Une jeune femme nous écrit
:
" Mon mari et moi
sommes mariés depuis huit mois. Lui a changé sa façon de
voir concernant un certain nombre de problèmes religieux depuis que nous
nous sommes rencontrés. Ces derniers temps, nous vivons des situations
de conflit au niveau de nos différences en matière de pratiques
religieuses. Ah ! Si seulement mon mari pouvait m'accepter telle que je suis,
au lieu d'essayer de me transformer ! J'ai l'impression que si je devais changer
certaines de mes habitudes pour plaire à mon mari, j'en serais malheureuse.
Je voudrais bien savoir quand donc il convient pour une femme d'agir selon le
désir de son époux, et quand est-ce que l'on peut obtenir de son
époux qu'il accepte notre manière d'agir ? "
La lettre de cette jeune femme porte
sur un problème très complexe, car il pose la question : "
Dois-je renoncer à moi pour être aimée de toi ? "
Evidemment, nous entendons bien le
cri de détresse de cette jeune femme. Et, en vérité, ainsi
formulé, le dilemme crée une situation dont personne ne sortira
gagnant. En effet, si cette jeune femme n'agit pas selon les désirs de
son mari, elle risque au moins de provoquer le mécontentement de son
mari, peut-être même perdra-t-elle la considération qu'il
a pour elle, et peut-être même les conséquences seront-elles
encore plus dramatiques. Inversement, si malgré toute son aversion, elle
agit en conformité avec les souhaits de son mari, il est fort probable
qu'elle ne se sentira pas en accord avec elle-même, et aura l'impression
que son mari entend la transformer.
Il ne convient jamais qu'un des époux impose son opinion ou sa volonté à l'autre.
Il me semble qu'il ne convient jamais
qu'entre époux, l'un des deux impose son opinion ou sa volonté
à l'autre par la contrainte. Exercer un contrôle sur un comportement,
ou contraindre à une manière d'être, ou de réagir,
est une fonction qu'on devrait exclusivement exercer sur soi-même.
Dans la relation avec le conjoint,
le mariage ne l'autorise pas. On peut dire dans ce sens que " le mariage
ne se construit pas dans un cadre de centre de désintoxication. "
De toute manière, une telle approche n'est d'aucune efficacité.
Au pire, elle peut être destructive et avoir des effets contraires à
celui qu'on espérait obtenir. Inévitablement, une telle approche
est de nature à aggraver les ressentiments et à susciter la colère.
Chacun a le droit de prendre ses décisions. Il serait avilissant pour
l'un des époux de voir transféré son droit à l'autre.
La philosophie de la Torah considère
que l'être humain est créé à l'image de Dieu. Comprenons
par là que Dieu nous a donné une certaine ressemblance avec Lui,
avec Ses attributs. Le Maître de l'Univers est le seul qui soit totalement
indépendant. Il ne doit de comptes à personne. Au contraire, nous
sommes des mortels, et nous ne pouvons pas être totalement indépendants
des autres, à plus forte raison pas de Dieu. Etre créés
à l'image de Dieu installe en nous une résistance naturelle contre
un contrôle, une manipulation, ou le fait de recevoir des ordres. L'obéissance
est souvent nécessaire ; mais elle constitue une réponse apprise,
reçue ; pas une réponse naturelle.
Peut-être ceci explique que
lorsque le bébé commence à prendre conscience qu'il ne
fait plus un avec sa maman, un des premiers mots qu'il lui adresse est NON.
Le mariage doit être fondé
sur le respect mutuel, et l'appréciation des différences.
En même temps, une des manifestations
d'une relation parfaite est l'ouverture. Le fait qu'aucun des époux n'ait
à craindre de menaces de l'autre, permet à chacun d'envisager
des possibilités jusque-là inexplorées, n'ayant encore
jamais été abordées dans la relation du couple.
Pour cela, il faut qu'aucun des époux
n'ait à craindre que l'autre ne lui cache certains projets ultérieurs.
Sinon, les eaux du mariage deviendraient vite pleines de boue. Il serait nécessaire
alors qu'on prenne en priorité conscience de ce problème, pour
qu'on décide de tout clarifier et régler.
QUE NOUS DIT LA
TORAH ?
" Ses voies sont celles de
l'agrément " (Proverbes 3/17)
Ce verset présente une description
de la Torah et de l'observance de ses valeurs. D'abord, il faut bien savoir
que pour la Torah, la qualité de la relation dans le couple est le pivot
central de l'ensemble de la vie juive. L'obligation d'obéir aux Mitsvoth,
aux commandements de la Torah, est parfaitement conçue et bien adaptée
pour rehausser, et non pour déjouer cet objectif, cette qualité
de la vie des époux.
En effet, le mariage est une construction,
à tel point que " banim ", les enfants, est un mot qui est
en relation avec la racine du verbe " banah ", construire.
L'intimité dans le couple
est appelée dans la Torah connaissance (Yada - voir Beréchith
chapitre 4 verset 1 et Vayeyda voir Berechith chapitre 4 verset 17).
