PARTIE 1

La Mamie de Anaelle est une excellente couturière !

Cette année, grâce à ses talents, les petites jumelles, Tal et Tamar seront deux merveilleux papillons, l'un rouge et l’autre violet !

Raphaël, qui depuis Hanoukka a appris ce qu’était le Beth Amikdach (temple), portera la longue tunique bleue, et la mitsnéfet du Cohen Gadol (coiffe du grand prêtre) !

Dan a commandé un déguisement bien difficile à fabriquer. Il a choisi d'être l'énorme gorille King- Kong !

Ariel a demandé un costume d’extra-terrestre, David de chauve souris, et la gentille Ayala attend sa robe de Reine Esther avec une patience d’ange.

Seule Anaelle hésite !

Afin de l’aider dans son choix, Mamie lui donna rendez-vous une fin d’après-midi. Ce jour-là, craignant d'être en retard, Anaelle se dépêcha. Elle courut le plus vite qu’elle put.

Essoufflée, elle sonna à la porte du petit appartement de ses grands-parents.

Elle se fit chaleureusement accueillir par son adorable Mamie qui, noyée sous une montagne de tissus colorés, semblait ne plus totalement dominer la situation !

- Entre, ma chérie ! lui dit-elle le foulard de travers, comme tu peux le constater, je suis en plein travail !

Tout en retirant son manteau, Anaelle pénétra dans le salon. C'est alors qu'elle remarqua, posées sur l’un des accoudoirs du gros fauteuil, les deux paires d'ailes de papillons, destinées à ses petites cousines.

- Ouah, Mamily ! s ’exclama-t-elle, pleine d’admiration ! Comme elles sont belles !

- Oui, oui ! répliqua modestement Mamie, je suis assez contente de moi, elles sont bien réussies. L'assemblage du voile et des paillettes est parfait ! Peut-être voudrais-tu les mêmes ?

Anaelle hésita un court instant, les prit dans ses mains, les souleva, les enfila. Puis elle s’imagina le jour de Pourim, à l’heure du repas de fête, alors que toute la famille serait réunie. Elle se vit, portant le même costume que Tal et Tamar :

- Euh… Non, non mamie ! Parce que tu comprends, il risque d’y avoir trop de papillons au michté (repas de pourim), cette année !

- Mouiii… Tu dois avoir raison ! Il faut trouver une autre idée !

- Je n'en ai aucune, Mamie, aucune aucune !, se désola Anaelle.

- Voyons, voyons ! Qu'est-ce qui pourrait bien te convenir ?

Elle farfouilla parmi ses tissus étalés sur le tapis :

- Bleu, vert, jaune, voilà qui serait parfait pour un costume de clown ! Un clown fait toujours rire, et à Pourim, c'est une Mitsva de rire !

- Clown ?

- Oh oui, tu ferais un clown adorable, avec tes jolies boucles rouquines ! De plus, j'ai un mignon bonnet qui irait tout à fait ! Veux-tu l'essayer ?, demanda-t-elle en lui tendant un drôle de chapeau rigolo rempli de minuscules clochettes dorées qui tintaient au moindre mouvement.

La fillette fit une petite moue boudeuse, posa le chapeau sur sa tête, et fixa le miroir accroché au mur qui lui faisait face :

- Non, ce n'est pas pour moi ! dit-elle en le retirant sans attendre. Je ne veux pas être un clown cette année !

- Pas un clown, bien … Une fleur peut être ! Puisque tu sembles préférer quelque chose de plus gracieux ! Je crois bien que j'ai tout ce qu'il me faut !

Anaelle acquiesça de la tête :

- Une fleur ! Oui, cela me plait davantage. Montre-moi !

Mamie ouvrit un gros sac en plastique et en sortit une superbe tunique de velours rouge, un pantalon vert éclatant, également en velours, et une coiffe un peu étrange composée de pétales couleur carmin :

- C'était le déguisement de ta maman, l'année où elle gagna le concours de son école ! rapporta fièrement Mamie.

Anaelle le prit dans ses mains et apprécia la douceur du tissu :

- Sais-tu Mamily que tu es une vraie de vraie de vraie artiste !

- Merci ! Tu me fais bien plaisir ! Eh bien si il te plait tu peux le garder ! Dépêches-toi de l'essayer !

La fillette obéit et courut se changer dans la chambre voisine.

Lorsqu’elle réapparut, grand-mère lut la déception sur le visage de sa petite-fille. Cette dernière n’était parvenue à remonter la fermeture éclair de la tunique qu’à la moitié du dos. De plus les coutures du pauvre pantalon menaçaient de céder au moindre mouvement !

- Il est trop serré ! se lamenta Anaelle.

- Ca m’en a tout l’air ! confirma sa grand-mère.

Puis elle rajouta :

- J’avoue que je ne te voyais pas si grande !

- Mamily, pourrais-tu m’en coudre un comme celui-ci, à ma taille ? interrogea Anaelle.

La vieille dame hésita, sortit ensuite son mètre de sa boîte à couture, mesura les bras et les jambes de la fillette, chercha dans le désordre ambiant des étoffes pouvant convenir, et mesura à nouveau :

- Il manque trente centimètres… ! Je suis vraiment désolée, ma chérie ! Pourim n’est que dans quelques jours, je n’ai plus de temps pour de nouvelles courses.

Anaelle s’affala sur le canapé, un peu découragée :

- Tu n’aurais pas une autre idée, Mamily ?

- Une autre idée… Peut-être, dans cette caisse…, p roposa-t-elle en déplaçant un vieux carton tout défoncé. Il y a une, deux, trois robes de reines ! Reine des neiges, Reine Esther, et Reine de l'arc-en-ciel, un déguisement de soldat, une couronne de Roi, une casquette de facteur, un habit de sorcière, …. Et puis un chapeau et une baguette de fée.

Le mot « fée » interpella la petite fille :

- Une fée ! Pourquoi pas ! Mais j’aimerais être une fée une peu spéciale, une fée pas comme les autres. Je pourrais être la fée des papillons par exemple ! Tu me fabriquerais des ailes multicolores et je porterais ce joli chapeau…

- Attend, attend, j’ai une meilleure idée ! s’exclama la couturière. Puisque Pourim est, avant tout, la fête de la joie, tu pourrais devenir pour une journée la « fée de la joie » ! Je retoucherais un peu la robe de la Reine de l’arc-en-ciel en y rajoutant des ailes comme celles qui te plaisent tant. Et puis avec les accessoires et une pointe de maquillage, tu devrais être la plus belle fée de la joie du monde !

- La fée de la joie ! Oui c’est bien, c’est très bien !

Elle resta rêveuse quelques instants, puis rajouta :

- Le problème est que la baguette ne convient pas tout à fait !

- Je vais te découper dans un bout de tissu épais, un joli sourire jaune soleil, et le collerai sur l' étoile !

- Et tu pourrais en rajouter aussi un sur le chapeau ?

Mamie sourit et acquiesça de la tête :

- Ce ne sera pas très difficile !

- Oh, Mamily, merci beaucoup ! Tu es la plus gentille des grands-mères du monde !

Suite...

 

Les illustrations sont de Livna Rotnemer.