Il y a plus de deux mille ans, à l’époque du Second Temple,
alors que la ville de Jérusalem avait été capturée
par l’armée grecque, de nombreuses familles juives dans les collines
de Judée d’Israël devaient se cacher dans des grottes.
C’était une période difficile. Les Grecs persécutaient
les juifs dans tout le pays. La vie au quotidien n’était plus
la même. Les seuls juifs encore autorisés à rester en ville, étaient
ceux qui acceptaient de s’assimiler complètement et de vivre comme
les Grecs.
Ceux qui refusaient, devaient vivre dans la peur d’être pris par
les soldats et forcés à vivre comme des non-juifs. Ils n’avaient
plus le droit d’observer le Chabbat, ni de respecter le calendrier juif.
Et le pire de tout, c’était l’interdiction d’étudier
la Torah. Les Grecs voulaient que le peuple juif oublie tout ce qu’il
avait jamais appris sur le judaïsme.
Pourtant, certains juifs étaient déterminés à tenir
bon. Accepter les nouvelles règles instituées par les Grecs revenait à déclarer: « Etre
juif n’a pour moi aucune importance. » Pour eux, quoi qu’il
arrive, il était essentiel de s’accrocher aux lois juives et de
vivre une vie de Torah, comme les juifs l’avaient toujours fait à travers
les générations.
Notre histoire se déroule dans l’une des grottes où les
enfants juifs rencontraient leur moreh (maître) chaque jour pour apprendre
et étudier en secret.
« Aujourd’hui nous allons parler de Joseph, » dit Rav Chmouel,
en souriant aux enfants de sa classe. « La Torah nous raconte que Joseph
fut faussement accusé et jeté en prison. Deux autres prisonniers
se trouvaient enfermés avec lui : le maître échanson et
le boulanger du roi. Le maître échanson était emprisonné pour
avoir servi au roi un verre de vin dans lequel se trouvait une mouche. Le boulanger était
emprisonné parce qu’un petit caillou avait été découvert
dans le pain du roi. »
Les enfants aimaient beaucoup leur maître. Il était très
gentil avec eux. Les enfants s’asseyaient avec leurs ardoises et leurs
craies et pendant la leçon, ils prenaient des notes.
« Rav Chmouel, Rav Chmouel, » l’interrompit soudain Ephraïm,
en faisant irruption dans la grotte avec son ami Eliézer. « Ils
arrivent ! Un groupe de soldats tout entier gravit le sentier. Nous les avons
vus ! Ils arrivent ! »
« Ne vous inquiétez pas, » dit Rav Chmouel avec assurance. « Tout
se passera bien. Dépêchez-vous de ranger vos ardoises et commencez à jouer.
Ephraïm et Eliezer, retournez jouer dehors à l’entrée
de la grotte. »
« Très bien, Rav Chmouel, » dirent Ephraïm et Eliezer,
en se dirigeant nerveusement vers l’entrée de la grotte.
« Ephraïm, les voici, ils s’approchent ! » dit Eliézer,
terrifié en regardant dans la direction du sentier. « Regarde
leurs tuniques et leurs épées ! Qu’allons-nous faire s’ils
nous posent des questions ? »
« Ne t’inquiète pas, je m’en charge, » dit
Ephraïm.
Les soldats s’approchèrent des deux garçons.
L’un d’eux dit au commandant :
«
Les voici. Il doit s’agir de l’endroit où ils étudient
la Torah en cachette. »
Le commandant les interpella :
« Que faites-vous donc ici, gamins ? »
« Ne voyez-vous pas monsieur ? » répondit Ephraïm
respectueusement. « Nous jouons. »
« Savez-vous qui demeurent dans ces grottes ? » leur demanda le
commandant.
« Bien sûr, » dit Ephraïm avec assurance. « Chmouel
ben Yéhouda. Il vit ici avec sa famille. »
« Hé, » s’écria l’un des soldats, « j’entends
des voix d’enfants à l’intérieur. »
« Pourquoi y a-t-il tellement d’enfants dans cette grotte ? » demanda
le commandant.
« Oh, ce sont des amis des enfants de Chmouel, » répondit
Ephraïm. « Ils sont venus jouer avec eux. »
« Et vous, pourquoi ne jouez-vous pas avec eux ? » leur demanda
un soldat.
Ephraïm ne s’attendait pas à une telle question. Il commença à devenir
nerveux et avait peur que les soldats découvrent que les enfants étudiaient
en fait la Torah, ce qui représentait une violation du décret.
A cet instant, le petit Eliézer s’écria pour la première
fois :
«
Nous sommes sortis jouer dehors, parce que nous nous sommes disputés
avec les autres. Nous ne voulons plus jouer avec eux. »
« Ah ah, » dit le soldat. Mais il ne semblait pas croire entièrement
leur histoire. Sans crier gare, il pénétra dans la grotte, s’attendant à surprendre
les chenapans en train d’étudier la Torah. A sa grande surprise,
il les vit tous assis par terre, en petits groupes, occupés à faire
tourner des toupies. Une petite pile de noix au centre de la pièce servait
de cagnotte. Les toupies étaient en bois et comportaient quatre côtés.
