La façon
imagée employée par la Kabbale pour étudier les actions
divines ne peut jamais conduire à créer des images ou à imaginer
que le D.ieu unique existe sous forme de fragments.
Nous avons montré dans les articles précédents de cette
série que dans la Tora elle-même, il y a une allusion tout à fait
claire - bien que dissimulée - à une compréhension
plus profonde de D.ieu et des voies par lesquelles Il entre en interaction
avec le monde.
Dans la Tora figurent également deux autres points importants, qui
s’apparentent à la forme imagée et au langage utilisés
par la Kabbale.
Le premier point est traité dans le Deutéronome; lors de l’adieu
fait par Moïse, il décrit la révélation du Sinaï comme
suit:
“Et D.ieu vous parla du milieu de ces feux; vous entendiez le son des
paroles mais vous ne perceviez aucune image, rien qu’une voix.” (Deutéronome
4,12)
“Prenez bien garde à vous-mêmes! Car vous n’avez
vu aucune figure, le jour où D.ieu vous parla sur le Horeb du milieu
du feu. Craignez de vous pervertir en vous fabriquant des idoles.” (Deutéronome
4,15-16)
Ces versets semblent aborder
un problème résultant du type de
révélation qui s’est faite au Sinaï; en effet, la
plupart des gens associent la notion de “révélation” avec
une sorte de “vision”. Il y a bien eu une révélation
pendant laquelle la Présence de D.ieu a été ressentie,
Ses paroles ont été comprises clairement et pourtant aucune image
n’a été perçue, aucune figure n’a été vue.
Il nous est difficile d’appréhender ceci car notre esprit préfère
manier des images plutôt que des mots et des concepts.
Cette injonction de ne
projeter sur D.ieu aucun aspect corporel ne s’applique
pas seulement à une représentation physique élémentaire
mais aussi à toute chose qui délimiterait l’Etre divin
dans le cadre d’un quelconque psychisme ou d’une personnalité tout
bonnement humaine.
Par conséquent, quelle que soit la manière dont on décrit
les actes divins, on doit s’abstenir de suggérer que D.ieu “ressent’ ou éprouve
des sensations qui Lui seraient une obligation. La Michna insiste grandement
sur ce point:
"Le chantre (chalia’h tsibour) qui prononce les mots: “De même
que Tu as pitié d’une nichée d’oisillons, de même
aies pitié de nous”, est renvoyé car il a décrit
les attributs de D.ieu en terme de bienveillance alors qu’en réalité,
il s’agit de décrets. (Bra’hot 34a)"
Maimonide souligne que
quand D.ieu est dépeint comme “bon” ou “miséricordieux”,
ces mots sont en fait des images:
Quand on parle des “traits de caractère divins”, cela ne
signifie pas qu’Il éprouve des sentiments mais plutôt qu’Il
effectue des actes similaires à ceux d’une personne agissant en
proie à une certaine émotion, et non pas qu’Il ait des émotions
en tant que telles…Chaque fois qu’on scrute un acte divin, on attribue à D.ieu
un titre correspondant à l’origine d’un tel acte…Tous
ces actes sont des actes similaires à ceux exécutés par
des humains en raison d’émotions et de traits de caractère
qui leur sont propres, ce qui n’est pas le cas quand on décrit
D.ieu. (Guide des Egarés I,54)
Par conséquent, ce point est très important en ce qui concerne
la Kabbale ou toute autre étude de la Divinité. En dépit
du fait qu’on décrive D.ieu au moyen d’images physiques,
il n’est pas question d’en arriver à une représentation
visuelle. Et si même on emploie des expressions définissant une
personnalité telles que “miséricordieux”, “juste” ou “bon”,
cela ne reste que des images.
Ces termes nous permettent
de représenter un des modèles englobant
des actions divines s’apparentant avec la manière dont nous agirions
si nos émotions nous poussaient à le faire. Mais D.ieu est au-delà de
toute notion telle que “émotion” ou “personnalité”.
L’unité de
D.ieu
Le second point mentionné dans la Tora dont l’impact se fait
sentir dans la Kabbale apparaît dans l’un des plus célèbres
versets - le Chéma. Il nous est ordonné:
“Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel
est Un.” (Deutéronome 5,4)
Le commandement est de
croire dans l’unité de D.ieu. Il découle
de cette croyance que non seulement il n’y a pas plusieurs dieux mais
que D.ieu n’est pas composé de différentes unités.
C’est aussi de cette façon que Maimonide l’affirme:
D.ieu est Un. Non pas deux
ou plus de deux. Un qui ne ressemble à aucune
autre unité. Ni une unité constituée de parties différentes
ni une unité matérielle pouvant être divisée en
morceaux ou en composants mais plutôt une unité qui est dissemblabe
de toute autre unité.
En raison de ce commandement,
on pourrait éprouver une certaine difficulté à diviser
les actions divines en “composants” telles que les Dix Séfirot.
Ce problème a été soulevé de nombreuses fois au
cours des siècles afin de critiquer la Kabbale (des réponses
ont été données) et son prétendu “découpage” de
l’unité divine en dix fragments.
Le Malbim, un commentateur
de la Tora du dix-neuvième siècle,
décrit le mieux la manière dont la Kabbale a traité ce
problème en expliquant les paroles d’Ezéchiel. Le prophète
dit:
“Tel l’aspect de l’arc qui se forme dans la nue en un jour
de pluie, tel apparaissait ce cercle de lumière; c’était
le reflet de l’image de la gloire de D.ieu.” (Ezéchiel
1,28)
Selon le Malbim, un rayon
de lumière n’est formé que d’une
seule couleur. Quand il traverse un milieu comme l’eau, il se décompose
en plusieurs couleurs. De même D.ieu, Il est un tout unique. Mais notre
compréhension est limitée et nous devons le décomposer
en différentes parties. Par exemple, un enfant peut ne pas comprendre
que son père qui lui donne une fessée parce qu’il a traversé la
route sans lui donner la main est le même père qui l’aime
et lui achète des jouets. Mais l’adulte perçoit cela comme
le même sentiment.
De la même manière, nous ne pouvons comprendre les actes divins
que si nous les examinons séparément. Cependant, nous savons
bien que de les scinder en un certain nombre de parties est propre à notre
insuffisance et que Sa réalité est tout autre. Il est Un et rien
qu’Un.
Dans le prochain article,
nous continuerons à chercher des références à la
Kabbale dans les paroles des prophètes.
Traduction et Adaptation
de Claude Krasetzki