L’importance du respect de soi est essentielle. Le docteur Abraham Maslow,
un psychologue de renom, l’inscrit au sommet de la hiérarchie
des besoins humains, juste après la nourriture, l’habitation et
les rapports sociaux.
Comment nous parvenons à ce
respect est une autre question.
Dans le monde occidental,
on tient pour essentielles les réalisations
que l’on a accomplies, poussé par un besoin de se voir reconnaître
par les autres. On s’identifiera aisément par sa profession ou
sa carrière. « Je suis un homme d’affaires, un directeur
commercial, un diplômé de Harvard ! » Si les autres s’en
trouvent impressionnés, cela nous rassure sur notre propre importance.
L’importance que le société occidentale attribue à ce que l’on a réalisé extérieurement diminue les possibilités de développer en soi un véritable respect de soi.
Mais
cette importance attribuée à ce que l’on a réalisé extérieurement
porte en elle-même une immense peur de l’échec. Nous craignons
de perdre notre respect de nous-même si les autres ne sont pas impressionnés.
Le château de cartes que nous avons bâti s’effondrera.
Toutes les fois que
Pierre gare sa Ferrari, avec ses sièges en cuir
souple, devant chez lui, il sent qu’il « a réussi ».L’année suivante, le modèle de sa voiture est devenu obsolète
et les voisins n’en sont plus impressionnés. Sa façade
s’écroule, son respect de soi est anéanti. Que faire maintenant
?
L’évolution
et la bataille pour le respect de soi
La théorie
de l’évolution nous apprend que l’homme
n’est rien d’autre qu’un animal quelque peu sophistiqué,
et que sa valeur intrinsèque n’est ni plus ni moins que celle
de n’importe quelle autre créature, que ce soit un chat ou un
ver de terre. Son
message sous-jacent est que l’homme ne possède pas de source
inhérente de respect de soi, mais qu’il a besoin d’accomplissements
tangibles pour se sentir « couronné de succès ».
Quelle pression énorme ! Si
le « succès » est le seul moyen d’accéder
au respect de soi, beaucoup d’entre nous n’y parviendront jamais.
Et ceux qui auront eu la chance de l’obtenir vivront toujours dans
la crainte de le perdre par des circonstances indépendantes de leur
volonté.
Nous pouvons avoir tous les talents du monde, mais qu’en faire si nous
trébuchons sur le trottoir et manquons un rendez-vous essentiel !
Le judaïsme tient pour une donnée essentielle que chaque être
humain est créé à l’image de D.ieu. Avec une
prémisse
aussi sublime, le respect de soi devient un droit imprescriptible de chaque
homme.
L’homme est créé avec une âme, une étincelle divine. Le respect de soi est un droit imprescriptible.
Beaucoup de mitswoth dans le judaïsme nous apprennent à régler nos
rapports avec autrui.
Ces rapports procèdent de la prise de conscience par l’homme qu’il possède une
dignité qui ne peut être séparée de lui, comme étant indépendante de la question
de savoir s’il a ou non rien accompli de significatif.
L’effort par opposition aux résultats
«
Selon l’effort est la récompense. » (Talmud - Pirkei Avoth
5, 27)
Dans le judaïsme, c’est l’effort, et non l’accomplissement
d’un but, qui importe. Parce que le résultat final se trouve de
toute façon dans les mains du Tout-puissant.On
peut donc réussir en l’emportant dans une lutte morale, même
s’il n’y a aucun résultat tangible.L’effort est cependant difficile à évaluer quantitativement,
de sorte que l’on a tendance, dans notre monde matérialiste, à méconnaître
sa valeur.
