Logo Lamed.frhttp://www.aish.comAccueil Lamed.fr
...
.

Paracha

.
...
...
.

Soutenez-nous

.
...
Paracha / Exploration back  Retour

Le Mystère des Sacrifices

Le thème principal de Vayikra est celui des korbanot, les "sacrifices".

Le concept même de "sacrifice" peut paraître surprenant. En effet, si le Judaïsme croit en un D-ieu Tout-Puissant et Transcendant, quels peuvent être alors l'intérêt et le but du korbane? Après tout, pourquoi D-ieu, maître de l'Univers, aurait-Il besoin de nos sacrifices?

La réponse est claire : D-ieu n'a pas "besoin" de ces sacrifices. Alors, pourquoi la Torah nous ordonne-t-elle d'offrir des sacrifices, et pourquoi la Torah décrit-elle ce rituel avec autant de détails?

Maïmonide, dans son livre "le Guide des Egarés", donne une explication 'rationnelle' concernant les sacrifices : les Juifs, influencés par d'autres cultures, s'étaient accoutumés à ce type de croyance et de rituels devenus incontournables, avec toutes leurs déviations possibles (sacrifices humains ou autres). Plutôt que de permettre ces rites païens, la Torah préfère légiférer et ordonne aux hommes d'apporter des sacrifices. D-ieu, quant à Lui, n'a aucun besoin de ces sacrifices.

Cette interprétation permet de répondre à la question initiale : "Pourquoi les sacrifices?". Mais elle laisse un "goût d'insatisfaction", car si les sacrifices étaient simplement un arrangement, une commodité pour répondre au niveau relativement bas de la communauté d'alors, pourquoi dans ce cas, la Torah traite-t-elle ce sujet avec autant de détails?

En outre, pourquoi ces lois auraient-elles perduré durant le Deuxième Temple, alors que les Juifs ne subissaient aucune influence païenne, et avaient quitté l'Egypte depuis si longtemps que la civilisation et les rituels de l'Egypte antique n'avaient plus d'emprise sur eux?

Finalement, la réponse de Maïmonide ne fait que soulever des interrogations supplémentaires. De plus, Maïmonide lui-même, dans l'un de ses ouvrages, le Mishné Torah, fait référence aux sacrifices comme étant un 'Hok, une loi irrationnelle, qui n'a aucune explication. En en donnant une, Rambam se contredit lui-même!

UNE VUE DIFFERENTE

Na'hmanide, dans son commentaire sur la Torah, attaque cette approche avec vigueur, arguant principalement que les sacrifices sont bien antérieurs à l'influence païenne. Le sacrifice de Caïn en est un parfait exemple. De plus, le korbane est décrit comme "plaisant" à D-ieu. Si le sacrifice n'était qu'une simple concession à une nature humaine fragile, en quoi ce sacrifice serait-il alors plaisant aux yeux de D-ieu?

Nous pourrions avancer que D-ieu regarde non pas le korbane, mais plutôt ce qu'il représente : un moyen pour l'Homme de rechercher une relation avec Lui. Mais cet argument semble contredire les versets traitant des sacrifices.

La position de Na'hmanide est la suivante : les diverses actions nécessaires à l'homme pour l'accomplissement des sacrifices sont étroitement liées aux différents aspects qui lui sont indispensables pour être pardonné :
L'aspect le plus dramatique, l'aspersion du sang, est là pour rappeler à l'homme qui a fauté, et qui apporte ce sacrifice que c'est son propre sang qui aurait dû couler. Ce n'est que la miséricorde divine qui va permettre à cette personne d'obtenir le pardon. Selon cette approche, ce n'est pas D-ieu qui "a besoin" du sacrifice, mais plutôt l'Homme qui a besoin d'être réhabilité.

Le sang de l'animal qui est aspergé est aussi une évocation frappante de la vulnérabilité de l'Homme. Cette expérience de "côtoyer la mort" est censée être une impulsion pour l'élévation spirituelle, invitant l'homme à sacrifier l'animal qui est en lui, et qui l'a entraîné à fauter initialement.

Selon cette approche, le korbane est une puissante expérience cathartique, purificatrice qui tient compte de l'aspect psychologique de l'Homme.

SACRIFICES ET LE NOM DE D-IEU

Après avoir donné cette explication Na'hmanide écrit :
Mais la véritable réponse (Kabbalistique) des korbanot est insaisissable concernant les korbanot : le nom de D-ieu qui est exclusivement utilisé à propos des korbanot, n'est pas "El" ni "Elokim".... mais plutôt "Youd Ké Vav Ké", le nom unique... pour que personne ne vienne à penser que le korbane sert à "nourrir" D-ieu.

Na'hmanide nous rappelle que le nom "Youd Ké Vav Ké" se rapporte à l'aspect transcendant de D-ieu; c'est le nom qui indique que D-ieu est au-delà de l'entendement humain. La Torah utilise ce nom en faisant référence aux "korbanot" -- et ce, à l'exclusion de tout autre nom de D-ieu -- soulignant l'incongruité de l'idée selon laquelle les sacrifices sont faits pour les "besoins de D-ieu". De plus, le nom de Elokim évoque plutôt un D-ieu de Justice, un concept que l'esprit humain peut saisir. Si ce nom de D-ieu avait été utilisé pour les sacrifices, on aurait pu être tenté de croire qu'un "dessous de table" était possible. Mais lorsque nous constatons que les sacrifices ont été ordonnés par "Youd Ké Vav Ké", nous réalisons qu'aucun "pot-de-vin" ne peut être possible.

