Le 18 Janvier prochain,
un hommage sera rendu aux Justes de France, au Panthéon,
par le président de la République, Jacques Chirac. Cest la Fondation
pour la Mémoire de la Shoah, présidée par Simone Veil,
qui en avait proposé le principe et c’est à Renaud Donnedieu
de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication qu’a été confié le
soin de le préparer.
La cérémonie aura lieu dans la nef du Panthéon. Agnès
Varda a créé pour la circonstance une œuvre audiovisuelle
(projection de films sur quatre écrans, portraits de Justes) et le chœur
Accentus interprètera une cantate de Francis Poulenc, « Figure
humaine » sur des poèmes de Paul Eluard. « L’hommage
de la Nation aux Justes de France » sera concrétisé par
une inscription figurant dans la crypte du Panthéon. Voici le texte
de cette inscription :
« Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans
les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent
de s’éteindre. Nommés « Justes parmi les Nations » ou
restés anonymes, des femmes et des hommes , de toutes origines et de
toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites
et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur
de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité ».
C’est le Mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, qui
a défini dès 1953 la notion de Justes des Nations : ce sont des
non-Juifs qui ont sauvé des Juifs, au péril de leur vie, et d’une
manière totalement désintéressée, en les hébergeant,
en leur fournissant de faux papiers d’identité, ou en les aidant à trouver
des pays d’accueil plus sûrs.
En 2005, on dénombrait 20 757 Justes des Nations dans le monde. Pour
la France, on arrive à ce jour à un total de 2725 Justes.
C’est Yad Vashem qui décerne le titre de « Juste parmi les
Nations » après examen des témoignages qui lui sont soumis,
et qui décerne ensuite la « Médaille des Justes » soit à l’intéressé lui-même,
soit le plus souvent maintenant à ses descendants, enfants ou petits-enfants.
Une exposition organisée en Juin dernier au Mémorial de la Shoah, à Paris,
a permis de découvrir les visages de beaucoup de ces héros anonymes.
On y voyait de nombreuses photos de prêtres en soutane et de pasteurs,
mais aussi de paysans, d’instituteurs, de notables ou d’ouvriers.
Ces vieilles photos en noir et blanc étaient très émouvantes.
On y voyait aussi les familles et les enfants qui étaient hébergés
et cachés dans de nombreux villages de France. Certaines de ces photos étaient
gaies, surtout celles où on voyait des enfants insouciants, alors que
nous, spectateurs, savons qu’ils ne reverraient peut-être jamais
leurs parents, qui les avaient confiés à ceux qui allaient devenir
leurs sauveurs.
Dans le cadre de cette
exposition fut également inaugurée l’allée
des Justes, bordée d’un mur sur lequel sont gravés les
noms des Justes français répertoriés jusqu’en 2006.
Cette allée des Justes se trouve à l’entrée du Mémorial
, près du Mur des Noms où figurent les noms des 76 000 Juifs
français morts en déportation.
Nous avons tous entendu
des récits de délations, de trahisons,
de dénonciations, d’humiliations perpétrées par des
Français envers
des Juifs. C’est vrai, il y a eu des comportements inqualifiables et
criminels. Il est vrai également que nous aurions préféré ne
pas nous consoler en nous disant qu’il n’y a eu « qu’un
tiers » de la population juive qui n’est pas revenu des camps de
la mort, mais il ne faut pas minimiser pour autant les actions positives que
d’autres Français ont accomplies en notre faveur en prenant des
risques énormes, en payant parfois leur courage de leur vie.
On trouve dans la Torah
deux injonctions à ne pas oublier le mal que
nous a fait Amalek : « zahor » (souviens-toi ) et « al tishkah » (n’oublie
pas). Nos Sages les ont interprétées de différentes manières,
mais, en ce qui concerne les Justes, on pourraît peut-être les
actualiser en disant « zahor » : souviens-toi du mal que nous ont
fait les Nazis, et « al tishkah » : n’oublie pas le bien
que certains non-Juifs nous ont fait.