Soit deux coureurs
s’opposant dans un 100 mètres. L’un
d’eux atteint presque le record du monde de 9, 3 secondes, tandis que
son adversaire mettra 30 secondes à franchir la ligne d’arrivée.Qui
a gagné la course ? Celui qui a frôlé le record du
monde, bien sûr !Sauf
que celui qui a mis 30 secondes avait développé la poliomyélite
dans son enfance, qu’il était resté incapable de marcher
jusqu’à l’âge de 14 ans, et qu’il s’était
durement investi, des années durant, à surmonter sa douleur et
son exténuement jusqu’à pouvoir franchir cette même
distance.
On
ne peut jamais juger de la valeur de quelqu’un à l’aune
de ses succès externes, parce qu’on ne peut jamais savoir les
circonstances qu’il a dû affronter.
Ne jugeons jamais de la valeur de quelqu’un à l’aune de ses succès externes, car on ne peut jamais savoir les circonstances qu’il a dû affronter.
Nous naissons dans un ensemble
particulier de circonstances, réglé à l’avance
par D.ieu. Nous n’avons de prise que sur l’effort que nous déployons.
Ce qui fait notre réussite, c’est notre façon d’affronter
les circonstances qui se présentent à nous. La place que nous
occupons sur l’échelle importe moins que le nombre d’échelons
que nous avons gravis.
Le respect de soi vient
de la conscience que nous avons de l’effort
accompli pour progresser. En nous y appliquant de notre mieux, nous pouvons
vivre avec un sentiment profond et constant de satisfaction.
Un conte talmudique
Eliézer ben
Hurkanas était le fils de Hurkanas, un homme érudit
et très riche.
Alors qu’il labourait sur la montagne, il se mit à pleurer. Son
père lui demanda : « Pourquoi pleures-tu ? Si c’est parce
qu’il fait trop chaud là-haut, je te ferai descendre dans la plaine. » Eliézer
se mit donc à labourer dans la plaine, et il y pleura là aussi.
« Pourquoi pleures-tu ? » redemanda
Hurkanas.
« Je veux étudier la Tora ! » répondit Eliézer.
Et il continua de pleurer jusqu’à ce que vînt le prophète
Elie. Celui-ci lui recommanda d’aller à Jérusalem et de
s’y mettre à la recherche de Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai,
le plus grand Sage de sa génération.
Arrivé à Jérusalem, Eliézer, vous l’avez
deviné, se remit à pleurer : « Je veux étudier la
Tora ! »
Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai lui demanda : « On ne t’a même
pas appris à réciter le Chema’ ? »
« Non. »
C’est ainsi que le grand Sage, Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai, apprit à Eliézer
l’ABC du judaïsme. Puis il lui dit : « Très bien, Eliézer
! Nous avons réussi. Il est temps maintenant que tu rentres chez toi
! »
Eliézer se remit à pleurer : « Je veux étudier
encore plus de Tora ! »
Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai lui enseigna les cinq Livres de Moïse
et la Loi orale. Après quoi il lui annonça : « Eliézer,
il est temps maintenant de rentrer chez toi ! »
Eliézer se lamenta de nouveau : « Je veux étudier
encore plus de Tora ! »
Et il en fut ainsi. Arriva
un jour où Eliézer était assis
et étudiait la Tora au fond de la salle d’étude. Son père
Hurkanas y entra inopinément. Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai demanda
alors à Eliézer de s’avancer vers l’avant et de réciter
sa Tora à haute voix.
Après qu’il eut fini, son père se leva et, rayonnant de
fierté, lui dit : « Eliézer, j’avais eu l’intention
de partager mes biens entre tous mes fils, sauf toi. Mais maintenant je vais
te donner, et à toi seul, tout ce que je possède ! »
Eliézer lui répondit : « Mon père, si j’avais
voulu de l’or et de l’argent, je serais resté à travailler à la
ferme. Je ne veux rien d’autre que la Tora. » Et Rabbi Eliézer
ben Hurkanas finit par devenir le maître de sa génération
et celui notamment du célèbre Rabbi Akiva.
La leçon à en
tirer
Cette histoire présente
de nombreuses difficultés.
