La vie juive était rythmée d'un côté, par les grandes
fêtes au cours desquelles, les coutumes occupaient une place importante
et de l'autre, par un moment privilégié qui, chaque jour nous
rappelait notre judaïsme : le Chéma du soir que nous faisait faire
ma Mère (de mémoire bénie) tant qu'elle était parmi
nous, c'est à dire jusqu'à mes treize ans.
Et puis, le vide. Aux questions que je posais pour comprendre
le pourquoi de chaque chose, on me répondait que " nos parents et les parents
de nos parents avant nous, avaient, de cette façon respecté les
commandements de D.ieu. Nous aussi, nous devions donc en faire autant. "
Que de questions restées sans réponses !
Que de réponses à trouver
!
Ce fut ensuite l'exode
: la " deuxième sortie d'Égypte ",
puis, le tourbillon : un mariage avec un homme qui ne comprenait pas que l'on
puisse porter une étoile d'or à son cou alors que lui en avait
porté une autre à ses vêtements, et avec qui je menais
une vie " parisienne " dans tous les sens du terme.
Pendant toutes ces années, je me suis dit qu'après tout, ces questions que je me posais dans ma jeunesse, n'étaient à présent d'aucune utilité.
Pendant toutes ces années, je me suis dit qu'après tout, ces
questions que je me posais dans ma jeunesse, n'étaient à présent
d'aucune utilité dans la vie trépidante que je menais. Alors,
pourquoi me gâcher le plaisir de week-ends à la campagne ou de
belles soirées entre copains dans des restos sympa ...
Je croyais que je pourrais vivre longtemps comme ça.
Mais, croire est une chose... et le vivre en est une autre.
MON DEPART…
Des temps plus durs vinrent. Autour
de moi, il y avait beaucoup de copains, de relations, de connaissances...
et, peut-être, quelques amis... c'est
en tous cas ce que j'espérais.
Mais là aussi, je me trompais. Mon mari et sa position sociale partis,
les pseudo copains et amis se volatilisèrent d'un coup. Il n'est resté à mes
côtés qu'une jeune femme rayonnante, dont la fidélité me
fit sentir tout de suite qu'elle n'était pas comme les autres.
Elle m'aida beaucoup à surmonter l'épreuve de la séparation.
Elle m'expliqua que, si j'avais l'impression d'être abandonnée
par tous, je me trompais puisque elle savait que je n'avais pas été abandonnée
par " celui qui avait donné sa vie pour moi "... " Il
est venu pour toi, par amour pour toi... car il t'aime... il t'aime tellement
qu'il est mort pour toi... pour te sauver... ". Inutile de vous dire combien
je fus troublée par ses paroles.
Elle me parlait avec tellement de
sincérité que je me suis mise à l'interroger.
Son monde me faisait du bien. Elle me présenta à ses amis. Ils
ne me quittaient plus. Je discutais avec eux. Je ne me sentais pas seule.
Ce sont eux qui m'aidèrent à déménager. Ce sont
eux qui m'aidèrent à m'habituer à mon nouveau style de
vie. Ce sont eux encore qui me conseillèrent de ne pas défendre
mes droits pendant mon divorce " L'Éternel combattra pour toi ".
Et, très vite, ce furent eux aussi qui, petit à petit, prirent
toutes les décisions importantes de ma vie.
Je ne me rendais pas compte que
je m'enfermais dans un cocon où on
refuse de voir la réalité en face. Je délaissais mes enfants
en allant presque chaque soir à des conférences, des cours bibliques,
des réunions de prières... Je devenais quelqu'un d'important
dans l'église que je fréquentais puisque, " étant " Fille
de Jacob " je me devais d'aider mes frères juifs à faire
tomber les écailles de leurs yeux pour reconnaître en Jésus,
le sauveur ! "
Je cherchais Dieu et je croyais l'avoir trouvé. J'étais sûre de l'avoir trouvé !
Je cherchais Dieu et
je croyais l'avoir trouvé. J'étais sûre
de l'avoir trouvé ! Je me disais heureuse. Je voulais me persuader que
j'étais heureuse. C'est d'ailleurs la seule façon de persuader
les autres qu'on l'est !
Dans ce tourbillon, mon
Père (z’l) est tombé malade. Sur
son lit d'hôpital, il m'a fait signe un jour d'approcher ma tête
de sa main, attachée sur le bord de son lit pour ne pas faire tomber
ses tuyaux.
Il m'a bénie. De la bénédiction d'un père juif à son
enfant. J'étais loin de me douter où cette bénédiction
me conduirait !
