En fait, nous sommes tous frappés d’une maladie mortelle: la vie.
Dès que nous naissons, nous contractons cette maladie fatale appelée
la vie et tôt ou tard nous sommes appelés à en mourir.
Le taux de mortalité entraîné par l’épidémie
de SRAS est de 5 à 10%, ce qui terrifie réellement les gens.
Celui de la maladie appelée vie est de 100%. Cela peut prendre cent
vingt ans, mais nul n’y échappe.
Par conséquent, certains pourraient penser qu’il faut jouir autant
que faire possible tant qu’on est là. “Mangeons, buvons
et réjouissons-nous car demain nous mourrons!” (Ce n’est
pas Robin des Bois ou un de ses semblables qui a prononcé ces paroles,
mais Isaïe. Bien entendu, le prophète n’avait pas l’intention
de justifier cette attitude mais exprimait ce que les gens pensaient.)
Le point de vue du Judaïsme sur cette question est de loin plus positif:
on y voit là l’opportunité inespérée de bâtir
dans ce monde son Olam Haba, le monde futur. Chaque seconde fournit
l’occasion de faire encore mieux. Et comme le nombre de secondes est
limité, on doit se mettre vite au travail!
Dans les Pirkei Avot
(Maximes des Pères), il est écrit: “Si
ce n’est pas maintenant, quand sera-ce?” (1,14). Cela ne veut pas
dire qu’on ne dispose pas devant soi d’au moins une minute. De
même, “Repends-toi le jour précédant ta mort” n’implique
pas l’idée de faire techouva (se repentir) parce que demain, on
ne sera peut-être plus de ce monde. Car, si l’on ne mourait pas
le lendemain, cela voudrait dire rétroactivement qu’on n’aurait
pas eu besoin de faire techouva la veille. Mais au contraire, la techouva entre
en vigueur même si l’on est persuadé qu’on sera
encore en vie le lendemain.
Le Talmud rapporte que
Rabbi Eliezer Ben Durdaï était un infâme
impie qui se laissait aller à ses penchants les plus mauvais - il ne
pouvait tout simplement pas s’en empêcher. Finalement, il fut ébranlé par
un événement. Il fit alors une techouva si intense qu’il
en mourut.
Une voix céleste retentit alors et proclama: “La
place de Rabbi Eliezer Ben Durdaï est réservée dans
le Olam Haba!” Non
seulement il était destiné au Olam Haba mais de plus il était
honoré du titre de Rabbi, signifiant de la sorte qu’il fallait
suivre son enseignement.
Lorsque Rabbi Yéhouda Hanassi apprit ce fait, il se mit à pleurer
et dit: “On peut gagner sa part dans le monde futur en un seul instant.”
Pourquoi pleura-t-il?
Parce qu’il dut peiner toute sa vie pour avoir
droit à sa propre part alors que quelqu’un d’autre l’avait
obtenue d’un seul coup? Etait-il jaloux? Bien entendu que non. Et évidemment,
le Olam Haba de Rabbi Yéhouda fut considérablement plus grand
que celui de Rabbi Eliezer Ben Durdaï.
Chaque seconde est dotée de son potentiel d’éternité et dans le Olam Haba, il y a une infinité d’éternités.
Le directeur de la Yéshiva de Telché affirmait qu’il pleurait
parce que chacun a la possibilité de faire
techouva à tout moment.
La part qu’on peut acquérir dans le
Olam Haba n’a pas de
limite. Chaque seconde est dotée de son potentiel d’éternité et
dans le
Olam Haba, il y a une infinité d’éternités.
Rav Sim’ha Zissel disait: “Yom chekoulo tov, yom chekoulo aro’h.” (Le
monde futur est qualifié de « jour, entièrement bon, jour
totalement long ») Que le Olam Haba soit totalement bon, on peut le comprendre.
Mais que signifie “totalement long”? Seules les sermons des rabbins
sont totalement longs !
Dans ce monde, c’est en juxtaposant de courtes périodes qu’on
obtient de longues périodes. Dans le Olam Haba, il n’y a pas de
brefs moments. Là-bas, chaque unité de temps est infinie. Tout
est éternel.
Rabbi Yéhouda Hanassi pleurait parce qu’il avait la possibilité d’acquérir
l’éternité à chaque seconde et néanmoins
combien de secondes sont gaspillées.
Tout cela fait penser
aux immenses buffets que l’on dresse dans certaines
réceptions. Tous les plaisirs de ce monde dans le domaine de la nourriture
y sont offerts. Quand le buffet est ouvert, les invités se pressent
pour faire la queue, comme s’ils n’avaient pas mangé depuis
des mois; ils se bousculent afin d’être sûrs d’obtenir
leur portion.
C’est de cette manière que nous devrions nous comporter à l’égard
de ce monde, afin de nous assurer que nous faisons tout ce qu’il faut
pour avoir notre part dans le Olam Haba.
Traduction et adaptation de Claude Krasetzki