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Notre contribution à la vieComment puis-je contribuer à améliorer le monde? Que puis-je faire pour laisser ma marque sur mon entourage ?
Voici ce que nous ecrit une lectrice:

J’ai le privilège d’avoir une famille qui m’adore et qui me choie. J’ai des maîtres et des amis ; je jouis de beaucoup d’autres avantages, pour lesquels je suis plein de reconnaissance. Sur le point d’achever mes études, et d’entrer dans la vie active, je me demande de quelle manière je pourrais devenir quelqu’un de valable pour le peuple juif et pour le monde environnant. Je me refuse à vivre en parasite ; je ne veux pas continuellement recevoir. J’aspire à donner. Je souhaite exploiter les qualités et les talents dont D.ieu m’a gratifié.

Une rétrospective sur mes années d’études ne m’offre que de bons souvenirs. Toutefois, je me rends compte que beaucoup de mes activités se sont trouvées restreintes par le fait de mon trac. Oh ! Je ne donne, certes, pas l’impression d’être timide. Pourtant, j’ai souvent eu l’occasion de parler en public ; chaque fois, j’ai essayé de me faire remplacer. Mon trac intrigue ma famille, mes maîtres et mes amis, d’autant plus que dans le cadre de mes études, aussi bien qu’à la maison, je ne suis pas du tout timide.

Me trouvant au seuil de ma vie, sur le point de pénétrer dans le vrai monde, je suis tourmenté par le problème de savoir quel sera le but de ma vie, de quelle utilité je serai en ce monde. Je suis parfaitement déterminé à aider les autres, mais je me demande comment. D’autant plus que je ne vois pas comment réaliser mes projets, alors que je me sens handicapée par mon trac, par ma peur de prendre la parole en public. D’un côté, je me sens avantagée par les qualités que D.ieu m’a octroyées ; et je suis parfaitement consciente de ce que j’aurai à répondre de la manière dont je les aurai exploitées, mais je me sens responsable également de ce que je n’aurai pas fait, alors que j’en étais capable. D’avance, je me sens honteuse.

Voici les éléments de réponse offerts par la Rabbanith Faige Twerski.

Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’avoir de l’importance. Qu’il y ait quelque chose au monde qui soit changé par notre fait. Chacun de nous a une certaine intuition, en son for intérieur, du fait qu’il y a une contribution parfaitement originale et personnelle qu’il peut apporter au monde.

Ceci étant, il faut bien se rendre compte que ce qui nous impressionne, et constitue à nos yeux une réalisation digne d’une vie humaine, peut fort bien être une chose négligeable, disons beaucoup moins importante, de l’avis de D.ieu. La manière dont nous avons tendance à apprécier l’importance des gestes et des réalisations des gens, est souvent basée sur les valeurs prisées par la société. Notre culture fait l’éloge des réussites extérieures, celles que tout le monde constate. Les actes privés, accomplis modestement, hors des regards de la foule, ne sont pas aussi appréciés par notre société, tant elle est portée sur le superficiel. Inversement, D.ieu valorise ce qui s’appelle en hébreu « penimiouth », à savoir l’intériorité, beaucoup plus qu’Il ne valorise le « hitsoniouth », ce qui est superficiel ou tapageur. Lorsque vient le grand moment du choix de ce qui fera la valeur de notre vie, ce qui déterminera notre apport à la vie, il est nécessaire de faire glisser notre première impression, peut-être intéressante du point de vue superficiel qui a cours dans le monde des illusions, en direction d’une approche réaliste, profonde, certainement plus honorable devant D.ieu.

Nos sages nous informent de trois bonnes actions, dont les grands hommes qui les ont accomplies, ont sous-estimé l’importance. Les voici :

RUBEN – L’aîné des douze frères, ancêtres des douze tribus d’Israël, a convaincu ses frères de ne pas tuer Joseph, mais de le jeter de préférence dans un puits. Le récit de la Torah dit explicitement « Ruben entendit et il le sauva de leurs mains » (Genèse 37/21). Si Ruben s’était seulement douté de ce que D.ieu exprimerait dans la Tora sa bonne intention, au lieu de laisser Joseph dans le puits, il l’aurait tout de suite porté « même sur ses épaules » pour le ramener à son père.