MA VIE AVEC EUX...
Mon père (z’l) nous a quitté au mois d'Août 1982.
Bien que ne fréquentant nullement la communauté juive, j'étais
consciente qu'il était juif et qu'il devait partir comme tel. Il me
fallait donc faire appel à un rabbin. Mais la synagogue de Boulogne étant
fermée pour cause de vacances, il m'a fallu m'adresser au Consistoire
qui délégua quelqu'un... de l'autre bout de Paris.
Moins de deux semaines plus tard, c'est mon jeune frère qui nous quittait à son
tour. Tout naturellement, j'ai fait appel à ce même rabbin qui,
quelques jours plus tôt avait inhumé notre père.
Il m'expliqua, en sortant du cimetière, qu'il me fallait respecter
les prières pour les défunts. Qu'il me fallait donc, en quelque
sorte, aller à la synagogue. Mais j'étais trop fatiguée
pour essayer de discuter avec lui et lui expliquer que mon chemin s'était
séparé de celui de mes parents... je n'avais tout simplement
pas envie de parler.
Je me souviens lui avoir simplement murmuré : D'accord.
Je viendrai !
Les semaines et les mois qui ont suivi furent très durs. Les matins
au réveil, je me demandais ce qui allait encore me tomber sur la tête
! J'ai traversé cette période comme une somnambule puisque toujours
entourée (le mot est faible) par cette communauté à laquelle
je m'étais liée et qui portait avec moi mon fardeau.
Au mois de Novembre, c'est mon emploi que je perdais.
Au mois de Décembre, on m'annonçait qu'il fallait m'opérer
des cordes vocales.
Au mois de Janvier je rentrais à l'hôpital.
Quelques jours plus tard, en rentrant chez moi, je découvrais la maison
vide ! Mes enfants étaient parties vivre chez leur père ! Sans
ressource aucune (pas d'allocation chômage et plus de pension alimentaire)
il me fallut quitter mon appartement.
A ce stade là, j'étais devenue complètement dépendante
de mes amis chrétiens. Ils m'avaient fait donner tous mes bijoux et
ceux de mes enfants : on ne peut pas servir Dieu et Mamon ! Mes affaires (ou
ce qui me restait) avaient été réparties dans deux ou
trois caves amies. Quelques jours encore sous mon toit et puis ...
C'est alors qu'un de mes amis d'enfance (Juif) m'appela au téléphone
: il avait appris que je traversais un moment difficile et se proposait de
mettre à ma disposition un appartement qui était en vente.
J'avais un logement assuré, le temps de me retourner. Un mois, deux
mois, peut-être plus ?
Je vivais pratiquement dans la communauté chrétienne et j'étais de plus en plus dépendante d'eux, aussi bien physiquement que financièrement.
Mais voilà, pour me retourner, il me fallait retrouver du travail.
Mais cela m'était très difficile puisque j'avais perdu ma voix,
ma voie!
L'étau se resserrait. Je vivais pratiquement dans la communauté chrétienne
et j'étais de plus en plus dépendante d'eux, aussi bien physiquement
que financièrement.
J'étais au coeur même du tourbillon et je ne m'en rendais même
pas compte ! Je mangeais avec eux, je dormais avec eux... pardon, chez eux.
J'évangélisais avec eux dans les rues de Paris, la nuit, le jour.
Ils étaient mes amis et devenaient ma famille.
C'est à ce moment là que j'ai passé une série d'entretiens
avec des sages destinés à me laver complètement de ce
qui me restait de mon passé... Cela s'appelle peut-être un lavage
de cerveau !
Vers le mois d'avril, on me signala un remplacement pour un
congé maternité dans
une institution protestante. Je recommençais donc à travailler
(pour quelques mois certes, mais c'était un renouveau). Et puis, j'avais
un point de chute ! On pouvait me joindre quelque part !
Quelques semaines plus tard, je renouais contact avec ma meilleure
amie, une amie d'enfance (juive elle aussi). Je ne l'avais pas revue depuis
ces trois
dernières années et je lui donnais de mes nouvelles.
Début Mai, une série d'incidents ne cessaient de me rappeler
qui j'étais et d'où je venais ! D'abord à l'église
où on se mit à me harceler pour que je prie pour Israël,
moi, Fille de Jacob.
Puis, un ami invita un vendredi soir un de ses amis juifs pour
que je puisse lui ouvrir les yeux. Ce fut (heureusement) un échec.
