D’après une série de conférences prononcées par le Rabbin Ya‘aqov Weinberg, de mémoire bénie.
La Torah que Moïse a transcrite sous la dictée du Tout-Puissant est unique, et il n’y en aura jamais d’autre. Rien ne peut être ajouté ou retranché ni de la Torah écrite ni de la Torah orale, ainsi qu’il est écrit. " Vous n’y ajouterez rien, ni n’en retrancherez rien " (Deutéronome 13, 1). Cela a déjà été expliqué en détail dans l’introduction à cet ouvrage.
Les 13 articles de foi de Maïmonide
IL N’Y AURA JAMAIS DE NOUVEAU SINAÏ
Le principe précédent posait la croyance que la Torah ne peut pas être changée par la prophétie. Un prophète n’a pas le droit d’innover, d’ajouter, ni de diminuer quelque mot ou quelque idée que ce soient, ni de la Loi Ecrite ni de la Loi Orale. On peut cependant se demander s’il est concevable que D.ieu puisse ramener le peuple juif au Sinaï ou au Temple, son équivalent, et que, en présence de tout Son peuple, Il modifie Sa Torah.
Cette question n’a pas été examinée dans le principe précédent, mais elle est impliquée dans le neuvième. Il est proclamé ici que le Tout-puissant ne Se donnera jamais une autre Torah, ni n’ajoutera ou retranchera rien de celle que nous possédons maintenant.
Pourquoi ce principe est-il nécessaire ? On comprend très bien l’importance de l’affirmation selon laquelle l’homme ne peut pas modifier la Torah. L’homme, dans toute sa subjectivité, est influencé par les tentations de son cœur, par les changements sociaux, par la pression de son entourage… Si un prophète avait le pouvoir de changer la Torah, le peuple juif aurait une pléthore de " prophètes " affirmant avoir reçu des messages divins de nature à rendre la vie plus facile et plus confortable. Fort heureusement, les prophètes ne sont pas investis d’un tel pouvoir, et donc épargnent au peuple juif un tel danger. Cependant, si la possibilité de changer la Torah existait pour D.ieu Lui-même, cela ne constituerait-il pas une menace pour la réalité de celle-ci et pour l’aptitude de l’homme à servir son Créateur ?
Pourquoi la révélation au Sinaï doit-elle être nécessairement un événement unique, non renouvelable ?
Rappelons-nous, pour qu’une croyance puisse être incluse dans ces principes, que la conscience que l’on en a et sa reconnaissance doivent faire la différence entre une Torah absolue et une Torah qui ne le serait pas. S’il n’y avait pas de principes de base, aucun système de lois ne pourrait nous lier. Aussi chaque principe nous place-t-il devant un choix : nous soumettre ou non à la volonté divine.
Nous n’avons pas à remettre en question l’affirmation du Rambam selon laquelle D.ieu ne donnera jamais une autre Torah. Mais il nous faut examiner pourquoi la révélation au Sinaï doit être nécessairement un événement unique, non renouvelable. Pourquoi cela doit-il faire partie de ces principes ?
LA TORAH EST VRAIE EN TOUTE ETERNITE
La différence entre une révélation unique et une révélation qui pourrait être répétée est pareille que celle entre une Torah absolue et une Torah qui serait relative.
L’idée que D.ieu puisse changer la Torah produirait le soupçon qu’elle puisse n’être vraie que pour une époque, une situation, ou un endroit particuliers. Par conséquent, elle ne pourrait pas être absolue. Dans une telle situation, la Torah ne serait plus le " plan de la Création ", elle n’offrirait que des moyens temporaires pour satisfaire aux besoins de la société.
Envisagée sous un tel contexte, la Torah ne pourrait pas être considérée comme s’appliquant à notre âge électronique. Il est évident que la société actuelle diffère de façon prodigieuse de celle qui a reçu la Torah il y a 3 500 ans. De plus, il est peu, sinon pas, de Juifs à habiter de nos jours dans un désert. Considérée sous cette perspective, une Torah qui a été donnée pour une civilisation agricole – ou même industrielle – pourrait être jugée totalement inadéquate et inapplicable à notre ère de l’informatique. Par exemple, dans une économie agricole, où les gens exécutent des travaux physiquement épuisants, on peut aspirer à la nécessité d’un Chabbath. Mais lorsque règne l’électronique, quand le seul geste à accomplir pour exécuter une tâche consiste à appuyer sur quelques boutons, l’idée du Chabbath n’est-elle pas devenue désuète ?
Il est impossible de parler de pertinence ou de désuétude à propos de ce qui est absolu.
Si, en revanche, nous savons qu’il n’y aura jamais plus d’autre révélation, si D.ieu promet qu’Il ne changera jamais un mot de la Torah, chaque mot qu’elle contient reflète une vérité de D.ieu Lui-même, et il est par conséquent le fondement de l’existence. Si nous réfléchissons à cela, il devient évident que la Torah ne peut pas être affectée par un changement situationnel. La manière de vivre et l’environnement ne peuvent jamais influer sur la validité ou l’applicabilité de la Torah, car il est impossible de parler de pertinence ou de désuétude à propos de ce qui est absolu.
