Parmi les dix séfirot, Tiferet - qui veut dire littéralement “beauté” ou “splendeur” - occupe
la place la plus centrale car elle sert d’intermédiaire entre
le ‘hessed (bienveillance) et la guévoura (force).
Pris à la lettre, le mot “milieu” implique un compromis, “un
peu de ceci et un peu de cela”. Mais il acquiert une connotation beaucoup
plus positive et beaucoup plus marquée quand il sert à décrire
la tiferet. Il évoque une voie qui est de nature complètement
différente des deux séfirot précédentes - celles-ci
sont utilisées mais en quantités adaptées à un
mode totalement distinct d’activité.
Par exemple, tout pays a pour tâche des plus importante de survivre
parmi les autres nations. C’est le devoir assigné à son
premier ministre, à son président ou à son roi. Dans ce
but, le dirigeantdu pays a à sa disposition un ministère des
affaires extérieures qui s’efforce de construire des relations
amicales et plaisantes avec différents Etats. Il a aussi un ministère
de la défense dont la fonction est de préparer le pays à la
guerre contre des pays ennemis.
Si l’on pénètre séparément dans ces deux
ministères, on découvre que leurs idéologies et leurs
visions du monde sont absolument incompatibles. Le ministère des affaires
extérieures agit en fonction du principe que les nations aiment la paix,
que l’état de belligérance est dû à un malentendu,
que les échanges culturels et économiques sont les plus grands
garants de la paix et que les compromis et les concessions sont des présages
de stabilité.
Le ministère de la défense, d’autre part, prend pour hypothèse
que, sous certaines conditions, même les alliés le plus proches
peuvent devenir des ennemis et que la guerre est un instinct tout à fait
humain. La force et la puissance sont les seuls facteurs réalistes qui
déterminent la position d’un pays dans le monde et qu’en
se montrant intransigeant et impitoyable, on assure la stabilité et
la paix. Son but est de s’attacher à acquérir la puissance.
Par conséquent, afin d’être efficace, chaque ministère
non seulement opère d’une certaine manière mais possède
une vision interne du monde prenant en compte ses buts et ses philosophies.
C’est à l’échelon supérieur - le premier
ministre, le président ou le roi - que se trouve une appréhension
globale du monde qui considère ces ministères, non pas comme
seulement une fin en soi mais plutôt comme des outils permettant d’atteindre
des objectifs “plus élevés”, les idéologies
qui les sous-tendent n’étant que le sous-ensemble d’un tout.
Ainsi, dans la vision du président, ce n’est ni la force en elle-même
ni l’amitié en elle-même qui sont l’ultime but d’un
pays en tant que pays. L’objectif final est plutôt la survie et
le développement et les outils qui sont disponibles pour ce propos sont
la force et l’amitié. C’est en fonction de chaque cas que
le président utilisera l’un ou l’autre outil afin d’assurer
l’objectif qu’il a en vue.
Quelquefois, le plus adéquat est d’employer la force et quelquefois,
c’est de cultiver l’amitié et de d’étendre
la coopération. Mais, dans les deux cas, qu’il utilise le ministère
des affaires extérieures pour la diplomatie ou le ministère de
la défense pour la guerre, il ne s’identifie pas avec tous leurs
concepts mais plutôt avec sa propre idéologie plus large et plus
globale.
Une synthèse
Le ‘hessed, la guévoura et la tiferet suivent
un processus analogue.
Le ‘hessed est par essence une “idéologie” de bonté.
Donner pour le plaisir de donner est tout ce qu’il veut . Il y voit son
objectif final et plus on donne - sans considérer si la personne
qui reçoit le don en est digne ou non -, plus cela est grand et meilleur.
La guévoura, au contraire, considère cela comme pernicieux.
Seules les choses acquises au moyen d’un travail de même valeur
et honnête sont “bonnes”. Par conséquent, son idéologie
s’affirme au moyen du concept de “réciprocité” et “rien
pour rien”. Il considère que le but ultime de la création
est que chaque créature gagne par elle-même sa subsistance.
La Tiferet en est une synthèse. Elle les inclut tous les deux car elle
s’est fixée un objectif plus large et par conséquent les
emploie tous les deux ensemble. Son but est “que l’être humain
se développe pour accéder à son potentiel le plus élevé.”
Souvent, ce but est atteint en le laissant libre de pourvoir
seul à ses
besoins alors que parfois il est nécessaire de lui “injecter” gratuitement
une dose de cadeau non mérité. Ni l’idéologie de “Rien
pour rien” ni celle de “du don continuel et inconditionnel” ne
sont des philosophies valables. En réalité, chacune d’elles
est un élément utilisable pour atteindre un idéal plus
haut et plus étendu.
En fait, une personne sensée se comporte de cette manière avec
ses enfants. Son but est qu’ils grandissent le mieux qu’ils puissent.
Généralement cela signifie qu’ils doivent employer leurs
propres capacités. Mais s’ils ont une défaillance, le père
ou la mère leur injecte un peu “d’immérité”, à savoir
de l’amour, de l’argent ou des louanges, afin que le processus
continue.
La tiferet n’a rien d’un “compromis”. Celui-ci, de
part la vision qui prédomine en lui, n’est pas capable d’intégrer
divers éléments. Au contraire, quand deux cerfs sont confinés
inexorablement dans une même pièce, le compromis consiste à leur
rogner les cornes suffisamment pour qu’ils ne s’exterminent pas
mutuellement. La Tiferet agit, quand à elle, sur un champ plus étendu
et plus unifiant en donnant à chaque bête la place qui lui est
due, de telle sorte qu’elles ne se trouvent plus emmêlées
dans le combat.
C’est pourquoi elle est appelée tiferet, beauté car c’est
en intégrant divers facteurs et en les montant l’un contre l’autre
qu’on atteint la beauté. Le blanc et le noir sont deux couleurs
opposées; en les intégrant de manière appropriée,
on crée la beauté. Son action n’est pas de brouiller les
contrastes pour changer toutes les couleurs en gris. Au contraire, la beauté intègre à la
fois le noir et le blanc pour produire une image toute faite de profondeur.
Traduction et Adaptation
de Claude Krasetzki