‘Ayin tova un « bon œil »
Le « bon œil » se traduit par la joie ressentie devant le succès de l’autre, et par la faculté de savoir renoncer à ses droits au profit d’autrui. Dans la vie des affaires, cela signifie l’abandon à ses concurrents une part de marché, l’octroi de délais à ses débiteurs en difficultés financières, et l’établissement avec son personnel de relations qui dépassent ses obligations contractuelles. Cela se situe au delà de la lettre de la loi et est donc facultatif, et soumis uniquement aux idées que chacun se fait de la bonté et de la moralité.
Notons cependant que la halakha rend un tel comportement obligatoire.
Le vendeur est non seulement tenu d’utiliser des poids et mesures honnêtes, mais aussi de remettre à l’acheteur un peu plus que la quantité demandée (Choul‘han ‘aroukh, ‘Hochèn michpat 231, 14).
Il est un cas où l’acte charitable et conforme à l’éthique devient obligatoire : C’est lorsque l’une des parties tire profit d’une transaction alors que l’autre n’y perd rien (zé néhéné vezé lo ‘hassèr Baba Qama 20a). La halakha a codifié cette règle sous le nom de « loi de bar metzra », institution qui donne aux propriétaires des propriétés foncières contiguës à celle du vendeur un droit de préemption sur une parcelle offerte à la vente. Cette préemption, même si elle s’opère au prix du marché il ne serait pas équitable que le vendeur en subisse un préjudice contredit son égoïsme qui tendrait à refuser à son voisin un bénéfice octroyé gratuitement (‘Aroukh hachoul‘han, ‘Hochèn michpat 175, 1).
Cette préemption, même si elle s’opère au prix du marché il ne serait pas équitable que le vendeur en subisse un préjudice contredit son égoïsme qui tendrait à refuser à son voisin un bénéfice octroyé gratuitement (‘Aroukh hachoul‘han, ‘Hochèn michpat 175, 1).
On doit également « marcher dans la voie des gens de bien » (Proverbes 2, 20). La Guemara rapporte le cas d’ouvriers qui avaient cassé des tonneaux de vin pendant leur transport. Quand le propriétaire a saisi leurs vêtements pour se payer de son préjudice, le beith din lui a ordonné de les rendre, conformément à ce dicton. Plus tard, les mêmes ouvriers ont demandé à être payés pour leur travail, et le beith din, sur la base du même dicton, a fait droit à leur demande (Baba Metsi‘a 83a). Selon certaines opinions, un tel comportement n’est obligatoire qu’entre personnes de même statut religieux que celles mentionnées dans notre texte. Ce point de vue semble à la fois incorrect et, de nos jours, non pertinent. Incorrect, car le Yerouchalmi, lorsqu’il évoque la même anecdote, ne mentionne pas le nom du propriétaire ; non pertinent de nos jours étant donné que les opinions les plus rigoureuses ont été largement acceptées en matière de cacherouth et de rites, de sorte que la même sévérité doit également être de mise dans notre façon de nous comporter en affaires.
Roua‘h nemoukha un esprit pétri d’humilité.
L’humilité est non seulement une vertu religieuse et spirituelle, mais aussi un élément important dont la Tora nous demande de nous imprégner dans notre façon de traiter nos affaires. Elle doit nous guider dans toutes nos formes de négoce, qu’il s’agisse de traiter avec des concurrents, des fournisseurs ou des débiteurs, ou qu’il s’agisse des relations de travail. Il est facile pour qui en est privé d’ignorer ou d’exploiter la dépendance des autres. « Voici la façon pour le talmid ‘hakham [le modèle à imiter par tout Juif] de faire du commerce… Il s’astreint à la plus grande rigueur dans ses paiements, mais il se montre accommodant avec ses débiteurs… Il respecte la parole donnée même là où la loi lui permet de la reprendre… mais il est bienveillant envers les autres et leur accorde des délais ou remet leurs dettes. Il veille avec attention à ne pas priver autrui de son gagne pain et à ne pas lui causer de difficultés ou de soucis » (Rambam, Michné Tora, Hilkhoth dé‘oth 5, 13).
C’est notre manque d’humilité et notre arrogance qui nous poussent à rompre les contrats ou les accords verbaux. Bien évidemment, quand l’autre partie subit une perte financière elle doit être indemnisée. Mais cette rupture comporte également une dimension morale, au-delà du simple préjudice matériel. Nos Sages ont considéré celui qui agit ainsi comme étant de peu de foi. C’est pourquoi la halakha a mis au point une procédure, appelée mi chépara’, selon laquelle la communauté, réunie dans la synagogue, l’admoneste publiquement en demandant à Dieu de le juger comme Il a jugé la génération du déluge, les habitants de Sodome et les Egyptiens, dont la caractéristique commune est qu’ils ne tenaient pas parole (Baba Metsi‘a 44a, ‘Hochèn michpat 198, 15 ; 204, 1 et 4).
La délinquance « en col blanc », qui se commet en secret, est une forme d’arrogance, l’auteur se croyant assuré que personne n’a été témoin de ses actes ou qu’il est au-dessus des lois. La barrière la plus efficace contre la tentation de s’y livrer consiste à bien savoir qu’il existe un Dieu qui voit tout et qui sait tout, et qui punira celui qui aura franchi les barrières de la loi.
Néfèch chefèla une âme généreuse.
La modestie, dans le judaïsme, ne se limite pas aux questions d’habillement ou de rapports entre les sexes. Elle s’applique également aux modèles de consommation et soulage la pression exercée sur les gens pour qu’ils s’enrichissent. De telles pressions créent une société qui évolue aux antipodes du judaïsme en ce qu’elles intensifie les conflits sociaux, fait du matérialisme l’unique centre d’intérêt dans la vie et encourage l’individu, s’il n’a pas d’autres possibilités, à gagner son argent de façon immorale.
Les modèles que nous, descendants d’Avraham, cherchons à imiter ne sont pas ceux de Bil‘am. « Le talmid ‘hakham entretient sa famille selon ses moyens, sans y consacrer des efforts excessifs. Son habillement ne doit ressembler ni à celui des rois [et ne doit donc pas suivre les courants de la mode], ni à celui des pauvres » (Michné Tora, Hilkhoth dé‘oth 5, 2 et 4 à 13). C’est ce qu’enseigne le verset : « Tu marcheras modestement devant ton Dieu » (Michée 6, 8).
« Va vers la fourmi, paresseux… » (Proverbes 6, 6). Ce verset nous incite à nous appliquer, à travailler durement et à nous consacrer à la création de richesses. Les Rabbins y ont cependant vu l’indication de ce qui doit être évité, car la fourmi symbolise la sottise et l’effort inutile : Elle ne vit que le temps d’une saison, pendant laquelle elle ne mange que deux grains de blé, et pourtant elle trime durement pour accumuler une fortune.
Traduction et adaptation de Jacques KOHN