Remarque : comme tous les articles publiés dans cette rubrique, le présent article ne peut faire l’objet d’analogies et de déductions pratiques par le lecteur concernant un cas de sa connaissance. Chaque question nouvelle doit être tranchée en concertation avec un spécialiste.
De très nombreux médecins juifs sont confrontés tous
les jours en France aux dilemmes que génèrent des fins de vie
de plus en plus complexes. D’autres, non juifs, s’interrogent sur
les positions des grandes religions sur cette question et sur celle du judaïsme
en particulier.
Les familles des patients
sont elles aussi régulièrement interpellées.
Elles ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour une lecture à laquelle
elles pourraient s’identifier.
Dans ce contexte, il nous
a paru intéressant de synthétiser
l’opinion de la tradition juive, c'est-à-dire de la halacha ,
sur ce que recouvre le terme aujourd’hui très feutré d’euthanasie.
Développements récents
Accompagnant les évolutions thérapeutiques des soixante dernières
années, les grands décisionnaires de la halacha ont réexaminé au
cours de la seconde moitié du vingtième siècle, l’ensemble
des considérations intervenant dans l’accompagnement de la fin
de vie.
Les fondamentaux posés par les sages du Talmud deux mille ans plus tôt restent stables, tant par la rigueur de leurs principes que par leur
recherche d’ouverture face à des situations dont la complexité ne
cesse de croître. Cette jurisprudence peut être synthétisée à travers
les principes suivants 1:
Donner la mort directement
et/ou activement relève dans tous les
cas, du meurtre
2.
Prolonger la souffrance d’un patient contre son gré lorsque
le diagnostic médical le condamne sans appel, est interdit
3. Cette prescription a même été adressée dans certains cas, à des urgentistes qui jugeraient un cas déséspéré et à qui il a été recommandé d’éviter un acharnement qui serait clairement vain
4.
Prolonger la vie d’un patient pour lequel la médecine propose
un espoir de stabilisation ou de guérison même modeste, à un
terme raisonnable (parfois même à très court terme
5 et/ou
y compris par le biais d’une thérapie encore expérimentale),
est non seulement autorisé mais éventuellement obligatoire, c'est-à-dire,
y compris sans le consentement du patient dans certains cas. Ceci ne vaut cependant
que dans la mesure où le patient ne sera pas sujet à une contrariété susceptible
de produire des conséquences inverses des effets recherchés
6.
Toutefois, si le patient refuse le traitement du fait d’une volonté pleinement
consciente et avérée de s’en remettre à la
Providence, on respectera sa volonté
7, même s’il est recommandé de
le convaincre du contraire, avec tact et douceur.
Dans les cas où les dilemmes ouverts par l’accompagnement de
la fin de vie se doublent d’une problématique de concurrence de
moyens - humains, matériels, financiers ou autres -, dans
la mesure où une solution thérapeutique existe et où une
décision individuelle immédiate doit être prise, l’âge
du patient, son espérance et sa qualité de vie, ne participeront
d’aucune manière aux considérations d’arbitrage entre
individus
8.
Le suicide est fondamentalement
interdit. En termes d’atteinte criminelle à la
vie, il se situe sur le même plan que le meurtre par un tiers
9.
La volonté ou le simple accord du patient à mourir, n’a
pas d’influence sur le caractère meurtrier de l’acte d’un
tiers qui donnerait la mort directement et volontairement.
De fait, la délégation sur la vie et la mort n’existe
pas et par conséquent, la notion de « suicide assisté » n’a
pas de fondement. Il s’agit d’un meurtre pur et simple.
Afin de soulager les
souffrances (physiques et/ou psychologiques) liées à la
fin de vie, on peut éliminer dans l’environnement du patient irrémédiablement
condamné (donc à court terme), les éléments qui
entravent et/ou ralentissent le processus d’agonie. Dans certains cas,
ce souci pourra prendre la forme d’une cessation thérapeutique.
Dans d’autres - au demeurant très exceptionnels - il pourra
aller jusqu’à la déconnection de la respiration artificielle
10.
Dans tous les cas et
même lorsque la cessation de traitement est autorisée,
le soulagement de la souffrance immédiate - en marge des thérapies
de fond - et des besoins vitaux, devra obligatoirement être assuré avec
la même vigilance que pour le patient dont le pronostic est positif
11.
