Pendant près de huit jours, les enfants courent de toute
part afin de recueillir le plus de prières possibles. Et tous les
soirs, ils discutent dans la chambre de Léa :
- J’en ai une du vieux monsieur qui prie toujours dans
le coin près de la fenêtre. La prière était si
forte que les mots ont résisté à ma main, raconte David ému.
Elle voulait monter au plus vite vers D…
- Moi, dit Dany, j’en ai attrapé une de Papy.
Il chantait d’une voix si joyeuse, qu’on ne pouvait s’empêcher
de chanter avec lui.
- Et bien moi, Mammy m’en a donné une s’exclame
Acher triomphait. Je lui en ai demandé une, alors elle m’a chanté une
chanson de « quand elle était petite ».
- J’en ai une de Maman, je la lui ai prise alors
qu’elle berçait ?????????? Je suis entré dans la chambre
et j’ai cueilli un mot, révèle Léa.
- Moi aussi, j’en ai une de ma Maman, ajoute Ephraïm,
je la lui ai prise alors qu’elle récitait le Birkat amazone.
Tous les soirs, Léa sort la cruche et, les uns après
les autres, les enfants y versent leurs perles. Le neuvième jour,
la cruche est pleine.
- Toute la communauté a participé, le sirop en
sera meilleur, dit Léa.
- Nous allons ajouter les nôtres à présent,
poursuit David et demain, si D… est avec nous, nous partirons vers
le fleuve qui prend sa source dans le Gan Eden, pour le terminer avec l’eau
de ce fleuve.
- Alors, on part demain ! S’ écrit Nathi, tout
heureux.
- Oui, et je crois que Mammy a déjà installé le
tapis dans le grenier, répond Léa, on s’envolera de là-haut.
Les enfants sont très excités et impatients.
Partir sur le tapis du roi Salomon vers le fleuve du Gan Eden, quel voyage
fantastique cela promet d’être !
- Pourvu que D… accepte de demander aux vents de nous
emporter…
- Il faut lui faire très plaisir, il faut qu’il
soit content de nous, murmure Acher dans un petit coin de la pièce.
Le lendemain, les enfants prient de toutes leurs forces, David,
Léa, Ephraïm, Dany, Nathi, Acher, tous sans relâche. Ils
prient pour le petit Chofar, mais aussi pour leur voyage, et puis pour eux-mêmes
et pour leur Papa, leur Maman, pour Mammy, pour Papy, car Kipour approche
et c’est à Kipour que D… scellera son jugement pour
l’année
le livre de la vie.
Après le dîner, les enfants se retrouvent dans
le grenier, et s’associent tous ensemble sur le tapis. Personne n’est
très rassuré. David tient fermement la cruche. Nathi se lève,
va ouvrir la fenêtre du grenier. Les enfants attendent sans prononcer
une parole. Une heure passe, rien ne s’est encore produit. Alors Ephraïm
lance :
- Nous devons peut-être faire quelque chose !
- « Tu as raison, je me souviens que Mammy m’a
dit de prier » et c’est ce que font les enfants, mais rien ne
se passe. Le tapis est toujours sur le sol.
- Et si on chantait ? Dit soudain Acher. Tout à l’heure,
maman m’a assuré que D. aime le chant des enfants.
- C’est une bonne idée, Acher.
Alors tout ce petit monde entonne un chant pour D… Doucement,
un peu plus fort, encore plus fort. Ils ne forment qu’une seule voix,
ils se sentent pris dans un tourbillon et écoutés par D… Ils
en sont très heureux. Soudain une rafale énorme pénètre
dans le grenier et emporte le tapis avec vigueur.
Les enfants continuent à chanter. Et ils n’ont
plus peur, car ils sentent D… très proche d’eux. Le souffle
les transporte à une allure vertigineuse, cela pendant un long moment.
Puis tout se calme. Les petits se taisent. Ils attendent. Un parfum merveilleux
commence à chatouiller leurs narines.
- Vous sentez ? Quelle fleur est-ce ?
- Mammy m’a parlé de ces odeurs, c’est
le parfum des fleurs du Gan Eden, nous devons être tout proches à présent
!
En effet ils sont tout proches, l’un des bras du fleuve
est sous leurs pieds. Une petite brise les dépose doucement sur une
herbe grasse et humide !
- Que c’est étrange ici !
Au loin, ils distinguent vaguement une porte qui semble gigantesque.
- Où sommes-nous ? Demande David ?
- Je ne sais pas répond Léa. Regardez les arbres,
regardez leurs fruits, je n’en ai jamais vu d’aussi gros.