En premier lieu, comment
se peut-il que Hurkanas, un grand érudit et
un homme riche, n’ait pas enseigné la Tora à son fils ?
Pourquoi, d’autre part, Hurkanas avait-il assigné à son
fils un travail aussi pitoyable que le labour ? Il aurait pu embaucher d’autres
ouvriers pour l’exécuter et charger son fils de les surveiller.
Pourquoi enfin le prophète Elie a-t-il dit à Eliézer
d’aller apprend les principes du judaïsme auprès d’un
Sage aussi éminent que Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai ? N’importe
quel étudiant de yechiva aurait fait l’affaire !
Il n’existe qu’une seule réponse pour expliquer toutes
ces difficultés : Eliézer avait un cerveau extrêmement
lent.
Hurkanas, bien évidemment, avait recruté des enseignants pour
son fils ! Mais même le meilleur maître ne pouvait pas faire entrer
le Chema’ dans le crâne borné d’Eliézer ! Que
peut alors faire un père avec un tel fils ? Le nommer contremaître
? Pas question ! Qu’on lui donne une charrue ! Là au moins il
sera productif !
Mais Eliézer s’est mis à pleurer : « Je veux étudier
la Tora ! » Le seul qui pouvait avoir quelque chance de transmettre le
message à Eliézer était le grand Sage de la génération,
Rabbi Yo‘hanan ben Zakkai.
Rabbi Yo‘hanan, à force d’acharnement, a réalisé une
réussite majeure : Il a enseigné à Eliézer les
bases essentielles. Et quand Eliézer a pleuré pour en avoir plus,
Rabbi Yo‘hanan s’est rendu compte que si sa méthode avait
fonctionné une fois, peut-être pourrait-il lui en apprendre plus.
C’est ce qu’il a fait, et ce jusqu’à ce qu’Eliézer
soit devenu un des plus grands savants de sa génération.
Il faut le vouloir si intensément qu’on pleurera pour l’obtenir.
Nous constatons ainsi que
même le plus lent parmi les plus lents peut
atteindre la grandeur. Le secret ? Il faut le vouloir si intensément
qu’on pleurera pour l’obtenir. Ce fut le mérite de Rabbin
Eliézer ben Hurkanas.
Le
succès
est un don de D.ieu
«
Chaque Juif doit s’efforcer de devenir aussi grand que Moïse. » (Maïmonide,
Les lois de la techouva 5, 1)
Il est évident que nous ne sommes pas tous nés avec l’intelligence,
le caractère et les qualités de chef que possédait Moïse.
Comment peut-on s’attendre alors à ce que nous devenions aussi
grands que lui ?
Si l’on fait des efforts, on trouvera des résultats. (Talmud Meguila
6b)
Que veut dire : « trouver des résultats ? » Pourquoi ne
pas dire simplement : « Si l’on essaie, on verra des résultats » ?
La réponse est que l’effort et les résultats ne sont pas
une cause et un effet. Celui qui parvient aux hauteurs ne le doit pas à ses
talents naturels et à ses capacités. L’effort est de notre
responsabilité, mais les résultats sont une « trouvaille »,
un cadeau de D.ieu. Et D.ieu nous donnera ce dont nous avons besoin pour
réussir.
Le potentiel pour la grandeur est illimité quand nous avons la puissance de D.ieu derrière nous.
Les Juifs sont appelés « les enfants de D.ieu » (Deut.
14, 1 ; Talmud - Pirkei Avoth 3, 18). De même qu’un père
veut, tout naturellement, donner à ses enfants ce qu’il y a de
mieux, de même D.ieu veut-Il que nous ayons ce qu’il y a de mieux.
Voici le vrai secret du
succès : Indépendamment de nos limitations,
notre potentiel pour la grandeur est illimité quand nous avons la puissance
de D.ieu derrière nous.
Tout ce que demande D.ieu est que nous essayons. Ne Le faisons pas attendre.