La liberté morale du patient qui se sait condamné sans équivoque,
consiste à pouvoir refuser de poursuivre une forme d’acharnement
thérapeutique qui rallongerait un peu sa vie, mais au prix de souffrances
incomparablement plus importantes
12.
Face à tel désarroi, l’entourage et le corps médical
sont appelés à faire le nécessaire pour soutenir le patient
moralement dans le sens du désir de vivre, ainsi qu’à valoriser
dans son jugement, la valeur spirituelle d’une période de vie
supplémentaire
13.
En d’autres termes, les personnes qui assument l’accompagnement
du patient sont implicitement soumises à l’obligation morale de
ne pas se dédouaner sur le compte de ce qui pourrait n’être - de
la part du patient - qu’une phase psychologique d’adaptation difficile à de
nouvelles réalités de la vie. Ceci, dans la mesure où leur
démarche d’encouragement ne risque pas d’agacer le patient
et de s’avérer contre- productive
14.
L’arbitrage financier ne peut en aucun cas servir de borne pour décider
du maintient d‘un patient en vie. Envisagé dans son individualité immédiate,
que ce soit pour les proches ou pour le corps social auquel il appartient,
le patient dont il faut prolonger la vie dispose toujours de la priorité sur
les ressources existantes. La notion de gestion optimisée des ressources
médicales de la société ne peut intervenir qu’à un
niveau global et dans le temps
15.
L’ensemble des préceptes religieux et spirituels édictés
par la
Torah s’effacent ponctuellement face à l’urgence
d’une vie à sauver, même lorsque le patient est médicalement
condamné à très court terme
16. Ceci, à l’exception
des trois interdits dont la transgression reste infranchissable : l’idolâtrie,
le meurtre et l’adultère. Cette éviction ponctuelle de
tout le reste répond à un principe qui anime l’esprit de
toute réflexion opérationnelle sur la vie et la mort dans la
halacha : le principe selon lequel la
Torah est donnée comme véhicule
matériel et spirituel de vie, au sens le plus fort du terme
17.
Contrairement à une idée répandue, ces principes ont été élaborés
sur la base d’une philosophie très nuancée quant à la
difficulté d’assumer la vie lorsque celle-ci dépasse un
seuil de souffrance particulièrement élevé.
Le meurtre de l’autre est d’abord le meurtre de soi, du Soi qui est en chacun de nous ;le rapport à la vie ne s’articule pas en termes de propriété.
Euthanasie ou suicide
: comment parler d’une fin de vie auto-gérée
?
Rabbi Elazar Hakapar dit
: « C’est malgré toi que tu es
créé, malgré toi que tu vis, malgré toi que tu
meurs…, et malgré toi que tu viendras à rendre des comptes
devant le Roi des Rois, Saint Béni soit -Il ». (Traité Avot,
Chapitre 4, Mishna 22)
Donner la mort sciemment
et activement constitue, dans la loi juive, l’un
des interdits suprêmes et dénués de concession.
Le fait qu’il s’agisse de sa propre vie ou de celle d’autrui
n’est dans ce cadre, d’aucune influence. Oter la vie relève,
dans tous les cas, de la qualification de meurtre.
Le meurtre de l’autre est d’abord le meurtre de soi, du Soi qui
est en chacun de nous ;le rapport à la vie ne s’articule pas en termes de propriété.
L’une des originalités du judaïsme consiste à poser
que le premier des meurtres est le meurtre de soi. Le meurtre de l’autre
est d’abord le meurtre de soi, du Soi qui est en chacun de nous. Ceci
tient au fait que la réflexion sur le rapport à la vie ne s’articule
pas en termes de propriété. La dimension de l’âme
qui anime la vie, se traite à un niveau auquel l’individuation
absolue des êtres - telle que nous la renvoie la dimension du corps
- n’est plus de mise.
Un monde de nuances s’ouvre cependant lorsqu’on passe du registre
de la mort attribuée activement, à celui d’une mort passivement
et/ou indirectement accompagnée, dans une situation médicalement
désespérée. Le patient prend soudain le visage d’un
existant autonome par rapport auquel les acteurs qui l’accompagnent dans
cette phase plus difficile - et probablement terminale - de sa vie, n’ont
plus forcément les outils de lecture, d’interprétation
et de décision.
