Article paru le 9 janvier 1995 dans le Jerusalem Post :
« Une femme de 50 ans, en état d’inconscience et à l’article de la mort, a été admise au service des urgences de l’Hôpital Laniado à Netanya, en Israël. Après l’avoir examinée et radiographiée, les médecins ont diagnostiqué une compression des vaisseaux sanguins provoquée par une tumeur de 15 kg placée dans son utérus. L’un des médecins de ce service a estimé que la tumeur était “si énorme qu’elle pourrait figurer un jour dans le Livre Guinness des Records”.
Au cours des dix huit mois précédents, cette femme avait été hospitalisée plusieurs fois en état de choc. Les médecins de l’hôpital lui avaient conseillé de faire enlever la tumeur, faute de quoi elle mourrait. Elle avait fermement refusé, affolée à l’idée d’une telle intervention.
L’hôpital a demandé et obtenu une décision judiciaire permettant l’opération malgré l’opposition de la patiente. Une équipe de douze chirurgiens a exécuté l’intervention, réalisée en quatre heures et demie, avec un entier succès. »
Les questions soulevées
Est il normal que l’on ait diagnostiqué que cette femme était « gravement malade », sans espoir de rétablissement à moins d’une opération chirurgicale ?
Le fait qu’elle était inconsciente et sur le point de mourir change t'il les données du problème ?
Un médecin doit-il être déclaré coupable de « coups et blessures » s’il exécute une opération sans avoir obtenu le consentement du patient ?
De même, doit-il être condamné pour négligence en cas d’échec de son intervention ?
Peut-on être considéré comme jouissant légalement de ses facultés mentales, mais comme étant juridiquement incapable de prendre une décision particulière ?
Quelques commentaires :
Judith écrit :
Je suis la fille d’une suicidée. Aucune personne au monde n’a le droit de s’ôter sa propre vie ou celle d’un autre. C’est l’acte le plus égoïste que l’on puisse commettre. La mort de ma mère remonte aujourd’hui à plus de vingt ans, et c’est encore comme si c’était hier. C’est quelque chose que je ne surmonterai jamais.
Il n’y a aucune situation que l’on ne puisse résoudre avec de l’amour et un soutien attentif. Il suffit parfois d’avoir quelqu’un avec qui parler.
Jane écrit :
C’est Hachem qui donne la vie, et Il est le seul à pouvoir la reprendre. Ses intentions pour notre vie sont beaucoup plus élevées que nous pouvons le comprendre.
Rachel écrit :
L’associé de mon mari dans son cabinet d’avocat a connu d’un litige. Après une tentative de suicide, le personnel de l’hôpital a sauvé la vie d’un homme, et il n’est plus maintenant qu’un légume.
Les héritiers ont traduit l’hôpital en justice parce qu’ils ne voulaient pas que l’argent de leur père serve à payer ses frais d’hospitalisation, son assurance ne les prenant pas en charge. L’hôpital vient de trouver un arrangement avec la famille de cet homme. Il a été puni pour lui avoir sauvé la vie.
La perspective juive
La décision du tribunal israélien ordonnant l’ablation de la tumeur de 15 kg est compatible avec la loi juive, qui considère qu’une personne n’a pas la propriété absolue de son corps.
La vie nous est donnée pour un temps déterminé ; il nous incombe de la préserver et de prendre des décisions raisonnables pour sa sauvegarde.
La vie nous est donnée pour un temps déterminé. A nous de veiller à sa sauvegarde et de prendre des décisions raisonnables pour sa préservation. Se comporter autrement constitue une transgression du commandement de la Tora qui nous ordonne de veiller sur notre santé (Wenichmartem lenafchotèkhem Deutéronome 4, 15).
On nous apprend aussi :
« Détruire une vie, c’est comme détruire tout un monde. Sauver une vie, c’est comme sauver tout un monde » (Talmud Sanhédrin 37a).
On a demandé à Rabbi Moché Feinstein, une des autorités halakhiques les plus respectées du 20ème siècle, si l’on peut contraindre un patient à accepter contre son gré un traitement ou des soins médicaux. Voici ce qu’il a répondu :
« Si un malade refuse un traitement parce qu’il souhaite éviter les désagréments qui en résulteront, alors que les médecins, dans leur ensemble, considèrent que l’intervention lui profiterait et pourrait le mener à la guérison, on doit entreprendre ce traitement même contre la volonté du malade.
Si un patient ne veut pas prendre de médicaments… on l’y forcera, car il se comporte comme un enfant…
Cependant, on n’utilisera pas la contrainte si une vraie force physique est nécessaire, car elle peut effrayer le patient et peut-être le diminuer sérieusement, en lui nuisant au lieu de l’aider.
Si le traitement envisagé par les médecins n’est pas propre à guérir ou à alléger la douleur physique du patient, mais s’il ne fera qu’allonger un tant soit peu sa douloureuse existence, on ne l’administrera pas…
Si le médecin peut administrer un traitement permettant au patient de survivre jusqu’à l’arrivée d’un autre médecin [plus expérimenté], il le fera même si le patient ne le veut pas.
Si le traitement est hasardeux, comme ce peut être le cas d’une intervention chirurgicale à risque vital élevé, ou d’un médicament susceptible de ne pas être toléré par l’organisme même si ce médicament a été mis sur le marché parce que le rapport bénéfice/risque favorisait son utilisation on n’usera pas de contrainte pour les administrer en cas de refus du patient. »
Source : Igueroth Moché, ‘Hochèn michpat 2, 73 et 74 (1982)
Traduction et adaptation Jacques KOHN