- Et les oiseaux, j’ignorais qu’il en existait
d’aussi beaux.
Soudain, une biche s’approche de l’eau pour se
désaltérer. Elle ne paraît nullement effrayée
par les enfants. Elle boit, et les regarde avec douceur, flâne un petit
moment, puis s’en retourne d’où elle est venue.
- Elle n’a pas eu peur de nous ! S’exclame Ephraïm ahuri !
Quel drôle d’endroit ! Tout ici est pareil qu’ailleurs, mais
tout est à la fois plus beau, plus clair, plus tranquille.
Ils parlent depuis un moment déjà, lorsqu’un
vieil homme s’approche d’eux :
- Bonjour les enfants, vous êtes venus prendre de l’eau
pour la fabrication du sirop de Emouna ?
- Oui, répondent les enfants timidement.
- Sarah votre grand-mère est venue ici il y a quelques
années de cela. Je constate qu’elle est aussi bonne grand-mère
qu’elle était petite fille.
- Qui êtes-vous Monsieur ! Ose Dany.
- Moi ? Mais je suis le prophète Elie !
- Le Prophète Elie !!!
Les enfants très impressionnés n’osent
plus parler, sauf Acher qui ne réalise pas l’importance du vieux
monsieur :
- Dis, Prophète Elie, que devons-nous faire maintenant
?
- Remplissez la cruche jusqu’en haut, ensuite secouez-la
! Toi Léa, tu ajouteras l’une de tes prières. Pour que
le sirop soit suffisamment fort, il faut la perle de Emouna de celui qui
le fabrique. Je sais qu’il est très enroué votre petit
Chofar. Ce serait dommage de ne pas le soigner correctement car il est très
bon, et s’il s’enroue aussi facilement, c’est parce qu’il
est particulièrement sensible aux variations de la Emouna.
- Je ne comprends pas bien. Prophète Elie, explique
moi.
- Et bien, c’est simple, lorsque la Emouna diminue dans
une maison, ou plus généralement dans une ville ou un pays,
l’air se refroidit, car la Emouna réchauffe l’âme.
Une âme qui a froid refroidit toujours l’atmosphère. Il
faut la sensibilité d’un petit Chofar comme celui de votre famille
pour percevoir la différence ???????????
A présent, remplissez vite votre cruche car vous devez être
rentrés avant le lever du soleil. Et demain c’est Kipour, il
faut vous préparer, tout comme moi.
Léa plonge la cruche dans l’eau et la ressort
rapidement. Elle murmure ensuite quelques paroles en fermant les yeux. Acher
se précipite alors vers elle et lui cueille une perle. Il la dépose
délicatement dans le récipient.
- Prophète Elie, comment pouvons-nous remuer la cruche
sans renverser une seule goutte de sirop ?
Elie sort de sa poche un vieux bouchon en terre cuite.
- Sarah l’avait oublié la fois où elle
est venue ici !
Les enfants ferment soigneusement la cruche et chacun à leur
tour, la secouent énergiquement.
- Voila qui est fait, vous avez à présent du
sirop de Emouna !
- Avant que nous partions Prophète Elie, pourrais-tu
nous dire où nous sommes ?
- Nous sommes du côté du jardin d’Eden.
La nature est généreuse et a débordé un peu hors
du jardin. C’est pour cela que les fruits sont si gros, les oiseaux
si beaux, les animaux si sereins. Regardez la grande porte là-bas
au fond, c’est la porte du Gan Eden !
Les enfants n’en croient ni leurs yeux, ni leurs oreilles.
- Il faut partir maintenant. Je sais que le soleil va bientôt
se lever sur votre ville, montez vite sur le tapis…
- Viens avec nous, s’il te plait Prophète Elie
! Supplie Acher.
- Non, petit Acher, j’ai encore beaucoup de gens à voir.
Je ne peux pas vous accompagner !
- On te reverra, dis ?
- Sans doute, je vous ferai une surprise, je vous le promets.
Au revoir mes enfants, soignez bien le Chofar ! Et surtout priez de tout
votre cœur pour Kipour. Les paroles des enfants montent toujours très
haut. Et moi, je sais que D… les aime, car elles éveillent sa
tendresse encore davantage. Et quand la tendresse de D… est éveillée,
elle déborde comme du miel sur la terre.
Le prophète Elie se tait … Une brise emporte le
tapis au loin.
- Au revoir Prophète Elie, à bientôt…
Les illustrations sont de Livna Rotnemer
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