A ce propos, il convient
de signaler la parution cette semaine, aux éditions
Payot, d’un livre de Gabriele Nissim : « Le jardin des Justes.
De la liste de Schindler au tribunal du bien « . Il s’agit d’une
biographie de Moshe Bejski qui fut président de la Commission des Justes
de Yad Vashem, à Jérusalem, de 1970 à 1995. Moshe Biejski
a démissionné en 1995 pour protester contre ce qu’il considérait
comme de l’ingratitude envers les Justes et contre une attitude tendant à ne
vouloir laisser à la postérité que le souvenir des souffrances
et des destructions.
Moshe Biejski avait lui-même fait partie des juifs sauvés par
Oskar Schindler, qui était un personage assez controversé, mais
dont il a tenu à honorer la mémoire. De même, en tant que
président de la Commission des Justes, il a dû résoudre
de nombreux dilemmes, dont Schindler n’est qu’un exemple : peut-on être
nazi et Juste ? Dans d’autres cas, c’était : peut-on être
antisémite et Juste ? Moshe Biejski a voulu élargir la notion
de « Juste » à des personnes n’ayant peut-être
pas risqué leur vie, mais compromis leur honneur ou leur carrière
pour sauver des Juifs.
Les cas les plus connus
sont ceux du consul du Portugal à Bordeaux,
Aristides de Sousa Mendes qui délivra plus de 10 000 visas à des
Juifs, ce qui lui valut d’être destitué par le gouvernement
de Salazar, et de finir ses jours dans la misère. Citons également
le cas du gendarme Grüninger, de Saint Gall, en Suisse, limogé pour
avoir aidé des Juifs, mort lui aussi dans la misère et dont la
fille n’a obtenu que récemment la réhabilitation, à la
suite d’un long procès.
En France, parmi les 2725
Justes recensés, on peut citer deux exceptions.La
première, c’est celle du village protestant du Chambon-sur-Lignon,
dans la Haute-Loire, où, sous l’impulsion du pasteur André Trocmé et
de sa femme, Magda, tous les habitants participèrent au sauvetage des
Juifs. Chose absolument incroyable : il n’y eut pas une seule trahison.
Le Chambon est le seul village à avoir reçu la Médaille
des Justes à titre collectif. Dans le village, une plaque rappelle qu’ « Ici,
on a aimé les Juifs ».
Le deuxième cas d’exception est celui de Léon Bronchart,
cheminot à la SNCF, qui, en Octobre 1942, à Montauban, refusa
de conduire un train de prisonniers politiques et de déportés.
Il fut le seul cheminot à avoir le courage de dire : « Non, je
ne conduirai pas ce train ».
Nous n’avons cité ces quelques cas que pour leur valeur exemplaire,
mais, pour chaque famille concernée, chaque Juste fut un sauveur sans
qui nombre d’entre nous ne seraient pas en vie actuellement . Je voudrais évoquer,
pour terminer, notre cas personnel, et citer le nom d’Odette Androt,
une jeune secrétaire de mairie (âgée aujourd’hui
de 93 ans) qui vint en aide de plusieurs manières (faux papiers, hébergement,
destruction de la liste des Juifs cachés dans le village, paraphée
par le maire, et destinée au ministère de l’Intérieur) à une
vingtaine de familles juives réfugiées dans un village de l’Indre.
Nous sommes heureux que
ces Justes soient enfin honorés officiellement
par la France et que soit ainsi réparé l’oubli dans lequel
ils ont été trop longtemps tenus.
La cérémonie au Panthéon se déroulera le jeudi
18 Janvier 2007 à 18 heures dans la nef du Panthéon
.
La cérémonie, à laquelle participeront de nombreux Justes
ainsi que les personnes qu’ils ont contribué à sauver,
sera diffusée en direct sur France 2. France Culture proposera une programmation
particulière autour de cet évènement.
Le Panthéon sera ouvert gratuitement du vendredi 19 au dimanc he 21
Janvier 2007 de 10 heures à 17 heures. La scénographie et les écrans
diffusant l’œuvre d’ Agnès Varda resteront en place
pendant cette période.