Q. Ma
compagnie vend des démos à des compagnies étrangères.
Très souvent, les représentants de ces compagnies font des commentaires
en aparté entre eux, pensant que nous ne comprenons pas. En réalité,
il est très fréquent que nos commerciaux comprennent la langue
de nos clients. Est-il alors permis d' " espionner " ces conversations
qui sont tenues ouvertement en notre présence ?
R. L'usage d'une autre langue
pour une conversation privée est loin d'être nouveau. Nous en trouvons
l'exemple dans la Bible, lorsque les frères de Joseph, pensant que le
vice-roi (Joseph lui-même) ne parlait pas hébreu, prirent avantage
de cette situation pour s'entretenir de manière privée en sa présence
(Genèse 42 : 23). Des générations plus tard, les représentants
du Roi Ezéchias supplièrent l'envoyé assyrien Ravshake
de parler avec eux en araméen, afin que les citoyens du pays, qui parlaient
hébreu, ne puissent pas les comprendre (Rois II 18 : 26).
Du fait que vos clients
désirent que leur conversation demeure privée, écouter
poserait effectivement un problème d'ordre éthique. Ce qui serait
à peine mieux que de leur offrir l'usage d'une chambre de conférences,
tout en écoutant par le trou de la serrure.
En fait, même si l'un
de vos clients est conscient que l'un de vous peut les comprendre (peut-être
l'employé en question a-t-il une fois donné une conférence
dans leur langue) et entame malgré tout une conversation d'ordre privé,
la réaction appropriée serait alors de lui rappeler gentiment
que leur conversation n'est pas privée. Une manière de le faire
discrètement serait de leur demander s'ils désirent être
laissés seuls pour quelques minutes, afin de pouvoir converser librement.
Votre obligation de révéler
votre connaissance de la langue peut dépendre du sujet de la conversation.
S'ils ne font que discuter des détails techniques de la présentation
et qu'ils s'expriment dans leur langue par facilité, alors il n'y a aucune
raison de les informer que vous les " espionnez ". Mais dès
qu'ils commencent à discuter d'attitudes et autres détails qui
pourraient être importants pour votre transaction et vos négociations,
vous devez éviter de les écouter. Vous devez soit leur offrir
de rester entre eux, soit proposer que votre " interprète "
quitte la pièce.
Ici, comme c'est souvent
le cas, l'éthique et l'étiquette empiètent l'une sur l'autre.
Il n'est pas vraiment poli de parler dans une langue que chacun ne peut pas
comprendre. Quand il existe une langue commune, les bonnes manières voudraient
que l'on requière la permission de son entourage avant de s'entretenir
" en privé ". Si vos clients avaient demandé la permission
de s'entretenir " en privé " dans leur propre langue, cela
vous aurait permis de suggérer que leur conversation dans cette langue
étrangère ne serait pas privée et de leur offrir de les
laisser seul quelques minutes.
Notre tradition nous raconte
que l'un des grands sages talmudiques, Rav Safra, avait de la marchandise à
vendre. Quand les acheteurs arrivèrent pour lui faire une offre, Rav
Safra ne répondit pas ! Les acheteurs en conclurent que leur offre était
inappropriée et élevèrent le montant de la somme proposée.
Mais la vraie raison du silence de Rav Safra était qu'il était
en train de réciter la prière du " Shéma " et
qu'il ne pouvait s'interrompre. Quand il eut terminé cette importante
mitsva, il refusa de bénéficier de leur erreur et accepta la proposition
de départ, puisqu'il l'aurait accepté de toute façon, si
cet incident ne s'était produit. De cette manière, il cherchait
à se comporter comme une personne qui " chemine en toute honnêteté,
agit avec droiture et parle la vérité en son cœur "
(Psaumes 15 : 2).
Si Rav Safra est allé
au-delà du stricte texte de la loi, son exemple devrait nous enseigner
que bien qu'il soit permis d'être dur en affaire, nous devons éviter
de profiter injustement d'une négociation.
Vous pouvez envoyer vos
questions d'éthique sur le module responsa de la Homepage
Traduction et adaptation de Jacques KOHN