D’après une série de conférences prononcées par le Rabbin Ya‘aqov Weinberg, de mémoire bénie.
Nous croyons que cette Unicité est nécessairement originelle. Rien de ce qui existe d’autre que Lui ne lui est antérieur. Il existe dans les Ecritures de nombreuses allusions à ce principe. C’est là le quatrième article de foi, comme affirmé par le verset (Deutéronome 33, 27) : « Dieu qui a précédé [toute existence] est un refuge… »
Les 13 articles de foi de Maïmonide
PLUS QUE L’ETERNITE
Ani Maamin, cette version intégrale des treize articles de foi écrite par un auteur demeuré inconnu, énonce : « Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, béni soit Son nom, est le premier et le dernier. »
L’essentiel de cette déclaration semble être que D.ieu n’a ni commencement ni fin, qu’Il existe hors du temps et qu’Il n’est donc pas limité par lui. Ainsi, la déclaration contenue dans Ani Maamin paraît constituer une répétition du premier principe d’existence absolue, qui, par définition, signifie qu’Il n’a aucun commencement ni aucune fin. S’Il était soudainement apparu, Il aurait été dépendant de la source qui lui aurait permis d’exister. Comme nous l’avons vu en examinant le premier article de foi, il n’est pas possible de concevoir D.ieu comme un absolu dont émane tout le reste s’ Il a eu Lui-même un commencement.
Le principe n’est pas qu’Il « est le premier », déclaration qui implique qu’Il pourrait avoir eu un commencement.
En introduisant l’idée d’éternité, Ani Maamin induit en erreur. Il implique que Maïmonide se réfère à D.ieu existant hors du temps. Une lecture attentive de notre auteur montre cependant que cette assertion est incorrecte. Il soutient, en réalité, l’idée que le Tout-puissant a précédé l’univers et qu’Il l’a créé ex nihilo. Cela résulte de façon évidente du verset qu’il cite à l’appui de son développement : « Dieu qui a précédé [toute existence] est un refuge… » (Deutéronome 33, 27).
Le principe n’est pas qu’Il « est le premier », déclaration qui implique qu’Il pourrait avoir eu un commencement. Il est plus correct d’affirmer qu’Il est « sans commencement », le premier dans l’absolu. Il a précédé toute l’Existence et a créé toute l’Existence à partir d’un vide parfait.
L’ETERNITE DE LA MATIERE
Ce principe d’une Création ex nihilo a fait l’objet à travers l’histoire de débats célèbres entre les philosophes. Dans son Guide des Egarés (Vol. 2, ch. 25), Maïmonide considère qu’il serait possible, bien qu’erroné, d’accepter le récit de la Création dans la Genèse tout en professant que la matière est éternelle. Ce concept de l’éternité de la matière implique que D.ieu et l’univers ont coexisté sans aucun commencement, idée chère à Aristote.
Ce philosophe grec considérait qu’il y avait eu un commencement, mais pas de fin, le rôle du Créateur ayant un commencement et pas de fin. Pour Aristote, l’éternité de la matière ne contredisait pas sa croyance que D.ieu a été la Source de toute Existence.
LE DIEU IMPUISSANT D’ARISTOTE
C’est là que Maïmonide se sépare d’Aristote. Le Dieu d’Aristote n’est rien d’autre qu’une machine docile. Il ne peut pas choisir d’agir ou de réagir. Il est tel qu’il est, sans pouvoir décider de devenir ou non Créateur. Il est impuissant, dépourvu de toute compréhension, de toute conscience et de toute liberté. Un tel Dieu, aussi limité, ne peut pas faire l’objet d’un culte.
« Le Dieu d’Aristote n’est rien d’autre qu’une machine docile. Il ne peut pas choisir d’agir ou de réagir. »
Le Dieu de Maïmonide, au contraire, a précédé la Création et est libre de vouloir créer. Il observe et exerce Son contrôle. Le monde est le Sien.
Le Dieu d’Aristote n’exerce aucun contrôle. Même l’homme a plus de liberté d’action que le Dieu d’Aristote. Celui-ci est lié par sa propre nature et n’a donc aucun rapport avec la Création. Aucun des noms de D.ieu qui Le décrivent comme un Dieu créateur ne peut être appliqué à la divinité d’Aristote. Il n’est ni Seigneur, ni Maître, ni Puissance. Dans le monde d’Aristote, il n’y a rien qui puisse être adoré parce qu’il est impossible d’adorer une force limitée.