AARON – Lorsque Moïse venait d’être porté à la tête du peuple d’Israël, au Buisson Ardent, il appréhendait les sentiments que cette nomination pourrait inspirer à son grand frère, prophète déjà reconnu. D.ieu dit alors à Moïse : « Aaron, ton frère, vient à ta rencontre, il te verra et sera heureux dans son cœur » (Exode 4/14). Or, si Aaron avait soupçonné le moins du monde, que D.ieu publierait dans la Tora que la joie qu’il témoigne en voyant Moïse est véritablement sincère, « dans son cœur », il aurait usé de tambour et de danse pour exprimer son enthousiasme. Mais il ne prévoyait pas du tout que D.ieu apprécierait si pleinement la sincérité de sa joie devant les honneurs échus à son frère, plus jeune que lui.

BOAZ – Dans la Meguila de Ruth (2/14), nous apprenons la générosité de Boaz envers Ruth, la Moabite, convertie au judaïsme. Si la pensée de Boaz avait pu être effleurée par la manière dont D.ieu a apprécié sa bonté, puisqu’Il l’a consignée pour l’éternité dans la Meguila de Ruth, Boaz aurait même servi les repas les plus luxueux du monde à Ruth.

Nos sages nous montrent que, du fait que notre conception des choses est influencée par ce qui est ou par ce qui nous semble être important, il est difficile d’apprécier et de prévoir ce qui aura en réalité un impact considérable sur notre existence et sur celle de ceux qui vivront avec nous. D.ieu seul sait véritablement.

Alors, dans ces conditions, comment devons-nous nous y prendre pour décider ce qu’il faut, et pour concevoir des projets qui soient raisonnables ?

En fait, il y a tout un programme en deux points qui est tracé à notre intention.

1) D’abord, il faut bien prendre en considération nos défauts personnels au niveau du caractère. Certaines personnes sont en butte à leurs envies, d’autres davantage avec leurs accès de colère, d’autres avec leur paresse, d’autres encore avec leur orgueil, etc… Ces défauts ne nous accablent pas de façon arbitraire ; au contraire. Ils font partie de l’ensemble unique que constituent les épreuves, que nous devons surmonter, afin de trouver notre place véritable dans le monde.

2) Ensuite, du côté positif, il faut savoir que D.ieu a doté chacun et chacune d’entre nous de talents et de capacités qui constituent un ensemble unique, qui nous est personnel. Cet ensemble est enraciné dans la profondeur et la spécificité de notre âme. Quiconque est doué dans n’importe quel domaine d’une créativité, qu’il s’agisse du don d’écrire, ou de la musique, ou de tout autre art, il est nécessaire de trouver des débouchés vers lesquels ces dons pourront trouver leur pleine expression, ceci dans l’intérêt de la personne ainsi douée, mais aussi de sa famille, et même d’autres gens. Quels que soient nos dons, nous avons le devoir de les développer et de les utiliser, en conformité toutefois avec les lois de la Tora.

Dans la perspective juive, l’octroi de talents et de capacités confère la responsabilité de s’en servir pour la mise en valeur du monde de D.ieu.

Le premier commandement qui fut donné à Adam et Eve (Genèse 1/28) dans le Jardin d’Eden était « fructifiez et multipliez-vous ». Le Zohar, œuvre cabbalistique grandiose, commente le commandement « fructifiez » en ne l’appliquant pas seulement à l’obligation de mettre au monde des enfants, mais aussi au devoir de développer et de faire fructifier toutes les potentialités dont on a été doté par D.ieu.

Parlons maintenant de l’autre problème de notre correspondante, son handicap à prendre la parole en public, son trac. En fait, elle sent très bien qu’elle a des devoirs, mais le fait que son trac la handicape, lui fait craindre qu’elle ne réussira pas à atteindre pleinement son véritable but dans la vie. Il faut d’abord savoir qu’il y a plusieurs voies qui mènent au but. Pas seulement la prise de parole en public. Reconnaissons que l’art oratoire constitue un atout non négligeable, certes, pour qui veut guider et inspirer un public. Toutefois, un contact personnel et individuel, peut porter des fruits plus riches. Il permet une action plus en profondeur, un suivi plus régulier et une formation plus complète. En fait, même quiconque ne possède pas le don de la parole, ne saurait rester relégué vers une vie sans substance ou sans but noble ; ni vers une carrière inférieure. Nous devons tous trouver la manière de communiquer qui convient et correspond le mieux à nos dons et à la nature du message que nous entendons diffuser.

