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Le Roi et Moi
La nouvelle de l'arrivée au Chili du roi du Maroc n'avait pas fait grand bruit car ce pays avait abrité une semaine auparavant des chefs d'Etat du monde entier (y compris le président Bush) réunis pour la Conférence de l'APEC (Coopération Economique Asie-Pacifique). Aussi, lorsque je vis mon ami Maurice arriver en courant dans les bureaux de Aish-Chili, il dut m'expliquer qu'il faisait partie d'une délégation locale d'hommes d'affaires marocains qui était allée accueillir à l'aéroport le roi Mohammed VI, âgé de 41 ans.

Rencontrer le roi est un rêve d'enfant pour tout Marocain. Et voilà qu'après plusieurs années passées au Chili, Maurice avait finalement eu cette chance. Je lui demandai en ne plaisantant qu'à demi :" Et moi, tu aurais tout de même pu m'obtenir un rendez-vous avec le roi !". Il me répondit qu'il était invité à dîner le soir-même avec le bras droit du roi, André Azoulay, un Juif marocain "Vois ce que tu peux faire, lui dis-je, j'aimerais vraiment beaucoup rencontrer le roi".

Moins de deux heures plus tard, Maurice téléphonait pour me dire qu'il m'avait obtenu un rendez-vous avec le roi. Je crus qu'il plaisantait. Mais le lendemain matin, je reçus un coup de fil de l'ambassadeur du Maroc au Chili me confirmant poliment mon entrevue avec le roi prévue le vendredi matin à 11 heures 30.

"C'est formidable! Et qu'est-ce que je fais maintenant ?" me dis-je. Je me souvins du vieux dicton juif: "Fais bien attention à ce que tu demandes dans tes prières, car tu risques d'être exaucé." J'avais obtenu cette rencontre, mais je me demandais quel parti je pourrais bien en tirer. J'avais déjà rencontré des chefs d'Etat auparavant, mais me trouver face à face avec le roi d'un pays arabe, voilà qui était autrement impressionnant.

Il est de tradition dans la famille royale du Maroc de respecter les Juifs. Le souverain précédent, Hassan II, fit de son mieux pour protéger les Juifs après les émeutes qui éclatèrent dans le sillage de la guerre d'Indépendance d'Israël, et son prédécesseur, le roi Mohammed V, passe pour avoir sauvé les Juifs du Maroc de la déportation pendant la deuxième Guerre Mondiale.

Bien que la population juive soit passée de 265000 personnes en 1948 à environ 5000 de nos jours, le Maroc est l'un des pays arabes les plus tolérants envers les Juifs. Les émigrés juifs marocains, même s'ils sont devenus citoyens israéliens, peuvent venir librement en visite au Maroc, et les Juifs marocains occupent des positions importantes tant dans le monde des affaires qu'au gouvernement.

Je commençai donc à m'enquérir de tous côtés sur le protocole en vigueur pour une telle rencontre. Pouvais-je amener ma femme, Myriam (il se trouve que ses parents sont tous deux originaires du Maroc) ? Devais-je apporter un cadeau ? Devais-je embrasser le roi sur les deux joues ? Ou lui baiser la main ? Ou simplement m'incliner devant lui ? Comment devais-je m' habiller ? De quoi allions-nous parler ? Pouvais-je solliciter une invitation à me rendre au Maroc ? Pouvais-je aborder le sujet du conflit au Moyen-Orient ? Et surtout: pouvais-je apporter mon appareil-photo ?

Puis une pensée me vint soudainement à l'esprit : toute cette excitation qui m'animait, j'aurais dû au minimum en éprouver une semblable devant Dieu, le Roi des Rois. Et comment se faisait-il que je ne manifestais pas une telle passion lorsque, trois fois par jour, je récitais la Amidah ?

Je pris alors conscience que cette occasion d’approcher un roi ne se limiterait pas à la rencontre proprement dite mais serait également pour moi une grande leçon sur la manière de se comporter avec le Tout-Puissant.

UNE BENEDICTION POUR LE ROI



Vendredi matin, dès 9 heures 30, je commençai à m'habiller en me disant qu'une heure suffirait. Ma femme (qu'on avait autorisée à m'accompagner mais qui ne rencontrerait que les ministres présents) restait perplexe en me voyant faire autant d'efforts pour assortir les différents éléments de ma garde-robe (j’essayais, en fait, de trouver les couleurs convenant le mieux à la circonstance…).

Trois-quart d'heure plus tard, j'étais habillé et prêt à partir. Je riais intérieurement car c'était bien la première fois que ce n'était pas moi qui disais "Mais enfin, chérie, il t'en faut un temps pour t'habiller!"

