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La Tora et la démocratie sont-elles compatibles ?Entre deux scrutins...

Les urnes que l'on a installées en France à l'occasion des élections présidentielles ont rendu leur verdict, et nous nous apprêtons maintenant à célébrer comme il se doit la fête de Chavou'oth. Démocratie d'un côté, Tora de l'autre…

Ce rapprochement suggéré par le calendrier nous fournit l'occasion d'une réflexion sur les rapports entre la Tora et la démocratie, et tout particulièrement sur la question de savoir si elles sont ou non compatibles.

La révélation de Dieu aux enfants d'Israël sur le mont Sinaï a changé le cours de l'histoire humaine. Nous lisons le jour de Chavou'oth le passage de la Tora qui décrit cet épisode, et notamment le verset : « Moïse fit sortir le peuple à la rencontre de Dieu depuis le camp, et ils se sont tenus dans le bas de la montagne » (Chemoth 19, 17).

Cette expression « dans le bas de la montagne » (be-ta'htith ha-har) a donné lieu à l'interprétation suivante, rapportée dans la Guemara Chabbath (88a) :
Rav Avdimi bar 'Hama bar 'Hassa a enseigné : Cela nous apprend que le Saint béni-soit-Il a arraché la montagne de son emplacement et qu'Il l'a renversée sur eux comme une coupole, en leur disant : « Si vous acceptez la Tora, ce sera bien ; et sinon là seront vos tombes ! »

Cet enseignement, qui a été abondamment commenté, peut être notamment compris comme affirmant l'autorité absolue de la Tora, et comme énonçant qu'elle écarte toutes les autres sources juridiques applicables aux rapports humains.

On peut donc dire qu'il pose également le problème de la compatibilité de la Tora et de la démocratie, en tant que celle-ci se définit comme un régime politique dans lequel le peuple élit ses représentants pour qu'ils légifèrent en son nom. Plus exactement, est-il concevable qu'une dose de démocratie puisse être introduite dans l'observance de la Tora ?

Une majorité est, de par sa nature même, éphémère. La Tora est, en revanche, immuable, constante et inaltérable.

C'est là pour le Juif une question de fond : La démocratie représente, dans son essence, le gouvernement par la majorité du peuple, soit que la vox populi s'exprime directement, comme c'est le cas lors d'un referendum, soit qu'elle dicte sa loi par l'intermédiaire de ses représentants, ce qui est le fondement des démocraties parlementaires.

Or, une majorité est, de par sa nature même, éphémère. Ce qu'a fait celle d'hier, une autre le défera demain.

La Tora est, en revanche, immuable, constante et inaltérable, de sorte que, selon certains, l'idée de démocratie est totalement étrangère à celle d'un État juif. Dans un pays qui se veut fidèle à la Tora, chacun est tenu d'observer les commandements tels qu'ils ont été promulgués au mont Sinaï. Quiconque est d'un avis contraire, non seulement ne peut pas s'opposer à leur observance, mais encore n'a pas le droit de professer une quelconque opposition.

Selon cette école de pensée, il est évident que la direction des affaires publiques ne peut laisser aucune place à une volonté populaire, telle qu'elle se manifeste lors d'élections au suffrage universel, caractéristique première d'un régime démocratique. La loi est la loi, et elle ne peut ni être abrogée, ni être amendée par les hommes, fussent-ils consacrés par cette volonté populaire.

Cette opinion ne fait pas, il s'en faut de beaucoup, l'unanimité chez nos Sages. Un grand nombre d'entre eux sont de l'avis que l'obligation qui nous est imposée d'observer les commandements de la Tora tels qu'ils ont été donnés au Sinaï, s'applique même dans un État qui ne la respecte pas, et donc qu'elle peut cohabiter avec une volonté démocratique. Aussi bien, l'existence d'un État juif démocratique, même s'il n'impose pas à ses citoyens d'observer la Tora et les mitswoth, ne porte pas atteinte à la validité de cette allégeance, immuable et indépendante de toute allégeance politique.
La Tora écarte-t-elle de son champ d'application l'expression d'une volonté populaire ?
Il existe, nous semble-t-il, au moins trois domaines où elle réserve une place légitime à cette expression.

Le premier de ces domaines présente surtout un intérêt historique, mais il peut avoir des incidences sur notre existence actuelle.

À propos de la proclamation de la monarchie, la mitswa qui veut que l'on nomme un roi dépend, selon le Netziv, de la volonté du peuple, car on ne peut pas lui imposer un type de gouvernement dont il ne veut pas. Et il n'est pas jusqu'à la volonté du Sanhédrin qui ne doive s'effacer devant cette exigence (Ha'émeq davar, Devarim 17, 14). On peut donc dire qu'il est ici conféré à l'expression démocratique, non seulement un pouvoir législatif, mais encore une prérogative constitutionnelle.