La simple possibilité qu’il pourrait y avoir un jour une autre révélation, bien qu’il n’y en ait pas encore eu, troublerait profondément le Juif. Cette possibilité l’inciterait à penser que si elle n’a pas encore eu lieu c’est parce que le peuple juif ne s’en est pas rendu digne. Il serait alors tenté de raisonner et de se suggérer à lui-même que s’il en avait été digne, D.ieu Se serait certainement révélé et aurait adapté la Torah à sa manière de vivre du moment. Un tel raisonnement serait le commencement de sa fin, car plus rien ni personne n’attendrait du peuple juif qu’il devienne digne d’une révélation. La Torah cesserait d’exister parce que tout ce qu’elle contient de contraire à une manière de vivre donnée commencerait de paraître dépourvu de pertinence.
Si nous acceptons l’idée que la Torah est absolue, il devient évident qu’elle ne deviendra jamais inappropriée.
Nous découvrons alors que jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, le Chabbath n’a jamais été aussi indispensable et aussi adapté à nos besoins qu’aujourd’hui. Jamais autant qu’en ce XXIème siècle le Chabbath n’a été aussi nécessaire pour préserver notre judaïsme et pour transcender le matérialisme et l’hédonisme d’une société moderne fondée sur le culte du " moi ".
Comme les accomplissements technologiques de l’homme atteignent un niveau de sophistication qui dépasse ses plus grandes espérances, le besoin de prendre conscience que l’on est soi-même une création, redevable à son Créateur, devient lui-même plus grand. Le Chabbath est la clef vers la spiritualité et vers la prise de conscience que la richesse et la permissivité ne forment pas l’essentiel de l’existence humaine.
Mais il faut pour cela que nous ayons accepté l’axiome selon lequel la Torah est absolue. La nature de la personnalité de l’homme lui dicte l’idée que s’il existait n’importe quelle possibilité de changement, il se prendrait soudain à " découvrir " la désuétude du Chabbath.
En résumé, D.ieu garantit Lui-même qu’il n’y aura pas de changement dans la Torah. Elle est vérité absolue et invariable, et elle reflète la nature même de la Création, totalement pertinente à toutes les situations et à toutes les époques.
DES LOIS ABSOLUES DANS UN MONDE EN EVOLUTION
Une fois comprise la nature absolue et invariable de la Torah, vient la certitude de la nécessité et de l’essence de la Loi Orale. (Celle-ci inclut toutes les lois qui ont été données oralement à Moché rabbeinou au Sinaï, mais non celles qui sont déduites des treize règles herméneutiques. Bien que ces règles aient été dictées au Sinaï, leur application présuppose que s’y engage l’esprit humain, et elles sont par conséquent sujettes à changement.) C’est la Loi Orale qui fournit les moyens pour les lois absolues et les valeurs données au Sinaï d’être appliquées aux situations nouvelles.
Comment une Torah immuable et écrite peut-elle s’appliquer dans un monde en perpétuelle évolution ?
Comment une Torah absolue peut-elle s’appliquer aux besoins circonstantiels du moment ? Comment une Torah immuable et écrite peut-elle s’appliquer dans un monde en perpétuelle évolution ? Par exemple, les lois qui se rapportent aux bénédictions récitées avant la consommation d’un aliment ne figurent pas dans la Torah. Leur omission suggère qu’il existe une possibilité qu’un Juif puisse être tellement conscient que tout ce qu’il possède vient du Tout-puissant que les bénédictions seraient pour lui un rappel inutile. Elles ne seraient pas nécessaires parce qu’il ne commettrait jamais l’erreur de considérer que sa réussite puisse être la conséquence de ses propres efforts. Par conséquent, puisque la possibilité d’une telle conscience existe, au moins théoriquement, la loi qui nous impose, avant que nous mangions, de bénir D.ieu comme la Source de notre subsistance n’est pas absolue et donc ne figure pas dans la Torah.
Cependant, à partir du moment où un grand nombre de Juifs ont cessé de compter sur eux-mêmes pour se rappeler que la nourriture qu’ils étaient sur le point de manger était un cadeau du Tout-puissant, les Sages ont légiféré et ont introduit les diverses lois de bénédictions. Ils ont observé le déclin de la conscience que l’homme possède de l’existence de D.ieu comme Celui qui subvient aux besoins de l’humanité, et ils ont estimé indispensable d’instituer ces rappels. Si la responsabilité qui incombe aux Sages et les moyens de promulguer de telles lois se trouvent dans la Torah, et sont par conséquent absolus, les lois ainsi instituées par eux ne le sont pas.
Cet article est un extrait de : Fundamentals and Faith : Insights into the Rambam’s 13 Principles, du Rabbin Mordekhaï Blumenfeld.
Traduction et adaptation de Jacques KOHN
Série "Les 13 articles de Foi de Maimonide"
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article 8 Caractère divin de la Torah
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articles 10-11 L'omniscience de D.ieu
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