UN SAUT DANS LA FOI
Ce principe d’une Création ex nihilo ne nous est connu que de la Tora. Maïmonide (Guide des Egarés, ch. 16) et Yehouda Halévi (Kouzari 1, 63-67) admettent l’un et l’autre qu’il est impossible de prouver par la logique qu’Aristote est dans l’erreur.
Jusqu’ici dans nos explications, l’intellect servait de guide pour vérifier point par point l’exactitude de chacun de ces articles de foi. Etant donné que la thèse d’Aristote ne peut pas être combattue par la logique, nous devons maintenant nous en remettre à la révélation de D.ieu à Israël pour savoir la vérité.
Il semblerait, cependant, que ce principe puisse être déduit par raisonnement également. N’est-ce pas ce qui est arrivé dans notre histoire avec l’épisode d’Abraham ? N’a-t-il pas regardé le « palais » (Midrach hagadol 12, 1 ; Berèchith rabba 39, 1) et compris qu’il devait avoir un Propriétaire ? Il a observé l’univers et a su qu’il y devait y avoir un Créateur.
Non seulement Abraham a perçu un Dieu créateur, mais il a aussi conclu que ce Créateur se soucie de Sa Création et lui impose des obligations. Avec une totale clarté et une fidélité extraordinaire à ses convictions, il a déduit tous ces faits au point qu’il a choisi d’être jeté dans la fournaise ardente pour n’avoir pas à adorer des idoles (Berèchith rabba 38, 19), reconnaissant ainsi l’existence de lois morales promulguées par un Créateur. Ce système de moralité définit le rapport entre le Créateur et l’homme au point de créer chez celui-ci la nécessité de défendre la vérité même au prix de sa vie elle-même.
En usant de son intelligence, Abraham a vu dans l’univers un Dieu très différent de la divinité impuissante et purement mécanique d’Aristote. Le Dieu d’Abraham est lié à l’homme d’une façon telle que celui-ci peut s’adresser à Lui comme à son « Seigneur » et « Maître » (Genèse 15, 2 ; voir Berakhoth 7b). On peut dire que l’ingérence de D.ieu dans le fonctionnement parfait de l’univers est une étape subtile qui exige de la confiance tout autant que de la logique.
Pour Aristote, le « pourquoi » de la Création doit rester un mystère. Il est évident, pour ce philosophe, que le monde n’a pas été créé pour servir les besoins du Créateur, étant donné que, par définition, Il ne manque de rien et n’a aucun besoin. Si, selon Aristote, la création fait partie de la définition même du Créateur, cela implique qu’il n’a jamais existé un acte séparé de Création ou une volonté séparée de créer de la part de Celui-ci.
Pour Abraham, l’ordre sublime de l’univers témoignait d’un but et d’une signification.
Selon Aristote, il n’a jamais existé un acte de « donner », de ‘hessed, tel que l’on pourrait dire de la Création qu’elle a été un « don » octroyé à la créature. La question d’un « pourquoi » dans la Création ne se pose pas.
Abraham, quant à lui, ne pouvait pas laisser ce « pourquoi » sans réponse. L’ordre sublime de l’univers témoignait pour lui d’un but et d’une signification. Cette conviction l’a amené à conclure que le Tout-puissant n’avait pas toujours été un Créateur. Il a acquis l’assurance que D.ieu a voulu la Création pour l’avantage de l’homme. Cet avantage consiste dans le plaisir absolu qui est tiré de l’intimité à la Source de toute existence. Plus l’homme imite le Créateur, plus il devient proche de Lui.
Etant donné qu’Abraham en est arrivé à connaître D.ieu par un attribut divin qui s’est manifesté dans la Création, celui de ‘hessed, de don, il s’ensuit que le thème de la vie de notre ancêtre est devenu celui du don aux autres.
Cet article est un extrait de : Fundamentals and Faith : Insights into the Maïmonide’s 13 Principles, du Rabbin Mordechaï Blumenfeld.
Traduction et adaptation de Jacques Kohn
Série "Les 13 articles de Foi de Maimonide"
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article 3 l'Incorporabilité de D.ieu
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