L’enjeu que la tradition nous invite alors à cerner et à assumer
consiste probablement dans l’acceptation de notre manque de maîtrise
sur ce type de situations d’une part, mais aussi d’autre part,
l’intégration de notre obligation morale de soutenir le malade
sans équivoque, malgré les interrogations susceptibles de croître.
Suicide et suicide
assisté : peut-il y avoir délégation
?
Ainsi, le cœur de ce que pourrait être une approche juive contemporaine
sur l’euthanasie se comprend mieux lorsqu’on l’aborde à partir
de la problématique du suicide.
Pour les approches laïques modernistes, le suicide constitue l’expression
fondamentale de la liberté humaine : le droit pour un être humain à disposer
de sa propre vie comme il l’entend. A partir de cet axiome, leur réflexion
sur l’euthanasie envisage la capacité de ce même homme à déléguer
ledit droit, ainsi que celle de la société à extrapoler
la volonté du patient lorsqu’il n’est plus en mesure de
l’exprimer. Elle en aborde les modalités et le cadre d’application.
L’approche de la Torah est fondamentalement inverse. La non propriété de
sa vie par l’homme constitue la pierre angulaire de sa relation à tout
ce qui est « autre » que lui-même, qu’il s’agisse
de Dieu, des autres hommes ou, éventuellement de l’ensemble des êtres
vivants. La Vie est un corps métaphysique intégré à l’Être
suprême, ce qu’on appelle parfois la «Tsoura», le « Tzélèm » (Genèse
1,27 et 9,6) ou, « Image de Dieu». Ce qui véritablement
vit en l’homme, ne se limite pas à la perception matérielle
qu’il maîtrise à un instant t, que ce soit par l’œil, à l’aide
de ses autres sens ou par le biais de la technologie.
Dès lors, les rapports de droit entre la dimension du corps et celle
de l’intériorité ne peuvent être envisagés
hors du cadre d’un sens plus large. Ce cadre est celui qui intègre
le physique et une certaine compréhension du métaphysique.
Dans la vision talmudique véhiculée par la halacha, l’âme de l’homme participe de sa définition juridique et de ses implications.
Le corps et l’âme face
au droit et au sens
Dans la vision talmudique véhiculée par la halacha, l’âme de l’homme participe de sa définition juridique et de ses implications.
L’évocation d’une âme renvoie le laïque rationaliste à un
non-existant de droit. Le droit n’a vocation à régir entre
les hommes que ce qu’ils maîtrisent, ce qu’ils se sentent
capables de palper. La cohérence des objets qu’il intègre
se réfère par défaut à la logique de leurs interactions
matérielles. Le caractère et la personnalité de l’être
humain, son tempérament, son esprit et le cumul de son expérience,
font corps avec son enveloppe charnelle.
Dans la vision talmudique
véhiculée par la halacha, l’âme
de l’homme participe de sa définition juridique et de ses implications.
Sans prendre forcément le pas sur sa dimension corporelle en toute situation,
il est des situations au sein desquelles c’est elle qui donnera le ton
et fournira les arguments décisionnels les plus déterminants.
Bien que le suicide soit
fondamentalement interdit par la halacha, le Talmud relate nombre d’histoires 18 dont le personnage principal se suicide, mais à l’issue
desquelles une voie céleste se fait entendre pour expliquer que le suicide
n’était non seulement pas répréhensible dans ce
cas précis, mais que le ou les héros se sont vus ouvrir grandes,
les portes du « monde futur » (cf. Traité Ktouvot 102a).
La mort volontaire semble
donc dessiner dans le judaïsme, son propre « espace
socio- spirituel ». On voit poindre un périmètre situé à la
croisée des chemins. Entre les dimensions intellectuelles, spirituelles
et sociales de l’humain, une zone de silence se dégage, dans laquelle
le discours de la société à l’individu n’est
plus forcément parachevé. Il existe certes. Des principes d’intégration
mutuelle et des lignes rouges interdites de franchissement existent elles aussi.