Ceci étant, il faut ajouter qu’il y a des moments où le trac peut être vaincu. Car il en va du trac comme d’autres points faibles, qui peuvent affliger quelqu’un. Cela exige qu’on accepte d’être vulnérable ; d’essuyer des échecs, mais d’essayer avec persévérance, à plusieurs reprises. Une volonté forte peut conduire à de vrais changements.

Il faut du courage pour surmonter nos craintes ; il faut aussi être persuadé qu’une certaine anxiété, assortie d’un peu de nervosité également, saisit pratiquement tout le monde dans certaines circonstances. A la longue, l’expérience rend les choses de plus en plus faciles et efficaces. On peut aussi se reporter à des ouvrages qui sont nombreux à traiter de l’art de la parole en public. On les trouve facilement dans les bibliothèques et les librairies.

Il faut bien se dire que la difficulté de parler en public disparaît avec le temps, et grâce à des efforts. Lorsqu’on commence à pénétrer dans le domaine du but le plus important qu’on veut atteindre dans la vie, il est important de commencer par votre vie intérieure, votre sanctuaire intime. Là, l’âme a d’ores et déjà atteint sa puissance, grâce aux richesses de l’éducation que l’on a reçue, l’amour, la sensibilité, les initiations dans les domaines les plus variés, toutes valeurs qui rendent fin et noble.

Mon père était l’orateur le plus extraordinaire que j’ai connu. Qu’il soit devant dix ou dix mille personnes, son influence était comme magique. Il était admiré pour son érudition hors paire, pour sa perspicacité pénétrante, agrémentée par son humour, il était tour à tour d’une sentimentalité chaleureuse, puis, poignant, il suscitait des larmes chez ses auditeurs, et sa passion inspirait son public de manière communicative. Son charisme était extraordinaire ; sa présence électrisait littéralement les foules. Je n’oublie pas qu’une fois, lorsque j’étais petite, je suis entrée avec lui, lui tenant la main, et regardant tout le monde qui…..voyait bien que c’était mon papa.

Malgré toute ma fierté d’être sa fille, ce qui m’a le plus réconfortée dans les moments difficiles que j’ai traversés, ce sont les cadeaux qu’il m’a faits dans l’intimité de notre vie familiale. Lorsque je venais le voir, je le trouvais à la fenêtre, parce qu’il voulait être sûr de me voir dès la première seconde possible. Lorsque je devais pour la première fois prendre la parole en public, je devais affronter son inspection, par laquelle, plein d’amour, il s’assurait que j’avais un aspect satisfaisant en sortant de la maison. Il se souvenait de tous les anniversaires et les dates mémorables (que moi-même j’oubliais !). Et ses poches pleines de bonbons chaque fois qu’il voyait l’un de ses petits-enfants ! Et son dévouement sans bornes pour chacun des membres de sa famille, proches ou non. Malgré son succès colossal en public, c’est lorsqu’il était entouré à la maison par nous tous qu’il était le plus heureux. C’est nous qui réellement emplissions son cœur.

Lorsque vous passez au crible le labyrinthe des options les plus variées, vous devriez vous représenter qui comptera véritablement pour vous, avec du recul. Qui donc vous intéressera alors ? Et pourquoi ? S’agit-il de personnages qui sont parvenus au succès dans les domaines de la célébrité, de l’argent, dont la réussite retentit bruyamment tout autour de vous ? Ou bien s’agit-il de quelqu’un qui vous a touché par son attention et son affection, et qui, par ce qu’il a dit ou fait, vous a donné de l’assurance, et vous a incité à grandir et à devenir ce que vous êtes devenu ?

A mon humble avis, fondé sur une longue expérience, les héros et héroïnes dignes d’être admirés sont les personnalités qui, jour après jour, et à chaque instant, enrichissent notre vie. Ce sont ces mères, pères, grand-mères et grands-pères, oncles et tantes, les maîtres et les bons amis, qui eux tous ont profondément marqué nos consciences. Dans le monde des illusions fallacieuses, peut-être ne semblent-ils pas particulièrement prestigieux, néanmoins leur influence sur nos vies reste indélébile.

Traduction et Adaptation du Rabbin Schlammé



A PROPOS DE L'AUTEUR
Feige TWERSKI
Madame Feige Twerski a consacré son existence à l'éducation juive et à son engagement communautaire. Elle donne des conférences à travers le monde sur une foule de sujets d'intérêt juif. Mère de onze enfants, elle a de nombreux petits-enfants dont elle refuse de révéler le nombre. Elle vit aux côtés de son mari, Michel Twerski, rabbin de la communauté Beith Yehouda, à Milwaukee.
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