Les mots pour lui parler ne sortaient pas de ma bouche alors que lui ne cessait
de remuer mes
origines...
Il ne se passait plus un jour sans que, d'une façon ou d'une autre,
on ne me rappelle que j'étais fille d'Israël.
Mon passé me rattrapait.
... ET MON RETOUR
Et puis, vers la mi mai, ma meilleure amie retrouvée m'invita à déjeuner
au Ministère où elle vivait depuis que son mari était
devenu Ministre.
«
Je voudrais te présenter à des amis », m'avait-elle dit.
«
Peut-être pourrais-je retrouver du travail », ai-je pensé !
C'était au lendemain de la Pentecôte. Je venais de vivre trois
jours et trois nuits dans un rassemblement de Pentecôtistes. J'étais
regonflée à bloc !
Arrivée au Ministère, je me suis retrouvée seule avec
elle. Nous avons déjeuné en tête à tête dans
sa cuisine et, devant mon étonnement, elle m'a expliqué que ses
invités ne viendraient qu'après déjeuner seulement puisqu'ils
ne goûtent pas à sa nourriture ! « J'ai invité, avec
toi, deux amis juifs, dont un, récemment converti au judaïsme.
Et je voudrais que vous m'expliquiez tous les deux, comment et surtout pourquoi,
une juive devient chrétienne et un chrétien devient juif ! »
Inutile de vous dire que ça ne me posait aucun problème de déballer
aveuglément tout ce que j'avais englouti pendant ces années !
La discussion fut animée. Nous étions d'accord
sur beaucoup de choses... sauf, bien entendu, ... sur le Messie.
Devant mon ignorance totale en ce qui concernait la vie juive, ils me proposèrent
de vivre un Chabbat avec eux, ce que j'acceptais spontanément : j'étais
sûre de moi et je me disais que ça ne changerait rien de toutes
façons. « Si je me suis trompée, Le Seigneur me le
fera savoir ! » leur ai-je répondu.
- Tu parles comme au
pied du Mont Sinaï le jour où nous avons
reçu la Torah : Na'assé Vé Nichma, Nous ferons et nous
comprendrons. Tu parles comme une juive !
Inutile de vous dire que je n'ai rien compris à ce qu'ils
me disaient !
Le rendez-vous fut fixé : Vendredi, 19 h, Place Voltaire.
C'était loin du quartier des Ministères, loin de leur domicile,
loin du petit pied à terre que j'occupais depuis deux mois. Pourquoi
si loin ? Peu importe, j'avais encore ma voiture !
Ils y étaient. Moi aussi ; armée jusque aux dents de références
et de versets bibliques appris par coeur (la plupart du temps d'ailleurs, sortis
de leur contexte).
Nous nous sommes dirigés vers la Synagogue où nous devions accueillir
Chabbat, continuant notre discussion interrompue deux jours plus tôt.
A mi-chemin, je leur demandais quand même où nous allions ? Dans
quelle synagogue ? Je ne le savais même pas. Le nom de la rue que j'avais
aperçu sur le panneau me rappelait quelque chose mais je n'arrivais
pas à savoir quoi exactement. Je cherchais dans ma mémoire à quelle
occasion j'avais entendu parler de cette rue et de la Synagogue qui s'y trouvais.
Ca devait être bien loin dans le temps.
Un sentiment bizarre commençait à m'envahir. Comme si je sentais
qu'il allait se passer quelque chose.
« Oui, il m'avait reconnue. Oui, il savait que je viendrais
un jour. Non, il ne savait pas quand. »
Et puis, soudain, devant moi, trois mots : Don Isaac Abravanel.
Dans ma tête,
les images d'un cimetière des voix : il faut venir à la Synagogue...
D'accord, je viendrai… J'essayais de reprendre mes esprits et je n'eus
pas le temps de demander la confirmation du nom du Ministre officiant que déjà,
il était sur le pas de la porte, comme s'il m'attendait pour m'accueillir.
Il me dévisagea quelques instants et me dit simplement, comme si c'était
naturel : « Voyez, je vous avais dit qu'il fallait venir à la
Synagogue ».
Oui, il m'avait reconnue. Oui, il savait que je viendrais un jour. Non, il
ne savait pas quand.
Ce Chabbat là restera à tout jamais gravé dans ma mémoire.
Pour la première fois, je goûtais à ses délices...
Mon premier vrai Chabbat
Le Chabbat de ma re-naissance...
C'était en Mai 1983... Neuf mois exactement après que mon père
(Z’l) nous ait quitté en me laissant sa bénédiction.