Une construction n'est valable que
si les éléments qui la constituent s'harmonisent entre eux. Cela
s'applique aussi bien à la résistance qu'à l'esthétique.
A priori, un couple a intérêt à se former sur une base de
connaissance, de compréhension et d'appréciation mutuelles. A
posteriori, la reprise en sous-œuvre de ce qui avait d'abord été
négligé, peut se faire, si les deux époux ont la volonté
sincère de se remettre en question, et de ne pas se coller l'un à
l'autre d'épithète de fanatiques, etc….On verra plus loin
ce qui peut utilement les inspirer et les guider dans ce sens.
Dans sa lettre, la jeune femme a
fait valoir que son mari a changé depuis leur mariage. En d'autres termes,
les conditions du contrat qui les unit depuis le mariage ont changé.
Dans son esprit, cela constitue un grief contre son mari.
Soyons d'accord avec elle pour reconnaître
qu'en effet certaines choses ont changé, certes. Mais qui dit que dans
un mariage parfait les choses doivent stagner de manière chronique ???
Les êtres humains ne gagnent pas à toujours stagner. Sans cesse,
il faut apprendre et s'élever. Aujourd'hui doit être différent
d'hier, et demain devra être différent d'aujourd'hui, surpassant
aujourd'hui, grâce à ce que nous comprendrons mieux qu'aujourd'hui.
Dans les arènes de notre vie professionnelle, matérielle et corporelle,
nous ne sommes pas prêts à nous contenter d'un statu quo.
La déférence a bel et bien sa place dans un mariage sain.
Il faut toujours restructurer ce
que nous avons reçu par notre éducation, et améliorer notre
niveau de vie. Evidemment, tout ce qui concerne le monde de notre âme
se projette sur notre éternité, nous avons par conséquent
besoin d'aspirer à des buts plus élevés, plus nobles.
C'est pourquoi je souhaite suggérer
à cette correspondante de s'engager pour sa part à une étude
plus complète des lois juives, tout en les expérimentant, de sa
propre initiative.
Il est important de savoir que nous
ne choisissons librement que lorsque nous avons les connaissances qui nous permettent
d'apprécier et de juger par nous-même. Car ensuite, grâce
à cette nouvelle compétence qu'elle aura acquise, sans n'avoir
plus à craindre les égarements inspirés par un ego blessé,
meurtri, elle pourra peut-être plus objectivement construire sa propre
volonté, et définir le statut qu'elle entend adopter dans la vie
religieuse. Bien volontiers, elle tiendra alors compte de ce que demain sera
un autre jour. Cet autre jour pouvant offrir des perspectives infinies, sur
la base de ce qu'elle étudiera encore et s'élèvera toujours
davantage. Ces réflexions ne manqueront pas de la rapprocher du point
de vue de son mari.
En plus de cela, je tiens à
souligner que le respect, la déférence doit avoir sa place dans
un mariage sainement vécu. Chacun des partenaires du couple doit être
respecté dans son domaine spécifique et dans le domaine de sa
compétence.
On a une fois proposé que
l'on apprécie l'importance qu'on attache à une chose, en la situant
sur une échelle allant de 1 à 10. Il s'agit de réfléchir
à la chose à laquelle on tient, en se demandant si on souhaite
à tout prix en rester là jusqu'à la mort ! Cela permettrait
de définir si nous tenons absolument à une chose, ou si on est
prêt à temporiser.
On rapporte avec humour qu'un mari
disait qu'il avait décidé qu'il faisait son affaire de toutes
les décisions importantes. Déclarer la guerre à la Chine,
ou non ; si la Banque doit ou non baisser ses taux d'intérêt. Il
laisse à sa femme le soin de prendre les décisions moins importantes
: choix de l'appartement, choix de l'école pour les enfants, etc…
Dans le cadre de la vie d'un couple,
il serait dangereux de statuer sur une question, avant que les époux
n'aient tous deux compris qu'il y avait là matière à négociation.
Enfin, comme dans toute relation
humaine, ou peut-être davantage encore que dans toute autre relation humaine,
les attitudes de gratitude et les réactions positives sont choses extrêmement
importantes.
On comprend facilement que le problème
soulevé est très personnel, en même temps que les couples
qui le vivent sont nombreux. Chaque fois que l'un des époux évolue
en faisant cavalier seul, il déclenche une frustration qui met la vie
du couple en danger. Alors, ne faut-il pas progresser ??? Bien sûr que
si, mais ensemble, à deux, autant que possible. En communiquant honnêtement
à chaque petite étape. Les solutions doivent être construites
à deux, dès que le hiatus entre les deux approches seront résorbées,
par exemple de la manière dont nous l'avons suggéré plus
haut.
Comme les autres commandements qui
régissent les rythmes de la vie juive, la vie du couple est aussi ordonnée
par Dieu. Elle est une mitsvah. A ce titre, il faut bien savoir que c'est à
Dieu qu'on peut valablement demander d'aider à réaliser l'entente
dans le couple, sans sacrifier conjoint, mais en inspirant un vrai sentiment
de plénitude au moment où s'installe la compréhension entre
époux.
Traduction et Adaptation
du Rabbin Schlammé