Mais lorsqu’on est en situation, les chemins de la société et
de l’individu semblent irrémédiablement voués à se
dissocier l’un de l’autre. Celle-ci protégera sans relâche
le sens de la vie et de sa perpétuité, alors que celui-là empruntera
une voie qui lui devient entièrement personnelle. A partir de ce point
d’inflexion, chacun de ces deux corps dialoguera avec l’autre par
le seul biais de Celui qui, de fait, a matériellement permis que soit
le suicide, même s’Il a intimé l’ordre de vivre (« et
tu choisiras la vie, afin que tu vives toi et ta descendance », Deutéreunome
30 ,19).
L’homme n’est donc pas l’ultime propriétaire de
sa propre vie. Le suicide constitue un interdit moral fondamental, point
de départ de la relation de l’homme à toute forme d’atteinte à la
vie humaine. L’atteinte à la vie de l’autre se présente
comme une extension de cette première limite infranchissable dans
le cadre du dialogue avec un créateur. Ce même dialogue avec
l’Origine de toute création pose un ordonnancement précis
de la relation entre Moi, l’Autre et Dieu. Dans cet ordonnancement,
Moi n’est pas premier, et Dieu se tient entre l’Autre et Moi.
La transformation que subit
aujourd’hui l’acte de suicide en un
concept artificiel de « suicide assisté » n’existe
donc pas pour le judaïsme. Si le raisonnement en termes de droits de propriété n’existe
pas sur la vie 19, la faculté de transmettre un tel droit n’a pas
lieu d’être. Se démarquer activement du suicide en le transférant à autrui
ne fait que le basculer dans le registre du meurtre.
Malgré ce refus absolu de l’atteinte volontaire et active à la
vie humaine, un autre type de cas s’illustre dans la tradition juive.
Cette exception laisse apparaître une certaine tolérance pour
le passage à l’acte face à la perte totale du sens de
la vie. Il s’agit d’une forme de suicide dans lequel l’homme
cherche à préserver son lien à Dieu c'est-à-dire,
son lien au Sens.
Le suicide « don de soi », ou dernier rempart face à la
rupture du sens
La peur de renier sa foi
occupe une place particulière dans la réflexion
juive sur le suicide. L’acte de suicide est quasiment validé lorsque
l’être humain est voué à une déchéance
/ souffrance susceptible de lui faire perdre le sens de la vie, au point d’en
venir à renier sa foi et son Dieu. Cette appréciation au demeurant
subjective, reste évidemment de son seul ressort 20.
Ainsi le Talmud (Traité Guittin 57b) nous rapporte-t-il l’histoire
de ces quatre cent mineurs faits prisonniers par les romains à l’époque
de la destruction du Temple. Ils captèrent les conversations de leurs
geôliers et comprirent que ceux-ci les destinaient à un esclavage
sexuel en maison de débauche :
« Ils se demandèrent
: si nous nous noyons i dans la mer, cela pourra-t-il nous conduire au monde
futur ?
Le plus âgé des garçons proposa l’interprétation
suivante : « Dieu dit : de Bashan je ramènerai, des profondeurs
de la mer je ramènerai (Psaumes, 68, 23) » : « de Bashan
je ramènerai » parle des dents du lion ; « des profondeurs
de la mer je ramènerai » parle de ceux qui se sont noyés
dans la mer ii.
Entendant cela, les filles se jetèrent toutes ensemble à la mer
iii. Les garçons tinrent un raisonnement à fortiori. « Si
les filles pour qui cette déchéance iv est certes dramatique mais
reste encore de l’ordre d’une société à visage
humain, ont décidé de se donner la mort plutôt que d’endosser
tel destin, ne faut-il pas en conclure que nous garçons devons, à plus
forte raison, agir de la sorte ?!
Tous sautèrent à la mer v». Et le Talmud de conclure : « c’est à leur
propos qu’est dit le verset : « car pour Toi vi nous nous sommes laissés
tués sans cesse, et sommes devenus comme des agneaux pour l’abattage
(Psaumes, 44, 23)».
Ce cas deviendra dans la
littérature rabbinique, l’un des archétypes
du suicide que personne ne peut recommander expressément à autrui,
mais qui se trouve validé moralement, parce qu’il est mis en œuvre
pour conserver son attachement à Dieu et au sens qu’Il a donné à toute
une vie 21.