De plus, "Youd Ké Vav Ké" -- le nom qui évoque unicité et intemporalité -- veut dire "l'Eternel", soulignant que D-ieu existe en dehors du Temps. Ceci peut nous aider à résoudre une interrogation évidente concernant le principe même du pardon et de la rédemption : si un homme a fauté hier, et se repent aujourd'hui, comment son attitude actuelle peut-elle annuler ce qu'il a fait hier?

Si nous comprenons que D-ieu existe en dehors du Temps -- en effet, D-ieu a créé le Temps -- quand nous essayons de rétablir une relation avec D-ieu, le temps n'est qu'un simple paramètre.

Quand l'homme se connecte au D-ieu transcendant, "hier" devient limité face à la perspective humaine qui ne le confine plus.

REPENTANCE, RETOUR ET RÉDEMPTION

C'est le mystère du "repentir", de la Téshouva (qui signifie littéralement "retour"), et du pardon. L'Homme qui se repent, retourne vers D-ieu, et D-ieu lui pardonne.

Ceci explique également pourquoi le mot korbane est dérivé de la racine "Kouf Résh Véth", du mot "karev", qui signifie "se rapprocher". Le korbane est l'acte qui permet à l'Homme de se rapprocher de D-ieu. La Téshouva n'est pas simplement un retour à D-ieu, elle est également un retour sur soi, un retour au potentiel de l'Homme, un retour à l'image de D-ieu qui est en chacun d'entre nous. Quand l'Homme se repent, il retourne au coeur du divin qu'il y a en lui, à cette image de D-ieu - Tsélem Elokim - qui constitue son essence.

L'importance du korbane repose sur la réhabilitation de l'Homme, et c'est le but recherché. Le judaïsme est une religion qui donne de l'importance à la vie d'un animal. Le sacrifice d'un animal n'est pas un témoignage de mépris vis-à-vis des animaux. C'est une expression de l'importance de la vie humaine : si le prix à payer pour la réhabilitation d'une personne est la vie d'un animal, alors ce n'est pas un prix élevé. La solution se trouve dans la réhabilitation de l'Homme, dans sa découverte de l'image de D-ieu qui est en lui.

Tout comme D-ieu est compatissant, l'Homme doit être compatissant. Les gens, cependant, ont une tendance au paganisme, et au lieu de réaliser un réel et profond changement, ils préfèrent souvent "payer le prix" financièrement, sans procéder à un changement interne.

A cause de ce type de comportement, le Temple a été détruit. Le prophète Osée, parlant au nom de D-ieu, l'a dit clairement :

" C'est que Je prends plaisir à la Générosité et non au sacrifice, Je préfère la connaissance de D-ieu aux holocaustes." [Osée 6:6]

LA VERITABLE RAISON

Les sacrifices ont été prévus en tant que moyens pour une fin, un chemin pour trouver son propre "Tsélém Elokim". Ils étaient censés être la clef qui permettrait à l'Homme vacillant de se ressaisir, et non une sorte de rituel magique permettant de calmer un D-ieu en colère.

La Torah, avec son intérêt universel, ordonna les sacrifices pour que l'expérience religieuse profonde qui était vécue dans le Temple avec ce sacrifice puisse servir de référence dans la vie de chacun.

Le judaïsme est une philosophie "religieuse" qui concerne les domaines à la fois "spirituels" et "matériels". L'expérience du korbane dans le Temple avait pour objectif d'avoir un effet de "débordement", affectant chaque aspect de nos vies. A tel point que lorsque les gens ont compartimenté la religion, plaçant le rituel au-dessus des préoccupations sociales et morales, le Temple est dès lors devenu un obstacle plutôt qu'un lieu de salut.

Ce point est clairement mis en évidence par une histoire tragique racontée dans le Talmud. C'est l'histoire de deux prêtres qui ont fait la course pour assurer le service divin. L'un d'entre eux a précédé son ami, et ce dernier a alors enfoncé un couteau dans la poitrine de son collègue. Il aurait aussi bien pu "poignarder" le Temple lui-même, car cette histoire décrit clairement une mauvaise utilisation et une totale incompréhension de la vie religieuse.

Le Temple doit être le symbole de la vie religieuse et non un substitut à une vie morale. C'est parce que l'Homme s'éloigne de lui-même et de D-ieu que les sacrifices sont nécessaires. Ceci pour rappeler à l'homme sa mortalité d'une part, et sa mission de réparer le monde d'autre part.

L'Homme doit se rappeler que D-ieu n'a aucun besoin, et que le but de l'Homme sur cette Terre est de forger un lien avec D-ieu, ce qui peut être accompli en "imitant" D-ieu. Quand nous échouons dans notre mission, nous pouvons tenter de nous rapprocher de D-ieu en apportant des sacrifices, mais ceci ne sera efficace que si nous essayons d'apporter plus de lumière Divine dans le monde.

Comment? En révélant l'image de D-ieu qui est en nous, et en dévoilant l'image de D-ieu qui se trouve en chaque être humain.

Comme D-ieu Lui-même nous l'a dit il y a fort longtemps :

" C'est que Je prends plaisir à la générosité et non au sacrifice, Je préfère la connaissance de D-ieu aux holocaustes." [Osée 6:6]



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Ari KAHN
Le rabbin Ari Kahn, un disciple de Rav Yossef Dov Soloveitchik, est diplômé de la Yeshiva University. Il se consacre actuellement à l’enseignement à Aish HaTora ainsi qu’à l’Université Bar Ilan, où il est Directeur des programmes pour étudiants étrangers. Il donne fréquemment des conférences aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud pour le compte de cette université et d’Aish HaTora.
  Liens vers les articles du même auteur (38 articles)


Emettre un commentaire
 Nom
 Prénom
 Email *
 Masquer mon email ?
Oui  Non
 Sujet
 Description (700 caractères max) *
 * Champs obligatoires
...
.

Outils

MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE
.
...
...
.

Et aussi...

.
...