Daniel était très contrarié !
Toute la journée il avait attendu le fameux grand match France-Allemagne
comptant pour la Coupe du Monde, un des plus importants de la saison, une rencontre
dont il avait rêvé toute la semaine ! Mais voilà que ses
parents venaient de lui annoncer qu’il allait devoir se contenter d’une
radio puisqu’une réunion familiale était prévue
dans la soirée !
‘Hanoucca ! Ce soir était celui de la première bougie
de ‘Hanoucca ! Il l’avait oublié ! Il se fâcha davantage
en apprenant que les deux grands, Avi et Esthy, de quelques années ses
aînés, prétextant une « soi-disant » préparation
d’examen, resteraient à la maison. Cela lui sembla inadmissible
!
Tout en rangeant ses affaires, il marmonna enragé :
-« ‘Hanoucca ! La fête des lumières ou je ne sais
quoi ! Encore une histoire de grand-père, une histoire vieillotte, et
ennuyeuse ! Et les grands ? Sais-tu pourquoi ils ne viennent pas ? demanda-t-il à son
jeune frère. Sais-tu pourquoi ? Parce qu’ils ne sont plus obligés
de participer à ce genre de bêtises ! C’est injuste… Et
mon match alors ? !
-Mais ils n’auront pas de beignets de Mamie ! Hum ! Les bons beignets à la
confiture, au miel et au caramel !, lui dit Mikaël afin de le dérider.
- Beignets ? … Toi, de toute façon, tu ne penses qu’à manger
!
- Et pour toi il n’y a que le foot qui existe !, répondit son
frérot vexé.
- Mais tu ne comprends pas … Le foot c’est … C’est … c’est
l’équipe ! C’est être tous ensembles, et gagner ou
perdre tous unis, c’est autre chose que de manger !
- Et ça t’apporte quoi ?
- Oh, tu es trop petit pour comprendre ces choses-là. Dans un ou deux
ans peut-être on pourra en reparler ! »
Froissé davantage, Mikaël sortit de la chambre, ses dés
et sa toupie fortement serrés dans son poing. Contrairement à son
grand frère, Mikaël adorait ‘Hanoucca. Il aimait les couleurs
et les odeurs de cette fête, les flammes dansantes de la ‘hanoukkia
(chandelier à huit branches que l’on allume les huit jours de ‘Hanoucca),
les chants, les parties de dés et de toupies, alors que toute la famille,
rassemblée autour de la table, dégustait les beignets, après
l’allumage des bougies…Mais ce qu’il appréciait par
dessus tout c’était le jeu de questions-réponses de Papi
Doudi, et les « récompenses-cadeaux » qui l’accompagnait
!
Suite aux protestations redoublées de Daniel, c’est avec grand
retard qu’ils sonnèrent à la porte du pavillon des grands-parents.
Oncles, tantes et cousins attendaient depuis plus d’une heure les retardataires,
avec plus ou moins de patience. Une lourde atmosphère régnait
dans la grande salle à manger familiale.
« Ils auraient du le laisser à la maison ! De toute façon
il ne participera pas à la fête ! », pensait Mikaël dans
son cœur. « Il va gâcher toute la soirée ! »
- « Enfin vous voilà ! s’écria Mamie. Mais que vous
est-il donc arrivé ? Il est plus de huit heures !
- Rien de bien grave ! répondit le père des garçons tout
en fixant sévèrement Daniel. Un petit problème, c’est
tout !
- Allez, Allez, installez vite vos ‘hanoukkiotes, afin que nous puissions
enfin commencer ! »
Mikaël et sa petite sœur Yaéli déballèrent
le plus rapidement possible la bouteille d’huile d’olive, les mèches,
bref, tout le matériel nécessaire pour l’allumage de la
première lumière. Daniel, dans son coin, visiblement indifférent à l’agitation
générale gardait l’oreille collée à son petit
poste de radio !
C’est au « Maoz Tsour » (chant traditionnel qui suit l’allumage)
que la France marqua son premier but. Daniel ne put étouffer un cri
de joie. Son père, furieux, le força à éteindre
sa radio, d’un geste emporté de la main ! Décidément,
il dépassait les bornes !
Toutes les flammes féeriques des ‘hanoukkiotes, posées
sur le rebord de la fenêtre, les beignets, les chants ne consolèrent
pas le garçon de son humiliation. Il resta prostré sur un canapé,
et n’adressa la parole à personne.
Alors Papi Doudi entra dans son bureau, et en ressortit une petite demi-heure
plus tard, chargé d’un énorme paquet débordant de
prix soigneusement choisis pour chacun de ses petits-enfants, présents
et absents. Tous, tels des oisillons excités, piaillèrent joyeusement
autour de leur grand-père :
« - Et bien mes chéris, vous êtes tous prêts ?
- OUI !!! crièrent-ils d’une même voix.
- Je commence :
Qui peut me dire ce que l’on fête à ‘Hanoucca ?
- La victoire contre les Grecs !
- Bravo ! dit Papi
- La purification du Temple !
- Excellent ! rajouta- il.
- Le miracle de la fiole d’huile, qui brûla huit jours au lieu
d’un seul !
- Magnifique !
- Le triomphe de la lumière contre les ténèbres !
- Mes petits-enfants sont fantastiques ! Je suis fier de vous. Vous méritez
toutes les surprises que je vous ai préparées ! … D’autres
réponses ?
- Ouais … On fête une vieillerie d’il y a deux milles ans
et qui n’intéresse plus que les …
- Les vieux imbéciles comme moi, tu peux le dire mon garçon ! »
Un silence glacial s’installa dans la pièce.
