Les membres du peuple juif
sont des voyageurs invétérés. De manière collective,
nous avons séjourné à peu près dans tous les coins
du globe. De manière individuelle, les juifs ne peuvent s'empêcher
de voyager. Sur toute la population de l'Etat d'Israël, qui dépasse
à présent les 5 millions, l'Aéroport Ben Gourion a récemment
recensé 7 millions de départs israéliens, durant les 12
derniers mois. Que ce soit par curiosité, par insatiabilité ou
à cause de cette bonne vieille angoisse qui torture les juifs depuis
des siècles, cela ne fait aucune différence. Les chiffres parlent
d'eux-mêmes, nous juifs, sommes des voyageurs.
En réalité, les juifs voyageaient déjà à l'époque du Premier Temple, qui marqua l'apogée du pouvoir de la nation juive en Terre d'Israël.
On pourrait croire que c'est
dû partiellement à notre long exil et à ses pérégrinations
concomitantes. Mais en réalité, les juifs voyageaient déjà
à l'époque du Premier Temple, qui marqua l'apogée du pouvoir
de la nation juive en Terre d'Israël.
On recense aussi l'existence
de colonies juives en Grèce et en Ethiopie, sous le règne du Roi
Salomon. La cause première des pérégrinations juives était
bien évidemment d'ordre économique et commercial. Les juifs se
sont ensuite installés dans plusieurs endroits du bassin méditerranéen
et ont commencé très tôt à voyager vers l'Inde et
la Perse. Les raisons de ces migrations étaient une fois encore principalement
d'ordre commercial, mais très vite les juifs se mirent à voyager
pour rendre visite à leur famille et le virus du voyage atteint également
le pays d'Israël.
Il nous est difficile au
21ème siècle d'imaginer quelles étaient les conditions
de voyage de nos ancêtres. Il suffit de dire que des voyages que nous
mesurons aujourd'hui en heures et qui s'effectuent dans un confort relatif (quoique
les sièges de la section économique sur certains vols puissent
nous rappeler les difficultés de voyage passées) prenaient alors
des mois et exposaient la vie et les biens du voyageur à maints dangers.
Au 12ème siècle,
le grand voyageur juif, Benjamin de Tudèle, quitta l'Espagne pour entreprendre
une exploration des communautés juives à travers le monde, laquelle
dura plusieurs années. Il nous a laissé un carnet de routes, qui
retrace ses voyages, ses impressions des communautés juives d'alors et
de leurs dirigeants, et contient une description fascinante de la vie au Moyen-Âge,
dans le bassin méditerranéen et au-delà.
Il est intéressant
de constater qu'à chacun de ses voyages, il a rencontré d'autres
juifs qui étaient eux-aussi de passage. Ceci, à une époque
où la grande majorité de la population mondiale n'osait s'aventurer
à plus de 25 kilomètres de son village natal, toute sa vie durant.
Si vous avez le goût de l'aventure, vous pourriez copier l'itinéraire de Benjamin de Tudèle pour le suivre à votre tour. C'est fascinant !
Si vous avez le goût de l'aventure, vous pourriez être tenté de
copier son itinéraire pour le suivre à votre tour. C'est ce que
j'ai fait il y a une dizaine d'années lorsque j'ai visité la
Provence pour la première fois, et mon expérience s'est révélée
particulièrement fascinante et enrichissante.
LE
COLLECTEUR DE FONDS ÉRUDIT
Tout au long de l'histoire,
les juifs furent contraints de migrer suite aux expulsions, aux persécutions
ou aux pogroms.
Ils furent chassés d'Angleterre et de France, durant le Haut-Moyen- Âge,
puis d'Espagne à la fin du 15ème siècle. Au 14ème
siècle, les pogroms et l'inimitié violente de chrétiens
les forcèrent à quitter l'Europe Centrale et à partir
plus à l'Est, vers la Pologne et la Lituanie. Les juifs étaient
donc un peuple migrateur par nécessité, toujours à la
recherche d'une terre d'accueil qui leur permettrait de vivre leur judaïsme
en toute sécurité.
