Quelles que soient les qualifications de ce crime, il y a une réalité brute face à nous :
« Ils se définissent comme barbares » et la barbarie va suivre. Hitler lui aussi se définissait de la manière suivante : « Oui, nous sommes des barbares et j’en suis fier…».
Bien sûr, aucune commune mesure si l’on réfléchit chiffre, mais chaque être humain, disent nos maîtres, représente un monde entier ; et en le tuant c’est un monde entier qui disparaît. En dehors de sa propre mort, c’est tous ceux qu'il aurait pu faire naitre qui ne seront pas.
Cet événement se passe à un moment où la Torah nous relate l’interdiction que D.ieu fit aux anges de chanter lorsque les égyptiens qui poursuivaient le peuple juif était en train de se noyer dans la mer. La raison en est très simple : c’est que si l’on peut se « réjouir » de la disparition de celui qui veut nous tuer, on ne peut se réjouir de le voir être en train de se noyer, on ne peut pas se réjouir de le voir souffrir.
Se réjouir de la souffrance d’un individu voudrait dire qu’on la justifie, et si nous la justifions, alors un jour nous justifierons la raison de la créer et c’est à ce moment là que l’on passe dans les camps des barbares.
Lorsque Rabbi Méïr priait D.ieu pour que ses voisins qui le faisaient souffrir disparaissent, son épouse Brouria lui fit remarquer que le verset ne dit pas « que les pécheurs disparaissent » mais il dit bien « que les fautes puissent disparaître ». Ce faisant, elle lui proposait de prier et d’agir pour que l’individu change et que l’idée même de vouloir faire souffrir l’autre puisse disparaître.
Pour cela, nous devons nous interroger sur la vigilance, que nous avons au quotidien, de ne pas créer nous aussi la souffrance chez l’autre. Bien sûr nous ne sommes pas dans le même registre car là nous sommes face à la torture et au crime ; mais néanmoins, rappelons-nous que les choses se construisent petit à petit et que la vigilance doit commencer extrêmement tôt.
Sommes-nous prêts à mettre en place à l’intérieur des systèmes éducatifs une réflexion sur ce que veut dire faire souffrir l’autre ? Sommes-nous prêts à reconstruire une démarche de sensibilité dans les programmes de télévision ? Sommes-nous prêts à proscrire tout ce qui a trait à la violence dans les jeux proposés à nos enfants ?
Je m’éloigne direz-vous du sujet, mais rappelons-nous de l’enseignement du Rav Dessler qui, après les événements tragiques de la Shoah, se posa une question : que faisons-nous avec l’événement, comment construire sur la base du tragique ?
Ce rappel paradoxal dans la bouche de ceux qui ont tué, d’une des qualités fondamentales du peuple juif qui est l’entraide et la solidarité.
Cette tragédie appelle une autre réflexion : une des raisons exposées pour la demande de rançon était : « les juifs ont de l’argent et même si cette famille n’en a pas, les autres leur en donneront ».
Deux pensées me viennent. D’abord, le cliché qui justifie « une attitude » : et nous, que faisons nous de nos propres clichés, sommes nous prêts à les dépasser ? Et puis une seconde idée : ce rappel paradoxal dans la bouche de ceux qui ont tué, d’une des qualités fondamentales du peuple juif qui est l’entraide et la solidarité.
Si Ilan pouvait parler, il nous dirait peut-être « débarrassons-nous de nos propres clichés, car voyez où cela peut mener, faisons fonctionner l’entraide sans avoir besoin de nous retrouver dans des situations aussi dramatiques ».
Une des plus belles choses que l’on peut offrir à une personne que n’est plus, c’est de lui montrer que nous pouvons tirer quelque chose de sa tragédie. Que face à la réalité incontournable de sa souffrance et de sa disparition, nous décidons de tirer un enseignement. En tant qu’adulte dans nos relations à autrui, en tant que parents, dans une vigilance nouvelle vis à vis de ce que nos enfants voient, observent et écoutent.
Je laisse le soin à tous ceux dont c’est le métier de reposer le problème de l’antisémitisme, des pouvoirs publics, de la société.
Puisse cette réflexion ne plus avoir besoin d’événement tragique comme celui-ci pour pouvoir être exprimé.