« Je ne sais pas pour toi », m’a dit m’a femme la semaine dernière, « mais moi, je suis toute joyeuse. Voici vingt ans que nous sommes mariés, et une étude parue dans le journal d’aujourd’hui, indique qu’ayant dépassé cette échéance, seulement 4% d’entre nous vont divorcer."
«En fait », ajouta ma femme, « nous devrions faire la fête, car 25% des couples divorcent au cours des quatre premières années de mariage. Nous sommes mariés depuis cinq fois plus longtemps. Quel succès fabuleux ! »
A en croire une étude récente sur le divorce effectuée par l’Association Canadienne du Droit de la Famille, 25% des mariages finissent par un divorce dès les premières quatre années. Ce chiffre vous choque? Il signifie que sur 4 mariages auxquels j’assiste, il y en aura un qui débouchera sur un divorce. Tous ces visages émus et radieux des couples sous le dais nuptial, devant leurs parents et amis réunis pour participer à la création d’une nouvelle famille, le quart d’entre eux se dirige vers un échec !!!
Les chiffres semblent être quasiment les mêmes chez les Juifs et chez les non-Juifs, il semble bien que c’est pareil. Riches ou pauvres, Juifs ou non, l’étude indique que le quart des mariages se solde par un échec.
Pourtant, et c’est drôle, je me souviens que lorsque j’étais adolescent ma mère me disait : « Les Juifs ne divorcent pas. » Et elle avait raison. Dans la petite ville où j’ai grandi, on ne comptait que deux familles dont les parents avaient divorcé. Alors, qu’a-t-il bien pu se passer en un quart de siècle ? Qu’est-ce qui a rendu fausse l’assertion de ma mère ? L’époque apporte-t-elle un changement inéluctable ???
Quelle peut bien être la cause de ce qui a provoqué un changement aussi radical et d’une telle envergure, dans une des entreprises les plus importantes de notre vie ?
On évoque diverses causes, certes. Mais l’expérience des conseillers conjugaux fait apparaître une cause majeure dans la plupart des mariages qui ont échoué. Il y a un facteur qui semble avoir joué dans la plupart de ces échecs : nous avons appris, à notre époque, à être des « preneurs ».
La télévision, les affiches, les magazines, tout nous pousse à prendre. On nous dit : Vous méritez ceci. Essayez ceci. Offrez-vous une interruption dans votre travail. Faites ce qu’il vous plait. Les slogans plus séduisants les uns que les autres, nous incitent à prendre ce que nous désirons, à faire ce que nous désirons, et à ne penser qu’à nous-mêmes.
Comme c’est dommage que la Tora ne dispose pas de panneaux publicitaires bien à elle. Car la Tora nous apprend à donner, non à prendre. Elle nous enseigne que si on donne, on reçoit.
Avant le mariage, il faut apprendre que la différence entre l’acte d’intimité dans le couple et l’amour, se situe au niveau de la pensée. Pour un même acte, si l’idée des époux est de rendre heureux l’autre, c’est de l’amour. Si on ne pense qu’à soi, alors c’est un vulgaire acte physique, égoïste. Cette intimité dans le couple peut être sainte, lorsqu’elle est don de soi et amour dans le cadre du mariage.
Deux personnes qui prennent ne forment pas un couple. Ce sont deux individus, et chacun d’eux est seul, même qu’ils sont ensemble.
Si notre existence est une suite d’acte de preneurs, nous perdons notre lien, notre relation avec autrui. Au contraire, si tous deux, nous donnons, alors notre relation est solide. Lorsque deux personnes donnent, les deux reçoivent. Lorsque deux personnes prennent, elles ne forment pas un couple ; elles sont deux individus, et chacun d’eux est seul, même en compagnie de l’autre.
Donner l’un à l’autre crée et entretient une véritable relation.
Donneurs et preneurs, tout se réduit à cela. D’ailleurs, c’est facile à comprendre. Mais plus difficile à réaliser. Il n’existe aucune potion magique pour guérir et renflouer un mariage en situation d’échec. Mais l’effort de donner vaut incroyablement la peine d’être accompli.
Peut-être bien que, si nous ne sommes pas choqués d’apprendre la proportion des divorces, c’est le signe que nous sommes déjà complètement habitués à la manière dont la société nous incite à être des preneurs. C’est notre normalité.
Parfois, même avec les gens les meilleurs, animés des meilleures intentions, le mariage ne réussit pas, et alors le divorce est une bénédiction. Une chance d’essayer à nouveau de trouver le bonheur. Toutefois la proportion véritablement alarmante des divorces signifie qu’il y a un problème de fond dans la manière dont beaucoup de gens abordent le mariage, ainsi que les relations humaines, de manière plus générale.
Nous avons la possibilité de réagir. Nous pouvons commencer par nous-mêmes. Nous pouvons devenir donneurs. Le Talmud nous dit : « De même que D.ieu donne, toi aussi donne. » Réfléchissons à ce que mérite l’autre. Pensons de manière généreuse à l’autre dans notre relation à l’intérieur de notre couple. Réfléchissons à la manière dont l’autre ressent les choses.
Certes, il serait difficile à la longue d’être donneur, en vivant avec un preneur invétéré. Mais dans la pratique, une telle situation ne perdure pas.
En effet, chaque geste de don, de générosité, joue le rôle d’une perche que l’on tend à l’autre. L’autre est incité alors à donner à son tour. A la longue, il y a là ce qui peut transformer deux individus en un couple bien cimenté.
Traduction et adaptation de Rav Schlammé