Il consacra la plupart de son temps à écumer les bibliothèques et les librairies.
Un autre grand voyageur
juif célèbre est le fameux érudit de Jérusalem,
le Rabbin 'Haïm Yossef David Azulaï, plus connu sous le nom que forme
l'acronyme de ses initiales, le " 'Hida ". Il fut envoyé en
Europe, au 18ème siècle, par les Anciens de la communauté
de Jérusalem, afin de ramasser de l'argent pour soutenir les institutions
et les habitants juifs de Jérusalem.
Hélas, si le 'Hida
était un grand érudit, il se révéla un bien piètre
collecteur. Il consacra la plupart de son temps à écumer les bibliothèques
et les librairies, à la recherche d'anciens manuscrits et textes, ainsi
qu'à écrire ses propres travaux d'études, basés
sur ses découvertes.
Il visita ainsi le Vatican,
de même que les grandes bibliothèques d'Angleterre, de Hollande
et d'Italie. Il entreprit plusieurs autres voyages similaires, dont chacun dura
plusieurs années.
Ses contributions à
l'étude rabbinique furent inestimables, car il découvrit des manuscrits
de valeur qui avaient disparus depuis des siècles. C'est pourquoi, ses
ouvrages sont toujours hautement appréciés de nos jours, tant
par les étudiants des yéshivot que par les autorités siégeant
au sein de cours rabbiniques de part le monde.
SEULEMENT DE PASSAGE
La meilleure façon
de résumer le voyage des juifs à travers le monde, serait peut-être
de rapporter la célèbre fable 'hassidique qui retrace l'histoire
d'un homme très riche, envoyé par le Rabbin Israël Baal Shem
Tov, maître fondateur du 'hassidisme au début du 18ème siècle.
Cet homme riche reçut pour mission de délivrer une somme d'argent,
destinée à la charité, à un certain Reb Leib qui
vivait dans un petit village de Pologne.
Parvenu au terme de son
voyage, l'homme riche découvrit que Reb Leib vivait dans la cabane la
plus misérable de ce village frappé par la pauvreté. Reb
Leib invita l'homme riche à un dîner qui se composait de pain dur
et d'une soupe aux légumes insipide. Puis, il insista pour que l'homme
riche passe la nuit dans sa maison et prépara sa couche, faite d'une
planche de bois et d'un assortiment de haillons rapiécés.
Quand l'homme riche fut
finalement prêt à partir, le lendemain matin, après une
nuit blanche et douloureuse, il déclara à Reb Leib que chez lui,
il pouvait dormir dans un lit confortable, garni d'un édredon en plumes
et de draps de satin. Toutefois, comme il ne faisait que passer, il devait se
contenter de conditions de logement sommaires.
Reb Leib fit également
remarquer qu'il possédait lui aussi des conditions de logement plus confortables
dans un autre endroit - au Ciel, dans le Monde futur - mais que comme dans ce
monde, il n'était que de passage, il devait se contenter des accommodations
mises à sa disposition.
" Nous sommes tous
de passage ", dit-il.
En effet, nous sommes tous
de passage. Le peuple juif s'est toujours distingué par son agitation
constante, sa curiosité et son caractère novateur. Peut-être
est-ce dans nos gènes. Nos ancêtres Abraham et Sarah étaient
eux-aussi constamment en voyage.
Le monde est un endroit
fascinant, pourvu d'une incroyable diversité de lieux et de peuples,
à découvrir et à visiter.
Cette merveilleuse variété
et ces paysages magnifiques sont l'œuvre flagrante de la Main du Créateur,
lorsqu'Il créa notre monde et la race humaine. Le voyage n'est donc pas
simplement enrichissant sur le plan culturel, mais peut servir de support à
notre foi, à notre inspiration intérieure.
C'est peut-être cette
facette du voyage qui intrigue tellement les juifs et nous pousse à partir
toujours plus loin pour explorer le monde. Nous sommes en fait en quête
de nous-même, quand nous partons à la rencontre des autres.