiavélique, souvent ils portèrent
le concept de non-décision personnel au sommet de la hiérarchie
des valeurs, instaurant une société où seul le monarque
ou le dirigeant suprême avait le droit de penser et d’émettre
des jugements de valeur, le reste de la société étant
réduit à un état presque animal, puisque privé de
sa spécificité : juger ce qui l’entoure.
Le Judaïsme est une loi révélée. Les six cent treize
commandements de la Torah sont des préceptes provenant d’une intelligence
qui nous dépasse.
La théophanie est le grand moment fondateur
du judaïsme où D.ieu se révèle sur le mont Sinaï et
ordonne à son peuple d’accomplir sa volonté.
Les maîtres du Midrach commentent le verset : « Ils se tinrent
sous la montagne » (Exode, 19-17). Ils expliquent que D.ieu retourna
la montagne sur son peuple et déclara : « Si vous acceptez mes
préceptes, tout ira bien ; si non ici sera votre tombeau » (Talmud
- Shabbat 88a).
Un autre texte du Midrach indique une idée similaire.
A la fin du récit de la création, un verset de la Genèse
exprime la venue du sixième jour d’une façon assez particulière.
Il associe au mot « sixième » (jour) l’article défini
Hé, ce qu’il n’a pas fait pour les autres jours de la création
: « Ce fut le jour, ce fut le soir, LE sixième
jour advint » (Genèse,
1-31).
Les exégètes du Midrach ont vu dans cette singularité,
la volonté de la Torah de faire allusion, au moment où s’achève
la création, à un autre sixième jour.
La Torah voulait rappeler, en ce moment, par le moyen de cet article défini,
un autre sixième jour : le sixième jour du mois de Sivan, le
jour de Chavou’ot, le jour où D.ieu révéla sa loi à son
peuple.
Et le Midrach conclut :
« Ce fut le sixième jour » : il
s’agit du jour de Chavou’ot.
« D.ieu
dit : Si mes enfants acceptent mes préceptes tout ira bien
; si non je ferai revenir le monde à son état de chaos initial, à l’état
de Tohou vaBohou » (Talmud - Chabbat 88a).
La lecture de ces deux Midrachim laisse perplexe.
Ceux-ci semblent indiquer que la révélation fut imposée à l’homme
juif sous la menace ! Que l’inobservance des préceptes est punie
par la « peine de mort ! ». « Si vous refusez, ici sera votre
tombeau ! » Ou encore : « Je ferai revenir le monde à son état
de chaos initial ! »
La célèbre déclaration faite par le peuple juif sur le
mont Sinaï : « Nous ferons et nous comprendrons » (Na’assé Vénichm’a)
(Exode, 24-7) va dans ce sens.
Elle signifie que la communauté d’Israël décida de
se soumettre à la loi de la Torah sans même la comprendre.
Fort de ces enseignements, il semble que le Judaïsme ne fait aucun cas
de la pensée humaine, que la révélation, du haut de sa
légitimité divine, écrase le regard que peut porter l’être
humain sur les choses de la vie. Selon cette conception, la Torah ferait de
l’individu un être insignifiant ne pouvant exprimer sa personnalité dans
aucun des registres de l’être.
Toutefois, nous ressentons tous que l’on ne peut rester sur de telles
conclusions, que si D.ieu a donné à l’homme le pouvoir
de juger ce qui l’entoure, le pouvoir de déterminer lui-même
ce qui est bien de ce qui est mal, c’est que cette aptitude est sacrée,
qu’elle doit être utilisée à bon escient, et qu’elle
peut et même, qu’elle doit avoir sa place dans le cadre de la révélation
elle même.
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