Dans le même ordre d’idées, plus fort encore est le cas
de Rabbi ‘Hanina Ben Teradyion (Traité Avoda Zara, 18a), l’un
des dix célébrissimes martyrs de la foi. Alors que les romains
le font brûler vif, enveloppé de laines mouillées pour
rallonger son supplice, ses élèves lui lancent, impuissants : « maître,
ouvre la bouche afin que le feu te pénètre de l’intérieur vii ».
Et le maître de répondre : « il est préférable
que Celui qui l’a donnée viii soit Celui qui la reprenne ».
Il est hors de question
pour Rabbi ‘Hanina Ben Teradyion de porter lui-même
atteinte à sa personne, quel qu’en soit le prix. Il acceptera
finalement un compromis qui lui sera offert par le bourreau en personne. Stupéfait
par cette endurance dans la souffrance, ce dernier se propose de retirer lui-même
les laines mouillées dont il l’avait enveloppé. Cependant,
conscient qu’il serait condamné à mort pour cette désobéissance,
il fait promettre au maître de lui garantir son accès au monde
futur par cet acte. Rabbi ‘Hanina accepte.
Nous sommes au cœur du débat sur le suicide assisté et/ou
l’euthanasie.
Alors que la mort du maître se précipite soudainement, une voie
céleste se fait entendre, attestant de ce que : « Rabbi ‘Hanina
Ben Teradyion et le bourreau sont invités ix, à la vie du monde
futur ».
Dans la suite des raisonnements
hala’hiques présentés
antérieurement, il y a tout lieu de penser que le compromis accepté par
Rabbi ‘Hanina tenait d’une part au fait que l’acte du bourreau
consiste à retirer un facteur de ralentissement et non à rajouter
des facteurs actifs d’accélération de la mort. D’autre
part, cette démarche était d’autant plus légitime
de la part du bourreau qu’il était personnellement à l’origine
de la mise en place de ce facteur 22.
Rabbi ‘Hanina nous offre donc une autre option face à la souffrance,
même si l’idée qu’on puisse y succomber trouve sa
place dans la tradition.
Mais l’intervention d’autrui relèverait de l’ingérence
et du meurtre.
Ainsi, la tradition semble
engager le juif à assumer pleinement la
complexité de situations au sein desquelles le dialogue sur la vie,
sur son sens et sur la volonté individuelle de vivre, semble se réduire
comme peau de chagrin. Dans ces situations où les vivants et ceux qui évoluent
entre la vie et la mort voient leurs outils de communication et leurs capacités
d’échange diminuer jusqu’à tendre vers zéro,
elle nous invite à ne pas simplifier notre analyse, par une attitude
qui ramènerait un monde dont une large partie nous échappe, aux
repères qui sécurisent le flux de notre vécu.
Lire le(s) message(s) du
monde divin au cœur de notre réalité fait
partie de l’exigence élémentaire d’une vie spirituelle
juive. Des interrogations ouvertes dont la résolution ne s’imposera à nous
qu’avec une grande patience, constituent elles aussi bien souvent, des
messages de la plus haute importance. L’accompagnement de la fin de vie
fait partie de ces domaines où la question demeure fréquemment
plus forte que la réponse. Mais c’est bien la confrontation pleine
et entière aux interrogations qui permettra d’aboutir à une
réponse authentique.
i N.d.t. : volontairement.
ii N.d.t. : de leur propre chef.
iii N.d.t. : où elles trouvèrent la mort.
iv N.d.t. : la prostitution.
v N.d.t. : et y trouvèrent la mort.
vi N.d.t. : Dieu.
vii N.d.t. :et que la combustion s’accélère ainsi et abrège
le processus mortel.
viii N.d.t. : l’âme.
ix N.d.t. :ensemble.
1 Nous avons choisi de
rassembler l’essentiel des renvois précis aux Responsa des principaux
décisionnaires
contemporains (et éventuellement, à certains de leurs sous-
chapitres) dans le cadre de ces principes résumés. Dans la
suite, certaines sources fondamentales sont reprises dans le corps du texte
alors que quelques renvois à la littérature décisionnaire
y sont ajoutés. Dans tous les cas, les éléments bibliographiques
n’ont pas de prétentions d’exhaustivité, même
si les références qui ont contribué à l’élaboration
de ce texte sont sans aucun doute les plus importantes sur le sujet.
2 Shoulhan Arouh, Yoré Déa, 339/1, Resp. Igrot Moshe, Hoshen
Mishpat Vol. 2, Resp. 73/1.