Daniel, prenant soudainement conscience son insolence, bredouilla une sorte
d’excuse un peu surfaite :
- « Euh, pardon Papi Doudi, ce n’est pas ce que je voulais dire,
je …. Enfin…
- Et qu’avais-tu l’intention de dire ?
- Eh bien, c’est vrai quoi Papi ! Le Temple… C’est une vieille
histoire, qui n’a plus sa place aujourd’hui …
- Et qu’est-ce qui a sa place aujourd’hui, fiston ? Les matchs
de foots ? »
Le jeune baissa la tête, un peu honteux :
- « Ben pour moi, oui !
- Je vois ! Continua le vieil homme, je vois ! »
Il le fixa un court instant puis détourna son regard, sans un autre
commentaire :
- « J’ai encore une autre question, mes enfants !
- On t’écoute Papi ! s’écria Yaéli, comme
pour détourner davantage l’attention de son grand-père
de Daniel.
- Merci bien ma chérie ! Alors donc, j’aimerais savoir qui dans
le ciel, l’eau, la terre, enfin dans l’univers entier, Qui est
le plus Grand, le plus Fort, et le plus Gentil ?
- C’est toi, notre Papi Doudi !
- Moi ? dit le grand père en éclatant de rire. Moi ? Oh non ce
n’est pas à moi que je pensais !
Alors Qui donc ? Vous n’avez pas d’idées ? C’est pourtant
très simple !
- Moi, je sais …, osa la petite Sarah de sa voix toute faible et fluette.
- Oui Sarah, qui est-ce ?
- C’est… c’est D.ieu !
- Bravo ! Bravo ! Tu as mérité ton beau cadeau !
Et le grand-père sortit une très jolie poupée toute habillée
de bleu et de blanc. La fillette écarquilla les yeux, éblouie.
- « Merci, chuchota-t-elle émerveillée.
- Et moi, exigea Yaeli, moi aussi j’ai bien répondu !
- Oh mais il y en a pour tout le monde ! Celui-ci est pour Yaeli, celui-là pour
Michael, ensuite Nathan, Raphaël, bien qu’il n’ait répondu à aucunes
de mes questions ! Et voici pour les jumelles Rahel et Léa. Et … Et
je crois bien que c’est tout ! »
Yaeli inquiète se tourna vers Michael déjà occupé à ouvrir
l’énorme boite qu’il venait de recevoir.
- « Oui, Yaeli, quelque chose ne va pas ? questionna Le grand-père
d’un air malicieux.
- Euh… C’est à dire que … Euh, Daniel n’a rien
reçu ?
- Daniel ? A oui ! Mon Daniel, j’ai oublié mon Daniel !
- Ce n’est pas la peine Papi, je ne suis plus un gamin ! répondit
virilement le garçon.
- Mais si, mais si il y en un pour toi aussi, je crois qu’il est resté au
fond ! »
Papi plongea la main dans le sachet et en sortit une boite plate, du format
d’un disque :
- « Tiens c’est pour toi, si tu réponds à ma dernière
question ! »
Le garçon haussa les épaules, un peu agacé, mais comme
il ne voulait pas peiner son grand père, il joua le jeu des petits :
- « Quelle est la question ?
- Qu’est-ce que c’est que le Temple ? »
Daniel le regarda un peu ahuri :
- « Le Temple ? Le Temple? Ben c’est le Temple !
- Moi, moi je sais ! s’écria Yaeli, moi je sais ! Le Temple c’est
la Maison de D.ieu !
- Maison de D.ieu ? s’étonna Raphaël. D.ieu n’a pas
besoin de maison, puisque Il est partout !
- Oui, c’est la Maison de D.ieu n’est-ce pas Papi ? C’est
ma maîtresse qui me l’a dit ! Je l’ai appris hier, à l’école
!
- Elle a raison ! c’était la maison de D.ieu du temps où Il était
plus proche de nous, plus dans le monde ! lança solennellement Michael.
Moi aussi je l’ai appris. En hébreu on l’appelle « Beth
Hamikdach » !
- C’est exact ! confirma leur grand-père.
- Vraiment Papi Doudi ?
Je ne comprend pas que D.ieu ait une maison ! reprit Raphi dérouté.
- Qui peut lui expliquer ?
- Moi ! cria Yaeli. La maîtresse m’a dit que D.ieu ne peut venir
que dans un endroit Kadoch (saint) ! Parce que si Il descend dans un endroit
pas Kadoch, l’endroit explose ou brûle enfin je ne sais pas très
bien… Et c’est pour cela que sa Che’hina (sa présence)
est remontée un peu plus haut dans le ciel ! Parce qu’Il nous
aime, et ne veux pas que nous ayons du mal parce qu… !
- Qu’est ce qu’elle raconte… ? marmonna à nouveau
Daniel crispé.
- Oui, c’est vrai ! hurla-t-elle de plus belle, même que Nabuchodonosor à tué tous
ses serviteurs lorsqu’ils lui dirent que le Beth Hamikdach qu’il
avait cassé était le seul endroit où il pourrait avoir
une interprétation à ses rêves ! Et puis toi tu es bête
et tu ne comprends rien !
- Allons, allons …calma Papi Doudi, ne vous disputez pas ! Tiens Daniel,
prends ton cadeau ! Je te souhaite de bien en profiter ! Et toi Raphi je t’expliquerai
plus tard pourquoi D.ieu a une maison, plus tard … »
Les enfants sentirent que leur grand-père était à présent
fatigué et qu’il avait besoin de se reposer et de rejoindre le
groupe des adultes. Ils le couvrirent de gros bisous en guise de remerciements
et se retirèrent afin de profiter de leurs cadeaux.
A suivre…