Sur chaque face, était gravée une lettre hébraïque.
Après tout ce temps, le commandant commençait à perdre
patience.
«
Grégoire, pourquoi m’avez-vous amenez ici ? Ces enfants ne font
que jouer ! »
« Nous étions sûrs qu’ils apprenaient la Torah en
cachette, » dit Grégoire, le jeune soldat. « Notre service
d’espionnage nous avait informé que dans cette grotte, les juifs
transgressaient le décret. »
« Eh bien, peut-être existe-t-il un secret dans ces toupies avec
lesquelles ils jouent, » s’enquérra le commandant. « Hé toi, » s’écria-t-il à l’adresse
d’un enfant. « Apporte-moi cette toupie avec laquelle tu joues.
Que signifient ces lettres ? »
« Oh, » dit le garçon, « ce sont les initiales de
plusieurs noms d’enfants. La lettre noun veut dire Na’hman, la
lettre guimel signifie Guédaliah, la lettre youd, Yéhouda et
la lettre péh, Pin’has. »
Le commandant en avait assez.
«
Grégoire vous m’avez fait perdre mon temps. J’ai dû venir
jusqu’ici pour voir des enfants jouer ? Alors que j’avais des choses
bien plus importantes à faire ! »
Les soldats sortirent de la grotte et prirent le sentier qui redescendait
la montagne.
Rav Chmouel sourit et dit aux enfants :
«
Vous voyez les enfants, le danger est passé. Tout va bien. Dîtes-moi, » interrogea
Rav Chmouel, « quelle est la véritable signification de ces lettres
que vous avez écrites sur les faces de vos toupies ? »
Eliézer s’avança et dit :
«
Noun, guimel, youd, péh sont en fait les initiales de ‘Ness gadol
Yihyéh Po’. Un grand miracle se produira ici. »
« Amen, » répondit Rav Chmouel. « Puissent tes paroles
se réaliser. Nous avons besoin d’un miracle pour vaincre les Grecs. »
Depuis le miracle de ‘Hanouka qui s’est produit il y a bien longtemps,
les enfants continuent à jouer à la toupie pendant ces huit jours.
Un léger changement a tout de même été introduit
puisque la lettre youd qui indique le futur ‘ yihyéh ‘,
a été remplacée par la lettre hé de ‘ hayah ’ qui
indique le passé: « Un grand miracle s’est produit ici. »
Les toupies que l’ont utilisent en diaspora comportent aussi une autre
différence. La lettre péh du mot ‘ poh ‘ - ici, est
remplacée par la lettre shin du mot ‘ sham ‘ - là-bas
: « Un grand miracle s’est produit là-bas (c’est-à-dire
en Terre d’Israël). »
Sujets de discussion :
Q. A ton avis, comment le peuple juif vivait-il le fait de devoir
d’observer
la Torah en secret ? N’aurait-il pas été plus facile pour
eux de tout laisser tomber et de devenir comme les Grecs ?
R. Quand une chose est vraiment importante pour nous, nous nous battons pour
elle, même si cela doit nous causer des désagréments. La
solution de facilité était bien sûr d’abandonner
le judaïsme, mais c’était bien trop important pour eux, ils
savaient que leur futur en dépendait.
Q. Pourquoi selon toi, les Grecs s’en sont-ils pris spécifiquement
au Chabbat, à l’observance du calendrier juif et à l’étude
de la Torah, parmi toutes les choses que les juifs observaient ?
R. Ce sont des commandements vitaux pour le judaïsme. L’objectif
des Grecs était de déraciner le judaïsme et de voir les
juifs s’assimiler, pour cela, ils ont institué des décrets
sur des points majeurs : - L’étude de la Torah qui est la base
de tout le judaïsme.
- Le Chabbat qui est le jour de la semaine où nous témoignons
notre foi en l’existence de D.ieu, Créateur du monde. Parce que
le monde a été créé en six jours et que le septième
aucune création n’a été accomplie, le peuple juif
consacre ce jour à la cessation de toute activité créatrice
et réfléchit au sens de la vie et du monde.
- En observant le calendrier juif, les juifs s’attachent aux jours de
fête.
Toutes ces choses nous permettent de rester juifs.
Q. Comment te sentirais-tu et que ferais-tu si le gouvernement français
interdisait la pratique du judaïsme ? (Ce qui s’est produit, il
n’y a pas si longtemps, en URSS.)
Q. As-tu déjà été victime d’antisémitisme
dans la rue ou à l’école ? Qu’as-tu ressenti ?