Nous arrivâmes une heure avant l'heure fixée pour l'entrevue. J'avais pris mon livre de prières, où se trouvait la prière que l'on dit lorsqu'on voit un roi:

"Béni soit Celui qui partage Sa gloire avec les être humains" .

J'avais également apporté un présent pour le roi : un cadre en argent entourant la bénédiction que l'on récite pour la santé du souverain.

La protection du roi est de la plus haute importance. En Mai 2003, lorsqu'une série d'attentats-suicides visèrent des objectifs juifs à Casablanca, le roi se rendit immédiatement sur place , exhortant la communauté juive à reconstruire les édifices détruits et s'engageant personnellement à assurer sa sécurité. Le gouvernement organisa ensuite une grande manifestation de soutien à la communauté juive dans les rues de Casablanca .

Nous prions Dieu qu'Il continue, dans Sa grande bonté, à envoyer des dirigeants qui soient toujours bienveillants envers notre peuple. En fin de compte, tout est dans la main de Dieu, selon les paroles du roi Salomon, "Le cœur du roi est comme un ruisseau dans la main de l'Eternel, Il le dirige partout où Il veut" (Proverbes 21,1).

MA RENCONTRE AVEC LE ROI

En arrivant, nous fûmes accueillis par un dignitaire du gouvernement marocain qui nous conduisit vers une salle d'attente. On m'informa que l'entrevue était repoussée à 13 heures 30. Nous passâmes donc les deux heures suivantes en compagnie d'André Azoulay, le conseiller du roi, avec qui nous eûmes une conversation passionnante. La télévision marocaine vint nous interviewer et nous rencontrâmes également l'homme qui avait présenté Menahem Begin à Anwar el-Sadate.

Le Maroc est actuellement le pays arabe qui est peut-être le plus proche d'Israël. Le roi Hassan II encouragea souvent, en coulisse, le processus de paix et, en 1993, Yitzhak Rabin se rendit en visite officielle au Maroc. C'était la première fois qu'un pays arabe, en dehors de l'Egypte, recevait officiellement un dirigeant israélien.

Le moment tant attendu arriva enfin et l'on m'accompagna au premier étage où un salon de réception avait été aménagé pour le roi. Je fus surpris en voyant qu'il s'agissait de la même salle que j'avais utilisée des dizaines de fois auparavant pour accueillir le 'hatan (le futur jeune marié) avant la 'houpah (le dais nuptial sous lequel se déroule le mariage). La coïncidence incroyable voulant que, dans la tradition juive, un 'hatan, le jour de son mariage, est également considéré comme "un roi".

Une bonne trentaine de gardes marocains en uniforme me saluèrent lorsque j'entrai dans la salle où le roi m'attendait. Je me sentis enveloppé par un sentiment de puissance un peu surnaturelle tandis que j'avançais, comme sur un nuage, vers le roi.

Je réalisai qu'il me fallait l'aide de Dieu pour réussir à dire les mots qu'il fallait et pour faire une bonne impression. Je priai silencieusement en demandant de "trouver grâce aux yeux de Dieu et des hommes".

En arrivant près du roi, je lui baisai la main et récitai à voix basse la prière appropriée.
Il m’accueillit chaleureusement. Je lui remis le présent que j'avais apporté et commençai à chanter la prière pour le roi sur une vieille mélodie yéménite. Il était très ému et me remercia.

Le roi me confia qu'il avait entendu dire que me femme était d'origine marocaine. Je lui dis à quel point j'avais eu de la chance d'être entré, par mon mariage, dans une famille marocaine, et à quel point les Juifs du Maroc ont de la chance d'avoir un souverain tel que lui. Je le remerciai de la protection traditionnelle que sa famille avait accordée aux Juifs, et il me répondit en me disant que c'était là son devoir envers Dieu.

Je compris que ma rencontre avec le roi s'était favorablement déroulée lorsqu'il me dit: "Je voudrais vous inviter personnellement, votre femme et vous, à venir me voir au Maroc". Je le remerciai de cet honneur et pris congé en disant: "Shalom". Je reculai de quelques pas et fus raccompagné par un garde.

André Azoulay me dit que, de tous ceux qui avaient été reçus par le roi, j'étais le seul à avoir été invité au Maroc. Il me dit qu'il était évident que je devais accepter l'invitation. Je fus à nouveau interviewé par la télévision marocaine et pris ensuite congé des ministres présents.

LES LEÇONS A TIRER

Cette expérience s'est révélée être beaucoup plus forte que je ne l'aurais jamais pensé. Voici quelques- uns des enseignements que j'en ai tirés :


1) Les préparatifs auxquels je me suis livré pour rencontrer le roi vont renforcer ma préparation à la prière et donner une plus grande réalité à ma relation avec le Roi des Rois. Nous sommes quelquefois distraits pendant les offices, mais si nous prenons conscience du fait que nous nous adressons au Roi, ce n'est plus possible.