3Resp. Min’hat Shlomo, Vol. 1,Resp. 91; Resp. Tzitz Eliezer Vol.13, Resp.
89/11; Resp. Igrot Moshe,
Hoshen Mishpat Vol 2, Resp. 74.
4 Resp. Shevet Halévi, Vol. 8, Resp. 287/3 et Vol. 6, Resp.179.
Rav Wozner shlit’’a évoque le cas d’une femme tombée dans un comat jugé irreversible par les médecins. Quelques années plus tard, la médecine propose un traitement expérimental capable de ramener cette femme à la conscience sans résoudre le reste de ses pathologies et infirmités. Entre temps, son mari a obtenu l’autorisation rarissime de se remarier sans divorce préalable de la part de cent rabbins renommés (« heter méah rabbanim »), du fait de l’incapacité de son épouse à recevoir ce divorce. Il s’est ensuite effectivement remarié. A la question posée : faut-il ou non tenter ce traitement ( ?), Rav Wozner répond qu’étant données les souffrances physiques et psychologiques qui seront occasionnées à cette femme si on la ramène à la conscience sans rien résoudre dans sa vie, il est préférable de ne pas tenter le traitement.
5 Resp. Tzitz Eliezer Vol. 5, Ramat Rahel, chapitre. 28/5.
6 Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol. 2, Resp. 73/5.
7 Resp. Shevet Halévy, Vol. 8, 251/12.
8 Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol. 2, Resp. 73/2.
9 Shoulhan Arouh, Yoré Déa, 345. Egalement : Resp. Hatam Sofer
Vol. 2 Yoré Déa 326.
10 Resp. Tzitz Eliezer Vol. 13, Resp. 89/2-3.
11 Ibid 4 et 6.
12 Ibid 6 et 7et Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol. 2, Resp. 74/3.
13 Mishna Avot 4,17.
14 Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol 2, Resp. 74 et 75.
15 Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol 2, Resp. 73/2.
16 Resp. Igrot Moshe, Hoshen Mishpat Vol 2, Resp. 74/5 ; Resp. Shevet Halévi,
Orah Haim, 60.
17 Lévitique 18/5, Ezekiel 20/11-13-21 ; Talmud : traités
Yoma, 85b, Avoda Zara 27b et 54a ;
A titre indicatif, on pourra consulter (de manière non exhaustive) sur
ce sujet capital et très largement traité dans la littérature
décisionnaire :
Resp. Noda Biyehouda, Mahadoura Kama, Vol. Even Haezer, Resp. 74 ; Resp. Hatam
Soffer Vol. 2, Yoré Déa, Resp. 338 ;Resp. Helkat Yaakov, Vol. Orah
Haim, 155/8 et Vol. Hoshen Mishpat Resp.33 ; Resp. Mishpetei Ouziel, Vol.2 Yoré Déa
48 ; Resp. Sridei Esh, Vol. 1, Resp. 162. ; Resp. Igrot Moshe, Yoré Déa
Vol. 1, Resp.145 ; Resp. Minhat Yitzhak, Vol. 5 Resp. 8 ; Resp. Minhat Shlomo,
Vol.1, Resp.7 ; Resp. Tzitz Eliezer, Kountrass Meshivat Nefesh, chapitre 2 ;
Resp. Shevet Halévi, Vol. 3, Resp. 37/3 ; Resp. Yabia Omer, Vol.6, Resp.
13.
18 Les histoires vécues relatées par le Talmud sont généralement
dotées d’un poids important et souvent déterminant, pour
l’élaboration d’une ligne halachique sur un problème
donné.
19 Voir à ce propos : traité Baba Kama 91b sur l’interdiction
de se mortifier et son rapport avec le suicide.
20 De nombreux responsa traitèrent depuis l’époque moyen-âgeuse,
de la réponse à donner aux parents qui face aux menaces de conversion
forcée, demandaient aux rabbins l’autorisation de se suicider
et de « suicider » leurs enfants avec eux.
21 Cette approche, au demeurant exceptionnelle dans le judaïsme, ne doit
en aucun cas être confondue avec une idéalisation du suicide telle qu’on la trouve aujourd’hui
dans les manifestations intégristes d’autres religions ou philosophies.
22 Ibid 12.