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Dieu à la Une" Le vingt-et-unième siècle sera religieux ou ne sera pas ", disait André Malraux, il y a 40 ans. Cet été, Dieu a fait son retour sur les manchettes de la presse écrite. Petit tour d'horizon.
Est-ce l'effet de la canicule ? Durant l'été, plusieurs journaux se sont posés la question de Dieu, ou pour être plus précis de sa domiciliation. Marianne dans son numéro du 18 août titrait : " On sait enfin où habite Dieu " tandis que le Science et Avenir de septembre annonçait non moins péremptoirement : " Dieu habite le cerveau droit ". Sans oublier le mensuel économique Les Echos qui dans son numéro spécial de juillet-août proposait tout un dossier fort bien documenté sur " Dieu : la valeur qui monte ".

Ce regain de spiritualité journalistique doit beaucoup aux recherches menées ces dernières années par les scientifiques américains, les docteurs Eugene d'Aquili et Andrew Newberg, qui ont testé les ressorts neurologiques de la foi dans une étude publiée sous le nom : " Pourquoi Dieu s'accroche ? "

Poussés à l'extrême, les neurones durant une expérience spirituelle intense se " désynchronisent ", " court-circuitent " le lobe gauche et déclanchent " le grand flash

Après maintes expériences menées sur des " cobayes " en prière ou " en état d'extase ", ces chercheurs ont constaté, IRM à l'appui, que les faisceaux des neurones situés dans le lobe pariétal supérieur s'éteignaient au moment de la communion totale avec le Divin. Cette région du cerveau est connue pour traiter les informations sur l'espace et le temps. Si ces dernières ne lui parviennent plus, la distinction entre le moi et le non moi ne se fait plus et le sujet a tôt fait de se percevoir comme un tout sans fin en symbiose avec toute chose. Poussés à l'extrême, les neurones durant une expérience spirituelle intense se " désynchronisent ", " court-circuitent " le lobe gauche et déclanchent " le grand flash ".



Ces découvertes et l'engouement qu'elles provoquent suscitent plusieurs remarques :

- D'après elles, le croyant subit un phénomène de court-circuitage et de désynchronisation qui débouche sur une sorte d'état second où il perd pied et s'illumine voire s'aveugle par ce qu'il croit être le Spirituel en lui. Rien n'est plus étranger à l'esprit de la Torah que cette idée de trip, de flash et d'envoûtement…La Torah ne cultive pas la " déconnexion ", mais plutôt l'attention et la vigilance, un enracinement permanant dans la réalité intérieure, humaine et sociale.

 

- On peut se demander également si l'idée d'un lieu assigné à Dieu, cette volonté, cette volonté de " théo-topographie " ne relève pas directement ou indirectement d'une tentative de démystification du sentiment religieux et de toute forme de spiritualité. Pour le judaïsme, Dieu ne peut être localisé car il est le Lieu par excellence. Son nom est Makom, le Lieu dans le sens où le monde est Son lieu et non Lui qui réside quelque part dans le monde. En d'autres termes, il est le Lieu du monde. Si l'homme Le " trouve ", c'est partout en lui, et partout dans le monde.


- Si une part essentielle de lui-même, sa Néchama, son âme, l'aide à le faire, cette part n'est pas localisable, car elle est faite du souffle divin qui réside en toute humanité mais jamais assujettie à une quelconque matière. Ces découvertes qui visent à matérialiser l'immatériel en le réduisant à des dimensions physiques, physiologiques et biochimiques " désidéalisent " et désacralisent plus ou moins consciemment la texture spirituelle et morale du monde. Aujourd'hui tout est affaire de glandes et de sécrétions : l'amour, la haine, la foi.

- En réduisant les valeurs à des hormones, ces scientifiques installent le sentiment latent de la déresponsabilisation. Au fond, suis-je responsable de mes neurones ? Si l'homme est agi par sa morpho-biologie, il n'est plus maître de ses choix, de ses désirs et ce qui est plus grave de sa volonté éthique qui se réduit à une certaine configuration de son cortex.

Le vingtième siècle tout en se disant héritier des plus hautes valeurs de la Raison a élaboré trois des plus grands systèmes tragiques de l'Histoire, trois systèmes où planent de façon plus ou moins évidente l'ombre de la fatalité. Le nazisme définissait l'homme par sa race, le marxisme par sa classe et toute proportion gardée la psychanalyse considère que ce sont l'Inconscient et la libido infantile qui sont les grands moteurs de l'âme humaine.

Pour le judaïsme, l'essentiel de l'homme réside dans sa capacité à vouloir, à choisir et à changer.

Pour le judaïsme, l'essentiel de l'homme réside dans sa capacité à vouloir, à choisir et à changer. Aucune fatalité ne pèse sur lui dès lors qu'il le décide, dès lors qu'il accepte de se voir tel qu'il est. L'étude, un travail permanent de sollicitation lucide de la conscience, le rapport à l'autre comme finalité primordiale font de l'homme un être agissant, nullement téléguidé par ses hormones, ses pulsions ou ses réflexes de classe.

La philosophie Chantal Delsol constate dans Les Echos : " On en était resté à l'idée de progrès avec un grand P et avec l'idée marxiste selon laquelle la religion était destinée à s'effacer avec la conquête par l'homme de son autonomie. Or c'est justement la chute du communisme qui nous révèle à quel point nous ne pouvons nous passer de Dieu, parce que nous sommes des hommes et que nous sommes toujours mortels. "

Ce besoin de Dieu ne saurait être réduit à une aire délimitée par des neurobiologistes, car le triomphe du scientisme, tout en libérant des scrupules de la culpabilité, instaurerait en définitive un monde de solitude triste uniquement fait de matérialité et de rationalité.

Si Dieu est aujourd'hui " une valeur qui monte " c'est bien parce que l'homme est par essence un être métaphysique en lutte contre les désenchantements du monde matériel et scientifique.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le rabbin Elie EBIDIA
Elie EBIDIA est titulaire d'un CAPES de Lettres et d'un Doctorat en Cinématographie. Il enseigne la Philosophie dans les lycées et au Séminaire Rabbinique de France et donne de nombreuses conférences sur la Pensée Juive. Il est l'auteur, aux Editions Tashma, d'un suspense talmudique, "Mission secrète au Palais des Ombres".
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