2) Le roi n'avait pas besoin de mon cadeau, mais le fait que j'aie prévu quelque chose pour lui prouve que je me soucie de lui. De même, Dieu n'a pas besoin que nous suivions ses commandements, mais nous en avons besoin, pour prouver que nous sommes respectueux, que nous avons conscience de leur valeur et que nous y tenons suffisamment pour faire l'effort de les observer.

3) J'ai dû attendre deux heures pour voir le roi et je suis arrivé une heure à l'avance. Le tout-Puissant est toujours prêt à nous écouter si nous Lui parlons. Nous devrions profiter de cette porte toujours ouverte pour arriver à l'heure à la synagogue. C'est un manque de respect d'arriver en retard pour un rendez-vous aussi important.

J'ai eu la chance incroyable de rencontrer le roi et j'ai hâte de le rencontrer à nouveau au Maroc. Mais ma hâte de retrouver le Roi des Rois est encore plus grande. A propos, je dois vous quitter…Min'ha commence dans une heure!

Le rabbin Shoshan Ghouri est le responsable des institutions Aish Hatorah au Chili.

Traduction et Adapatation de Monique Siac


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Shoshan GHOURI


COMMENTAIRE(S) DE VISITEUR(S)  9
mon commentaire sur l'article - 1 Août 2006 - par douh abdeslam
ce qui est intéressant dans cet article ce sont les leçons à tirer.
je suis un marocain et je réve toujours de parler à mon roi, et d'être son loyale serviteur, mais est ce que j'ai un jours révé de devenir le serviteur du roi des rois.
Le rabbin Shoshan Ghouri avec ses paroles ma poussé à poser la question. Merci, salam
la grandeur des ROIS - 17 Mars 2006 - par latrache driss
L'article "le ROI et moi" est très instructif par les conclusions et leçons tirées de l'événnement par l'auteur;nous devons apporter plus de soins à nos actes envers DIEU.
En tant que Musulman je le remercie pour l'enseignement et surtout pour la manière très subtile.
D'un autre côté, en tant que marocain, je suis fière de la réponse de notre ROI -devoir envers Dieu- car elle dénote une liberté d'action guidée par la seule volonté de DIEU... La vrai grandeur des Rois réside dans la justice, la protection des personnes et des biens...Le Prophète mohammed n'avait-il pas conseillé aux premiers Musulmans,qui étaient traqués en Arabie, de se réfugier au HABACHA(Afrique de l'EST = Ethiopie)car il y avait un ROI chrétien et juste.Pour les croyances, c'est DIEU qui jugera.
Implorons,tous, le TOUT-PUISSANT,le Miséricordieux de nous guider vers le droit chemin et de faire régner la paix entre les humainset qu'il protège le Maroc;Amine... SALAM à tous.
commentaire sur cet article - 1 Octobre 2005
lorsque j'ai lu ce temoignage, j'en avais presque les larmes aux yeux.D'origine marocaine moi aussi,j'ai quitte le Maroc il y a une dizaine d'annees, et je ressens toujours un enorme plaisir a y retourner.Le Roi Mohamed 6 est un grand roi qui par ses qualites de Souverain a toujours ete serieux, droit et respectueux vis-a-vis de juifs marocains. Si j'avais eu la chance de le rencontrer, je pense que j'aurais ete aussi troublee que vous!
1 Septembre 2005 - par bendanan hanna
beaucoup d'emotion pour une marocaine j'ai travaillé pour un prince à RABAT une fois j'ai vu de près HASSAN II, le père,à la gare, je suis passée au milieu de la garde royale et j'avoue avoir ressenti une majesté très particulière à la vue du roi. J'ai eu la meme réflexion que le
rabin SHOSHAN,concernant le rapport à H.K.B.H. Je pense qu'il est bon de savoir s'élever au-dessus du quotidien
de temps en temps et c'est une expérience troublante de ressentir qu'il existe concrètement qq chose au'dessus de nous -malkhout-; ceci devrait nous aider à nous conduire avec la plus grande des majestés qui soit: amour, bienveillance, tolérance, bonté, sérénité en ayant sur soi-meme le meme regard.approcher de grands tsaddikim apporte une émotion différente je ne sais pas si nous reagissons tous de la meme maniere quant à moi ayant reçu durant quatre jours un tsadik,j ai gouté au gan eden: une paix immense le seul besoin d aider mon prochain oubliant mes maux au point de ne pas demander de bénédiction personnelle, tant le seul contact avec le rav représentait la bénédiction. prions pour la venue imminente du mashiah et le pardon de nos fautes amen
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