De cette intrusion de la volonté du peuple dans l'application de la Tora résulte le principe, selon rav Abraham Kook (Responsas Michpetei kohen 144), que lorsqu'il n'y a pas de roi en Israël c'est cette volonté qui est la source de toute autorité gouvernementale.
Il n'est pas permis d'imposer une restriction à la communauté si la majorité de celle-ci n'est pas disposée à la respecter.
Un autre domaine où l'on voit coexister la volonté populaire et l'absolu de la Tora est exploré à plusieurs reprises par la Guemara. Celle-ci pose comme principe qu'il n'est pas permis d'imposer une restriction (guezeira) à la communauté si la majorité de celle-ci n'est pas disposée à la respecter.
Ce principe, que le Talmud formule à quatre reprises (Baba qama 79b ; Baba bathra 60b ; 'Avoda zara 36a et Horayoth 3b), trouve son application dans divers domaines, le plus connu étant celui de la cacherouth de l'huile fabriquée par un non-Juif.

La Guemara émet l'hypothèse que le prophète Daniel avait prononcé dix-huit interdictions (Chabbath 13b et 17b), dont celle de consommer, à l'instar du vin, de l'huile fabriquée par un non-Juif, et que cette interdiction avait cependant été levée par rabbi Yehouda ha-nassi.

Comment est-ce possible, s'étonne la Guemara ? Ne sait-on pas qu'un beith din n'a pas le droit, à moins d'être « plus grand » que son prédécesseur, d'abroger ce qu'a décidé avant lui un autre beith din ? C'est que, répond la Guemara, il n'est pas permis d'imposer une restriction (guezeira) à la communauté si la majorité de celle-ci n'est pas disposée à la respecter.
On peut par conséquent conjecturer qu'il s'est dressé, à l'encontre de cette interdiction imposée par Daniel, une résistance populaire, caractérisée par une volonté contraire de la majorité du peuple, et que cette résistance a suffi à rabbi Yehouda ha-nassi pour qu'il donne mainlevée de l'interdiction.
Le troisième domaine concerne l'affirmation selon laquelle dina de-malkhoutha dina (« la loi de l'État fait loi »).

Ce principe, qui rend, dans certaines matières, la loi des hommes compatible avec la halakha, introduit dans celle-ci des données juridiques qui lui sont a priori étrangères.

Si en effet la « loi de l'État » forme une partie intégrante, dans les cas où elle est applicable, de ce que stipule la halakha, cela veut dire qu'elle est soumise, comme indiqué plus haut, aux mêmes possibilités d'abrogation, d'amendement et de révision que toute législation instaurée démocratiquement. Cela revient, en d'autres termes, à introduire dans la halakha une certaine dose de volatilité.
Et l'on remarquera, de surcroît, que si, dans les deux premiers des trois domaines que nous avons énumérés, l'expression de la volonté populaire s'émane nécessairement d'une vox populi judaica, il n'en est pas de même dans le troisième, celui de dina de-malkhoutha dina, qui consacre l'intrusion dans la halakha de lois qui peuvent être celles des non-Juifs.

Le débat à propos de la compatibilité de la Tora et de la démocratie se poursuivra probablement longtemps encore.

Ce que nous avons voulu montrer ici, c'est que, compatibles ou non, elles s'interpénètrent dans un grand nombre de domaines, et qu'il n'est pas possible de les tenir à l'écart l'une de l'autre.

 

 



A PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Kohn
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COMMENTAIRE(S) DE VISITEUR(S)  2
tora &démocratie - 8 Juin 2012 - par neufeind winfried
La tora et la démocratie sont compatibles car somme toute c'est tojours D' qui agit sur l'inconscient des humains tout en laissant le libre-arbitre à chaque individu.
la question de la compatibilité entre la Tora et la démocratie - 7 Juin 2012 - par NTONE Alain <alainntone2006@yahoo.fr>
A la lecture de votre article, je constate que votre dernière phrase résume suffisamment ce qu'il y a lieu de dire à ce sujet. Mais toutefois, permettez-moi d'ajouter que ma compréhension des rapports entre la volonté divine et celle des hommes se heurte au principe de laïcité érigé par nombre de démocraties à mesure que leurs agissements ne s’accommodent pas avec le religieux. Je propose une autre démarche pour enrichir notre réflexion: Quelle est la place de la Tora dans la construction d'une démocratie laïque ?
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