Le second jour de Pessa'h
nous commençons le compte des jours de l'Omer (Sefirah). Nous comptons
49 jours - sept semaines exactement ; après quoi vient la fête
de Chavouoth.
Pourquoi ces jours ont-ils
été choisis pour cette supputation ? Et pourquoi, une année
après l'autre, les comptons nous ? Ne savons-nous pas que cette période
de Sefirah comprend 49 jours exactement ? Ce laps de temps est toujours le même;
il ne change pas, il ne peut changer. Alors pourquoi compter ?
Généralement,
quand on compte, c'est pour savoir le nombre exact qui résulte de cette
opération. Nous disons exact, parce qu'un nombre approximatif ne nous
satisferait point. Prenons un exemple : la population d'un pays est comptée
de temps en temps. On appelle l'opération un " recensement ".
Le Gouvernement l'effectue
pour savoir combien d'hommes, de femmes et d'enfants vivent dans le pays. Le
nombre des habitants n'est pas toujours le même; beaucoup de facteurs
le modifient constamment : de nombreux enfants naissent chaque année,
des personnes meurent; certaines quittent le pays, d'autres viennent s'y établir.
II est important de savoir si la population d'un pays s'accroît ou diminue.
DEUX RAISONS
PRINCIPALES
Si elle augmente, c'est
un bien ; c'est un mal si elle décroît, car, à pousser les
choses à l'extrême, de diminution en diminution, une population
peut s'éteindre tout à fait.
Si au contraire, elle augmente,
il est important de savoir dans quelle mesure cela a eu lieu et de quelle manière.
Car on peut alors savoir combien de nouveaux logements devront être construits
; combien seront nécessaires de nouvelles écoles, de nouveaux
maîtres; combien de paires de chaussures de réfrigérateurs,
de téléphones; combien de nourriture et de vêtements, et
ainsi de suite. Des plans peuvent être ainsi établis à l'avance,
des précautions prises afin d'éviter la pénurie, ou son
contraire, l'excès, qui peut être synonyme de gaspillage. C'est
là le seul moyen pour que la vie d'un pays soit harmonieusement organisée.
Ainsi donc, on compte pour
deux raisons principales : en vue d'avoir un chiffre exact, et parce qu'il est
important de connaître ce chiffre exact. Personne ne s'aviserait de compter
les grains de haricots contenus dans un paquet, ni les grains de raisins qu'il
y a dans une livre. Cela n'a aucune importance. En revanche, on compte l'argent.
Quand un travailleur reçoit son salaire, il le compte jusqu'au dernier
centime.
LA VRAIE
LIBÉRATION
Un esclave ne dispose pas
de son temps ; à leur libération d'Egypte, les Hébreux
doivent prendre conscience de la valeur du temps.
Le temps a, certes, une
grande importance pour un homme libre, puisqu'il peut l'utiliser à sa
guise. Par contre, un esclave ne dispose pas de son temps puisque celui-ci est,
comme l'esclave lui-même, la propriété de son maître.
C'est ce dernier qui veille à ce que ce temps ne soit pas perdu.
Or, les enfants d'Israël
étaient esclaves en Egypte, et, en raison de cet esclavage même,
le temps n'avait aucune importance pour eux. Quand Dieu les libéra du
joug des Pharaons, il importait qu'ils prissent conscience du caractère
extrêmement précieux du temps. Aussi, quand ils reçurent
la Torah sept semaines plus tard, il leur fut prescrit de compter ces jours
et ces semaines, afin qu'ils apprissent l'importance de chaque jour et de chaque
semaine.
Il y avait une autre raison
à la supputation de ces 49 jours : Dieu leur avait dit qu'ils recevraient
la Torah à l'expiration de cette période. Ils avaient été
libérés de l'esclavage, néanmoins, ils savaient qu'ils
n'étaient pas encore réellement libres. Car la vraie libération
est celle de l'âme et de l'esprit, quand nous nous sommes débarrassés
des habitudes et des pensées néfastes. Cette liberté vraie,
ils savaient que seule la Torah la leur apporterait.
Ainsi, de même qu'un
prisonnier à qui l'on annonce qu'il ne recouvrera la liberté que
dans quarante-neuf jours, et qui, par conséquent, compte impatiemment
les jours et les semaines qui le séparent de sa délivrance, les
enfants d'Israël comptèrent les jours avec une impatiente anticipation
de celui où ils recevraient la Torah au Mont Sinaï.
VALEUR RELATIVE DU TEMPS
Le fait que nos ancêtres
comptèrent les jours depuis leur départ d'Egypte jusqu'à
la Réception de la Torah est une raison suffisante pour nous de faire
de même. Il y a dans cet acte plus qu'il n'y paraît à première
vue. Car en l'accomplissant, nous sommes censés avoir les mêmes
sentiments d'anticipation éprouvés par nos aïeux. Il nous
fait penser à l'importance de la Torah et à celle du Temps.
La véritable mesure
du temps n'est ni celle dit calendrier, ni celle de la pendule ; elle est donnée
par ce que nous y mettons.
Examiné superficiellement,
le temps paraît être quelque chose qui ne change pas. Chaque semaine
comprend sept jours, chaque jour vingt-quatre heures, chaque heure soixante
minutes, et chaque minute soixante secondes.
Mais est-il vrai que le
Temps soit invariable ? Sûrement pas, car sa véritable mesure n'est
ni celle dit calendrier, ni celle de la pendule ; elle est donnée par
ce que nous y mettons. Si en une heure de temps nous n'accomplissons qu'une
somme de travail réalisable en quinze minutes, alors notre heure n'a,
en fait, que la valeur d'un quart d'heure.
La notion de temps n'est
pas la même d'un individu à l'autre; elle varie même pour
la même personne. Une heure le matin, quand on se sent reposé et
dispos, est plus qu'une heure à la fin de la journée, quand la
fatigue nous accable. Pourtant, il s'agit bien de soixante minutes dans un cas
comme dans l'autre. Ce qu'un enfant peut apprendre en un jour, alors que son
esprit est alerte et sa mémoire vive, demanderait une semaine beaucoup
d'années après, et peut-être davantage.
TROIS
ENSEIGNEMENTS
Un autre point qui a son
importance : comment nous utilisons le temps et ce que nous y mettons. Nous
pouvons passer le temps à des occupations dont la valeur est grande et
même éternelle ; nous pouvons, au contraire, le perdre dans des
futilités. Ainsi, tout en étant dans l'impossibilité d'allonger
le temps et de faire en sorte qu'une heure dure plus de soixante minutes, nous
pouvons, par nos actions et par l'étude, faire en sorte qu'elle dure
une éternité. Cela est vrai pour toutes les questions directement
rattachées à la Torah et aux Mitzvoth, car il s'agit là
de choses éternelles.
Résumons-nous : la
Supputation des jours de Sefirah nous enseigne
1 - A apprécier
la valeur du Temps et à en faire l'usage le plus profitable.
2 - A comprendre que Pâque
(libération du corps) est une préparation pour Chavouoth (libération
de l'âme).
3 - A marcher sur les
traces de nos ancêtres qui attendirent impatiemment le jour de la Réception
de la Torah et s'efforcèrent de devenir chaque jour meilleurs jusqu'à
ce que, d'un niveau moral et spirituel très bas, ils s'élevèrent
pour devenir un Royaume de Prêtres et une Nation sainte.